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Je suis Strasbourgeoise et je ne vais pas boire d’alcool pendant un an

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Strasbourgeoise de 27 ans, free-lance, fêtarde : ça sent le Picon, pas le Perrier citron. Pourtant en 2022, j’ai décidé de ne pas boire une seule goutte d’alcool. Tu te demandes pourquoi s’infliger une telle hérésie ? Comment se sociabiliser avec des gens bourrés ? Les avantages et les inconvénients à être sobre ? Tu aurais envie d’essayer, ou au contraire tu trouves ça complètement fou ? Alors, après plus de 8 mois sans une goutte d’alcool, laisse-moi te faire le bilan calmement (en me remémorant chaque instant) de cette expérience. Et qui sait, peut-être que ça te motivera aussi.


Je sais déjà qu’en lisant le titre de l’article, beaucoup se sont dit « elle devait être alcoolique, donc normal qu’elle ait eu envie d’arrêter ». En réalité, j’avais une consommation d’alcool hypra banale dans notre société : les verres au lycée, quelques cuites le week-end, une pinte en terrasse, du vin à table en famille, des shots en boîte etc. Alors oui, j’avais quelques blackouts à mon actif, j’ai plusieurs fois été malade, je n’ai plus fait de soirées sobres depuis des lustres, mais bon, j’étais jeune, libre, un peu trash, mais sans jamais aller trop loin. Quoi de plus classique ?

Et puis, on m’avait toujours présenté l’alcool comme le symbole du bon vivant, de l’amusement et du réconfort, qui peut tant accompagner une rupture qu’une bonne nouvelle, ou même un déj de travail. J’ai grandi avec, dans ma famille, dans mes groupes de potes, dans mes études, mes jobs, les films, la pub. Donc pendant des années, comme beaucoup, j’ai bu sans me poser de questions.

alcool fort
© Bastien Pietronave / Pokaa

J’avais déjà fait plusieurs fois des mois sans alcool pour me défier avec des copains. Au début, j’éclatais des cannettes de bière le 31 à minuit et petit à petit, j’ai réalisé que je n’avais jamais envie de boire seule, et que c’était intimement lié à autrui. L’alcool était pour moi une facilité, voire une obligation de société. Tout comme la cigarette que je ne fumais qu’en soirée, ces vices complètement tolérés, voire encouragés, me donnaient une contenance dans les interactions aux autres.

Sans eux, pendant mes défis ponctuels, je me sentais perdue : j’étais stressée avant d’arriver en soirée, je mettais du temps à me détendre et je descendais des litres de soft pour m’occuper les mains et l’esprit. Comme il n’y avait plus d’ébriété pour me décoincer, je n’avais plus rien dans les mains pour me planquer. J’ai alors compris que je masquais mon anxiété sociale derrière mes pintes au lieu de l’affronter, et que, sous couvert de jeunesse et de folie, nous n’étions pas capables de rire, de parler, de danser, ou d’aimer sans alcool avec mes amis.

C’est pour cela que j’ai voulu faire un an sans boire : pour aller au-delà de la modération, qui sert davantage à se sentir moins coupable qu’à affronter le problème, et pour ne plus fermer les yeux sur le fait que nous sommes nombreux(ses) à cacher notre gêne, notre colère, notre ennui, notre tristesse ou notre timidité derrière les verres.


Être sobre dans un monde de bourrés

Je ne t’apprends rien si je te dis qu’on a une bonne descente en France : 93% des 18/75 ans ont déjà bu au moins une fois, ce qui en fait la substance psychoactive la plus répandue. Mais parallèlement, l’alcool est la 2e cause de mortalité précoce, maladies et accidents confondus. Ainsi, on pourrait se demander pourquoi il est tant présenté comme un trésor de notre pays (ce qui n’est pas forcément faux), mais rarement comme un danger (ce qui est complètement vrai) : la magie des lobbys mon p’tit !

En 2020, le défi « Dry January » porté par Santé Publique France a été annulé par le gouvernement, sous pression de l’industrie du vin selon de nombreux professionnels de la prévention. Pas étonnant lorsque l’on sait qu’en 2013 le chiffre d’affaires des boissons alcoolisées en France s’élevait à 22 milliards d’euros. Voilà pourquoi tu entends depuis enfant qu’un verre de vin par jour c’est bon pour la santé, alors que c’est faux. Ça te parait zinzin comme situation ? Dis-toi que jusqu’en 1970, la publicité pour le tabac était autorisée à la télévision.

cocktail spritz alcool
© Bastien Pietronave / Pokaa

Résultat de cette ultra-banalisation : quasi tout le monde boit, et ne pas le faire, c’est s’exposer à de très (trop) nombreuses remarques. Entre les « t’es enceinte ??? », les « ooooh t’es chiante » ou les « bon bah on se revoit en janvier 2023 mdr », on sent la pression à se justifier, voire à craquer. Même chose au bar où le serveur ne se prive pas d’un petit pic lorsque tu commandes ton jus de tomate, insinuant que tu es – au choix – trop sage, trop vieille ou trop reloue.

La vérité, c’est qu’être sobre met les gens face à leur propre consommation, et ils préfèrent souvent tacler ceux qui ne boivent pas plutôt que de se remettre en question. Il n’y a qu’avec l’alcool que l’on assiste à un déni aussi fort et généralisé. Une personne qui fume chaque semaine est fumeuse. Quelqu’un qui tape quotidiennement est addict. Mais si l’on boit régulièrement, on est juste normal. L’alcoolique, c’est le mec au nez tout rouge qui fout de la gnôle dans son café le matin. L’alcoolique, c’est celui qui boit plus que soi. Pratique, on n’est rarement concerné comme ça. Et par-dessus le marché, on critique celles et ceux qui prennent un soda, pour (se) faire croire que ce sont eux qui ont un problème. HABILE !


Sociabiliser et sortir sans alcool

Après avoir passé des années à tester les bars de Stras pour me créer des QG de bières, je me suis sentie comme un chat au-dessus d’une baignoire : peu à l’aise. On va boire où quand on ne boit pas ? Au début, j’ai suivi mes potes dans nos adresses habituelles, mais au bout de la 3e soirée à boire des pintes de tisane, j’ai pris les choses en main. Recherches internet, bouche à oreille et tests, un empire de softs cools s’est dessiné : les mocktails de la Péniche Mécanique ou de la Pépinière, la bière pression sans alcool de l’Abattoir, la Ginger Beer du Graffalgar ou encore les limonades de l’Orée 85 et j’en passe. J’ai même fait des jaloux dans mes choix de boisson (pas peu fière, je l’avoue).

>> À lire ou relire : Survivre au Dry January à Strasbourg : ces bars qui peuvent étancher notre soif tout en sobriété

Mais l’une de mes plus grosses interrogations, c’était la fête. Ne pas boire pendant un an ok, mais arrêter les soirées, JAMAIS. Seulement voilà, cela faisait des années que je n’avais pas fait l’un sans l’autre. Alors au début, j’avais clairement un balai dans le derrière : difficile de danser, de me lâcher ou de ne pas me sentir complètement exclue lorsque mes amis avaient la tête dans le caniveau. Entre les coups d’haleine, les monologues interminables et les blagues lourdes genre tire sur son doigt, ce n’était pas simple.

Mais l’avantage de faire un défi d’un an (et d’en avoir parlé à tout le monde pour que ce soit trop la honte si tu rates), c’est que tu n’as ni le choix de t’adapter, ni l’occasion de céder. Le dilemme était simple : soit je passais un an à m’ennuyer comme un rat crevé, à ne plus sortir alors que j’adore ça et à être mal à l’aise dans toutes les situations collectives, soit je (ré)apprenais à m’éclater sans. Alors j’ai dépassé le malaise des premières soirées et je me suis confrontée régulièrement à la teuf sans aucune autre substance que ma joie de vivre, et MAGIE ! Je me suis décoincée doucement, mais sûrement.

Mieux encore, je suis toujours la dernière à quitter la piste de danse. Mais aussi la première réveillée le lendemain. Club maté à la main, sourire aux lèvres, j’ai appris à réellement me libérer du potentiel jugement des autres, quand ivre, je n’en avais juste plus conscience. Après tout, pas de raison de craindre le regard de quiconque lorsque celui-ci est complètement flou. Et cherry on the cake : avec des sorties à environ 10 balles à présent contre au moins le triple avant, c’est ma banquière qui me kiffe maintenant !

© Adrien Labit / Pokaa


Un corps sain dans un esprit (presque sain)

Après 12 ans à boire de l’alcool, forcément, y’a du changement. La peau est plus lumineuse, plus saine, le corps moins gonflé, l’esprit plus vif et le sommeil plus réparateur. Mais là où cela a été le plus fou, c’est sur mon anxiété. Ce n’est pas un secret, l’alcool est le faux meilleur ami des stressés : si j’avais la sensation « d’endormir » mes appréhensions sous quelques bières, je me tapais un sacré retour de bâton. Des scientifiques ont même inventé le terme d’hangxiety (anxiety + hangover) pour décrire cet état inconfortable que l’on peut ressentir en lendemain de soirée lorsque toute l’angoisse occultée la veille ressurgit. Ne plus boire m’a forcé à être face à mes insécurités et à travailler réellement dessus plutôt que de les masquer avec de l’ébriété.

Je ne vais pas te mentir, au début ce n’est pas facile. Mais plus je l’ai fait, plus je me suis sentie sereine sans substance. Évidemment, je peux toujours avoir des petits moments où je ne suis pas méga à l’aise, comme tout le monde. Mais cela arrive moins souvent, moins longtemps et maintenant, j’ai surtout la capacité de les gérer naturellement. Et quoi de mieux pour la confiance en soi que de se rendre compte que l’on peut être drôle / intéressante / sympa sans un coup dans le nez ? Parce que si tu ne l’es que bourré(e), l’es-tu pour de vrai ?

C’est aussi sur mon énergie générale que j’ai vu un sacré avant / après. Sans gueule de bois depuis des mois, j’ai (re)découvert le concept de dimanche matin, que je ne connaissais qu’en rentrant de soirée. Quel plaisir d’avoir cette journée pour soi, à faire du vélo, marcher, lire, glander, s’occuper plutôt que de se lamenter dans son lit des heures tout en se promettant que c’est la dernière fois (ça sent le vécu ?). Pendant que mes potes émergent à 16h30 la tête en vrac et les souvenirs manquants, j’ai déjà eu le temps de vivre 1000 journées et je peux leur raconter tout ce qu’il s’est passé pendant la soirée (si vous saviez le nombre de dossiers que j’ai  depuis janvier 😉).

© Mathilde Cybulski / Pokaa


Mais du coup, je continue le défi en 2023 ou pas ?

Moi qui pensais attendre avec impatience le nouvel an pour rompre ce défi débile, je crois que je me suis prise à mon propre jeu. Les premières semaines sont les plus déstabilisantes, comme dans tout changement d’habitude : il faut aller à l’encontre de ses réflexes et de ses facilités, et ce n’est franchement pas agréable. Mais plus les semaines passent, plus de nouveaux repères se mettent en place.

Non seulement ça devient de plus en plus facile, mais surtout de plus en plus cool. Je crois que j’ai pris goût à la conscience : partir de soirée dès que j’en ai envie, trainer avec des gens que j’apprécie vraiment, ne dire et faire que ce que je souhaite réellement et ne jamais être déconnectée de tout ça. Difficile d’affirmer que je ne boirai plus jamais. En revanche, je peux dire que la sobriété est une belle thérapie (gratuite), où l’on se découvre et s’affirme davantage. Et pour tout ça je vous le dis : y’a de forte chance qu’en 2023, je trinque au Champomy !

Et toi, tu pourrais faire ce défi ?



Celia Laignel / @Keldechet

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Je suis Strasbourgeoise et je ne vais pas boire d’alcool pendant un an

Commentaires (10)

  1. Bravo. Pour les mêmes raisons cela fait maintenant 3 ans pour moi. J’ai beaucoup de mal à m’imaginer retomber dedans et suis toujours sidéré devant la banalité de l’alcool dans la vie des autres.
    Cette expérience fut pour moi celle du retour à moi-même! Fascinant!

    • À peu près pareil, et un peu moins de 3 ans. Ça permet de se parler à soi-même avec franchise, d’ouvrir de nouveaux horizons, d’affirmer des choix. Malgré les sollicitations, aucune envie de reprendre.

  2. Jamais bu d’alcool, ni fumer quoi que ce soit, ni autre substances quelquonque a visé récréative altérant l’esprit n’ont été jamais été consommé par moi… J’en suis fière car par choix, j’ai 30 ans rien ne me manque ! Mais cette société me fait me sentir gêner de ne rien consommer de cette gamme de produits, a la limite de la honte, c’est assez spécial a vivre car les gens veulent absolument me faire consommer quant ils comprennent que abstinent…

  3. Bravo. Belle initiative. MERCI pour le partage. Il y un beau film sur Netflix, FLJGHT, qui parle de ce sujet et nous fait prendre conscience de la magic de la sobriete et l’emprise de l’alcool

  4. Bravo Celia pour cette expérience.
    Je suis straight edge (pas d’alcool, pas de drogues, pas de tabac) depuis 22 ans. Je ne sais pas si ça va te rassurer mais je continue à me prendre des remarques. Ouais, c’est pas « cool » d’être sobre 😉

  5. C est bien. Mais comme les anciens fumeurs tu deviens chiante…a ta place je continuerai..tu perdras des choses essentielles car il faut savoir boire et de la qualité ce qui n était pas ton cas…

  6. On peut avoir l’alcool “social” sans se retourner la tête à chaque fois. Question de volonté et de discipline. Le “plus ou moins avec modération”

  7. Ce n’est pas vraiment une révélation d’arrêter de boire de l’alcool. Énormément de monde ne boient pas d’alcool sans pour autant en faire une affaire d’état. Il n’y a aucun mérite à faire un défi sur ce sujet là. Boire de l’alcool n’est pas une obligation alors que lorsque j’ai lu l’article j’ai senti comme si l’alcool était obligatoire et que le fait de ne pas en boire faisait de nous des cas à part ou exceptionnel. Je trouve ça ridicule.

  8. Effectivement, c’est « hypra banal » (sic) comme démarche, je crois même que ça s’appelle « grandir ». Après, il est vrai que tout le monde n’arrive pas à cette étape là, malheureusement (pour eux-mêmes).

    Pro-tip : si tu évolues dans un cercle de personnes qui ne comprend pas tes choix, il est peut-être temps de le changer.

    Et puis, au delà du tout blanc / tout noir, il existe une troisième voie, celle de la nuance : rien ne t’empêche de boire un verre si la pression sociale est trop forte, notamment lors de grands événements marquants par exemple. Ce chemin te permettra en prime de privilégier la qualité de l’alcool ingéré au détriment de la quantité.

    Puisse ce défi te mener vers d’autres habitudes saines ; il y en a des tonnes d’autres.

  9. Très inspirant ce petit défi ! Enfin pas si petit au vue de comment l’alcool s’inscrit dans notre quotidien. Merci à toi de nous partager toutes tes expériences, continue pleaaaaase !!

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