Nebbiu, c’est un rappeur de 24 ans amoureux des sonorités, qui se distingue sur la scène rap strasbourgeoise par ses textes positifs, et sa façon de naviguer entre les différents styles musicaux. Nous sommes allés à sa rencontre pour parler de la scène strasbourgeoise, de ses rencontres, et de son dernier court-métrage, /vwa/, dans lequel se mêlent rap, voyage introspectif, et questions de genre.
C’est tout sourire que Nebbiu vient à nous, et cette entrée en matière résume à elle seule le personnage. L’artiste originaire de Strasbourg propose une musique accessible, pleine de couleurs, et jalonnée par les histoires des personnalités qui croisent son chemin. La passion de la musique lui a été transmise par ses parents qui jouent du piano et de la guitare. Baignant dans le milieu du rock et de la chanson française, il commence petit à faire des reprises, puis plus tard au lycée, à rapper avec son groupe d’amis.
Et quand on lui demande pourquoi c’est le rap qui a finalement retenu son attention, il répond : “Parce que j’aime trop ça […] quand je suis devant une scène, qu’il y a une prod’ rap qui passe [dans le jargon du rap, la prod est l’instrumentale, la rythmique derrière les paroles], je me dis que c’est ce que j’aime, c’est le truc qui me fait vibrer. Je trouve qu’il y a une énergie folle ! […] Dans ma musique, l’idée c’est de reprendre cette énergie, ces codes, et y mettre d’autres paroles, des choses plus personnelles, des mots qui essaient d’élever l’âme”.
Strasbourg comme port d’attache
Pour Nebbiu, s’élever c’est aller à la rencontre de l’autre, sortir de sa zone de confort. Il s’est donc jeté dans le grand bain il y a quelques années : dans le cadre de ses études en école d’ingénieur à Strasbourg, il a eu l’opportunité de partir un semestre dans la ville norvégienne de Tromsø. Jusque-là, la musique et le rap étaient restés secondaires pour lui, trop emporté dans le tumulte bouillonnant du quotidien. C’est donc à 3237 kilomètres de Strasbourg, qu’il a appris à apprivoiser son temps libre pour poser ses idées et ses textes, dans les studios d’enregistrement mis à disposition gratuitement par la municipalité norvégienne.
C’est également à ce moment qu’il fait la rencontre d’Alex, un beatmaker norvégien, qui va stimuler sa créativité. C’est alors le point de départ d’une grande aventure musicale, et d’une belle amitié, puisque, malgré la distance qui les sépare aujourd’hui, Nebbiu travaille encore majoritairement avec Alex pour faire vivre les textes qu’il écrit : “On n’a pas attendu le covid pour télétravailler !”, plaisante l’artiste.
Après un second stage de quelques mois à Montréal, Nebbiu rentre à Strasbourg, son port d’attache avec lequel il n’a jamais coupé les liens, puisqu’il continuait à envoyer ses morceaux à Pierre Liermann, papa de l’émission Hip-Hop From Elsass sur RBS. Garder cette attache avec la capitale alsacienne était important pour lui : “Strasbourg, c’est la ville dans laquelle j’ai fait mes classes de rap, avec mes potes du lycée, de prépa et d’école d’ingé’. Du coup, on a rappé dans à-peu-près toutes les rues, dans à-peu-près tous les états, et donc c’est aussi la ville de mes souvenirs. Quand je me promène dans les rues strasbourgeoises, c’est comme un cinéma qui se déploie sous mes yeux”.
“L’important, c’est la rencontre”
Et comme on ne fait pas un bon film sans un bon casting, Nebbiu entretient des liens solides avec des artistes de la scène locale strasbourgeoise : “J’avais toujours une vue sur ce qui se passait à Strasbourg, et lors de mon retour, c’était l’occasion de rencontrer les gens que je suivais depuis longtemps sur les réseaux sociaux ; des gens motivés qui font bouger les structures musicales locales”. C’est ce qui s’est passé avec son acolyte, le rappeur et producteur JimBim. Depuis, les deux artistes sont inséparables, et collaborent régulièrement ensemble.
Pour entretenir ou faire naître des amitiés avec la scène hip-hop de la capitale alsacienne, Nebbiu a eu l’idée de proposer à tous les volontaires, un projet collaboratif sur le titre Oymyakon, issu de son dernier, en faisant un appel à projet sur ses réseaux sociaux. L’idée, c’est que chacun s’approprie le morceau, en propose une variante en le remixant, ou en y ajoutant un couplet : “L’important, c’est la rencontre […] l’idée c’est de créer des opportunités, d’échanger, et construire des fondations solides”. Robadub, un des rappeurs du Zengang dont nous vous parlions dans cet article, a d’ailleurs posé un couplet sur le morceau, et le résultat nous a fait kiffer.
Bousculer les codes du rap
Pour Nebbiu, le partage dans la musique passe aussi par les valeurs qu’il veut transmettre via son écriture. Loin des codes classiques du rap, l’artiste se distingue par des textes positifs, véhiculant un message de sagesse : “Comme je me plais à le dire, ce n’est pas tant ce qu’on fait qui importe, mais comment on le fait ! J’ai bien conscience que pour certains le rap est une manière d’évacuer la violence quotidienne, mais le fait est que ma vie s’est construite autour de beaucoup de belles choses, et je n’ai pas envie de m’inventer des problèmes […] j’ai la chance de pouvoir apporter des choses positives par mon rap et mon travail d’écriture. Et puis, j’aime bien subvertir au modèle du gentil, et montrer que c’est bien d’être une bonne personne, sans pour autant être niais”.
Pour l’artiste, voir le monde sous un œil plus favorable, c’est aussi réinterroger certains codes associés au milieu du rap : “Si je peux utiliser ma musique pour défoncer le sexisme, je le fais”… Et ce sont justement les questions de genre qu’il a bousculé dans le court-métrage /vwa/, sorti il y a un peu plus d’un mois, pour accompagner son dernier EP du même titre. Dans ce triptyque de 13 minutes filmé par le vidéaste Nicolas Dubois sur l’île bretonne d’Ouessant, Nebbiu apparaît en robe, venant interroger la notion de virilité. Un rappeur dansant en harmonie avec le vent en robe blanche, voilà une situation qui a le mérite de casser les stéréotypes.
En affichant sa vulnérabilité de la sorte, Nebbiu voulait que ce dernier projet en date sonne comme un baptême vers une nouvelle manière d’explorer son travail. Jusque-là discret sur son image, il n’avait pas montré son visage, préférant mettre en avant son logo nuage : “Je préfère parler aux cœurs et aux oreilles, avant de parler aux yeux”. Mais ayant pris davantage confiance et lui, et fier de la personne qu’il est devenu, il a senti qu’il était temps d’ouvrir un nouveau cycle dans son travail, et de sortir des nébuleuses : “J’étais prêt à montrer qui je suis […] je voulais faire de ce projet quelque chose d’introductif [pour la suite] et toute la construction du court-métrage est pensée pour ça”.
La suite promet en effet d’être riche en émotions, puisque Nebbiu planche sur de nombreux projets, dont la préparation de son prochain album qu’il nomme mystérieusement son “album un”, ainsi que quelques passages en télé et en radio. Mais l’envie qui le titille le plus, c’est de faire de la scène cet été, d’apprivoiser les codes de la musique live, mais surtout de rencontrer son public, de partager des moments forts. Quoiqu’il en soit, voilà un programme qui a de quoi réjouir tous ceux et celles qui attendaient les beaux jours et les concerts pour se recharger en bonne musique !
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