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« On ne sert plus ! » : récit de la dernière soirée du Nelson

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« On ne sert plus ! » Combien de Strasbourgeoises et de Strasbourgeois ont déjà entendu cette phrase ? Une phrase qui signifiait trois choses : il était déjà tard dans la nuit, les lumières blanches n’allaient pas tarder à nous ramener à la dure réalité de notre condition et « Sous le vent » allait nous intimer de fermer les yeux. Au-delà de tout cela néanmoins, cette phrase est culte, parce qu’on l’entendait au Nelson.

Le Nelson, ou ce pub qui a rythmé la vie de la ville pendant plus de 20 ans. Ce samedi 18 décembre, il servait sa dernière tournée, au sein d’une soirée aux allures de joyeux bordel désorganisé. Avant 20h, les fidèles faisaient la queue en attendant de rentrer, faisant même une haie d’honneur à une des serveuses. Dès 20h30, toutes les tables étaient prises. Dès 21h, on ne pouvait déjà plus s’entendre sans avoir besoin d’un mégaphone ou d’être situé à deux centimètres de son voisin de table. Si quelqu’un rentrait sans connaître le bar et voyait tous les joyeux lurons qui le composaient, il aurait pu se demander s’il ne se trouvait pas dans une autre dimension.

Pourtant, ce samedi 18 décembre, l’ambiance était également particulière. Les dernières fois, aussi joyeuses soient-elles, comportent toujours un arrière-goût amer. Ici, pour mes compagnons de tablée et moi, c’était la sensation de ne pas avoir pu discuter une réelle dernière fois avec les serveurs et serveuses, comme on avait pris l’habitude de le faire toutes les semaines au comptoir. C’était également le fait de ne pas profiter à fond de la soirée, écrasé par un groupe de 10 sur une table de 4. Difficile de ressentir les choses et la valeur de ce qu’on a pu vivre sans un cm2 d’espace.

© Nicolas Kaspar/Pokaa

Malgré tout, alors que les heures passaient et l’échéance se rapprochait, petit à petit, l’émotion se fraya un chemin. Et finalement, qu’importe la fatigue, le monde, le bruit et nos déceptions momentanées ! Le Nelson c’était ça aussi finalement. Une grande maison, qui accueillait tout le monde, tels qu’ils étaient, de 20h à 4h. Qu’ils soient éprouvés par la vie ou mieux lotis, fans de métal, de variété ou de synthwave, toutes les Strasbourgeoises et tous les Strasbourgeois qui posaient le pied dans ce bar, se retrouvaient un peu comme chez eux. La Guinness pas chère et une sacrée carte de whiskys en plus.

Vers 3h du matin, la cloche retentit et les mots « Dernière tournée ! » criés par les serveurs résonnent dans l’air, suspendus dans la moiteur de l’atmosphère. Dans tout ce brouhaha intense autour de nous, débute un moment hors du temps. On prend enfin la mesure de ce qui se passe : le Nelson va fermer. Un de mes compagnons de tablée commence à pleurer. 13 ans de fidélité pour un bar présent quand il était au plus bas. 13 ans qu’il se posait au comptoir, toutes les semaines sans exception. Mon autre compagnon, touché par l’émotion, fit de même. Moi, je me mets en arrière, et je ne dis rien. J’ai jamais été doué pour les émotions après tout.

3h22 : Dernier coup de cloche pour le Nelson. « On ne sert plus ! » : cette phrase, si significative. Et là, toutes les émotions contraires vécues pendant cette soirée disparaissent. Laissant simplement place à une ovation de trois bonnes minutes. Un moment fort, qui rend hommage à tout ce que le bar a pu apporter à chaque cliente et client qui passaient les imposantes portes vertes en recherche d’une bière, d’un whisky ou juste un peu de compagnie.

© Nicolas Kaspar/Pokaa

3h40 : c’est le moment. Garou et Céline Dion nous emmènent une dernière fois avec eux, transportant le Nelson pour sa dernière fermeture. Nouvelle ovation, tournée générale de shots, personne ne veut partir. Parce que mettre les pieds dehors, c’est accepter que tout cela a une fin. Dans la joie et la bonne humeur présentes sur tous les visages des gens ce samedi soir, commence à poindre la tristesse. Parce qu’une phrase passe par toutes les têtes, sans jamais pourtant quitter les lèvres : « Le Nelson va définitivement fermer ».

Après un dernier check rempli d’émotion avec les serveurs et serveuses, il est temps de partir. La nuit strasbourgeoise nous accueille dans tout le froid et la pluie dont elle est capable. Comme si Strasbourg pleurait également la disparition d’un de ses bars les plus anciens. Les Strasbourgeois et Strasbourgeoises s’enfoncent doucement dans la nuit, alors que la lumière du bar s’éteint. Cette fois-ci, c’est définitif « On ne sert plus ! ».

Mais on ne peut pas finir comme ça, sur une note triste. Ce n’est pas ça, l’esprit du bar. Alors, à cette phrase, je répondrai néanmoins : « Et si tu crois que c’est fini… jamais ». Parce que, même fermé, l’esprit du Nelson continuera à vivre à travers ses habituées et habitués. Un esprit joyeux, accueillant et festif, qu’il faut continuer à faire perdurer à tout moment.

Enfin, il faut tout simplement savoir dire merci. Merci au bar, à ses serveurs et serveuses : Alban, Loïc, Charly, Loïc, Tatiana, Jo et j’en oublie sans doute. Merci pour tous les moments passés à rire, à parler de tout et de rien et à enchaîner les Guinness. Pour tous les dates passés, tous les concerts vécus, tous les départs pleurés. Les gueules de bois, les petites embrouilles et les grandes amitiés. Pour tous mes souvenirs accumulés depuis quasiment neuf ans, qui ne s’en iront jamais. Pour tout ce que tu m’as apporté cher Nelson, je ne te remercierai jamais assez. Alors bon vent mon ami. Je suis sûr que l’on se reverra un jour.

© Nicolas Kaspar

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Commentaires (5)

  1. Fais ch… comme le décès de R… et tant d’autres dommages collatéraux de cette 🤬 actu !!! C’est dur de rester… serein/honnête/spontané ?! Ça sonne le glas d’une belle époque… et j’en ai plein le C…🤬🤯😱

  2. Merci à Serge pour toutes les ‘Porcherie’ passées et désolé pour tous les bisous infligés à tous les client(e)s consentants.

    Le Nelson c’était vraiment chouette.

  3. Chouette récit.

    Merci à toutes les fantastiques équipes, présente et passées, qui sont succédé dans cet endroit incroyable.

    Une autre “institution” de cette ville qui disparaît, mais that’s life…
    On ne vous oubliera pas.

  4. Je suis scié…Ce repère pour le jeune actif, trentenaire célibataire, papa quadra que j’étais, ferme. Premières nuits vers 1994. C’était le premier lieu où je me rendais en rentrant de missions professionnelles le samedi matin vers 2h. De nombreuses soirées avec ma première compagne. Une référence de mes trente ans en 2000, où souvent on terminait la nuit…pour retrouver l’aube, parfois avec le patron. On rangeait les chaises. Entre la Lanterne et Alex, tout frais derrière le comptoir, que nous parvenions a entrainer pour taper quelques bouteilles de vieux chouchen et pintes de bières irlandaises. Des fléchettes a côté de la cible, des vers improvisés sur un sous bock (la “bite d’amarrage” que Fred avait conservé à l’époque, avant son interlude dans le sud de l’Alsace). La drague, les filles, LA femme. 2010 Papa, j’y suis retourné avec ma fille en tout début de soirée pour lui montrer ce qu’était un pub. Quinqua. Alex n’est plus, d’autres se sont fondus dans les flots de l’existence. Peu sont restés. Les errances dans l’hypercentre réveillent des nostalgies. La Java, la Lanterne, le Nelson, le Molly, l’Exil, et bien d’autres. Ainsi s’écoule le temps…

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