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« Je ne pensais pas que ça arriverait un jour » : les restaurateurs strasbourgeois face au pass sanitaire

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Depuis dimanche 25 juillet, la loi pour l’extension du pass sanitaire a été votée. S’ouvre alors une nouvelle ère pour les bars et les restaurants, qui vont devoir commencer à contrôler les pass sanitaires de leurs clients. À moins d’une semaine de la mise en œuvre du dispositif, on est allé discuter avec certaines et certains d’entre eux, afin qu’ils donnent leur ressenti sur la période à venir.


Régulièrement annoncée début août, l’extension du pass sanitaire aux bars, restaurants se fera le 9 août, sauf avis contraire du Conseil constitutionnel. Ce dernier rendra sa décision sur la constitutionnalité de la loi le 5 août prochain. Cela laisse donc encore un peu de temps aux restaurateurs strasbourgeois pour se préparer et débuter une nouvelle étape d’une année définitivement pas simple pour eux.

Un dispositif compliqué mais préférable à une fermeture

 

« Ça va être compliqué ». Les mots de Samra Goshime, du restaurant éthiopien Abyssinia au quartier Gare, reflètent bien l’état d’esprit des différents bars et restaurants strasbourgeois se préparant à l’extension du pass sanitaire. Une nouvelle étape compliquée pour la profession, qui a dû s’adapter un nombre incalculable de fois depuis le début de la pandémie, comme le précise Jacques Chomentowski, président délégué à la restauration et aux débits de boisson à l’UMIH du Bas-Rhin : « On a à peine rouvert, pu revivre correctement, et là c’est une nouvelle épine dans le pied. »

Néanmoins, toutes celles et ceux interrogés ne remettent pas en cause le pass sanitaire, ni son application. Mais plutôt la complexité du dispositif. Comme Joseph Thomas, gérant du bar Jeannette et les Cycleux situé au centre-ville : « On appliquera bien entendu le contrôle du pass sanitaire car il faut mettre tout en œuvre pour éviter de refermer et sortir de cette pandémie. Mais nous ne savons pas encore comment. » Cette volonté de « moindre-mal », pour continuer à travailler et éviter une fermeture, offre aussi une perspective plus positive, comme le souligne Samra Goshime : « Le problème, c’est que ça va être encore plus compliqué qu’avant. C’est un passage compliqué mais une fois qu’on sera tous vaccinés ça va aller. »

Du côté de Gilles Egloff, à la tête du groupe Diabolo Poivre (La Hache, La Corde à Linge, Tzatzi, Le Stork, etc.) : « C’est un avis un peu mitigé. D’un côté, on préfère ça à une fermeture ou toute autre mesure plus radicale. Donc, si ça aide à ne pas tout fermer en octobre, on va s’y soumettre. Pour être honnête, je ne pensais pas que ça arriverait un jour. Ça va juste compliquer notre boulot, alors que ça fait un an que c’est compliqué. On a fait beaucoup de choses donc on n’est plus à ça près. Mais on s’en serait bien passé. »

© Samuel Compion / Pokaa


La question des contrôles

Une des grandes difficultés posées par le pass sanitaire dans les bars et les restaurants, c’est celle des contrôles. Qui va s’en charger et comment faire pour à la fois être au service et au contrôle ? Pour Gilles Egloff, au moins, il n’y aura pas les contrôles d’identité : « Le plus c’est qu’on aura probablement pas à contrôler l’identité de nos clients. Parce que ce n’est pas notre job et en plus ça aurait été beaucoup plus contraignant. » Mais Joseph Thomas constate quant à lui les limites de ce dispositif : « Ce qui est un peu dommage c’est que ne sachant pas si le QR code est relatif à un test ou un vaccin, nous devrons scanner nos habitués tous les jours au lieu d’une fois. Ceci nous aurait permis après 3-4 premiers jours de moins se focaliser sur le contrôle. »

Pour Samra Goshime et ses collègues, l’heure est à l’organisation : « Je serai amenée personnellement à faire du contrôle. Mais comment pourra-t-on savoir si c’est la bonne personne ou pas ? Comment faire un contrôle qui soit efficace ? On est en train d’y réfléchir avec mes collègues. » Pour les restaurants, le système de réservation pourrait tout de même bien leur simplifier la vie, comme en témoigne Gilles Egloff : « Ça va prendre du temps, il faudra mobiliser une personne qui ne fera que ça. Quand tu as des réservations, on installe les gens donc c’est simple à vérifier. Mais dans l’après-midi, en mode brasserie, c’est quand même compliqué. C’est pour ça que ce sera plus compliqué à La Corde à Linge par exemple. »

© Bastien Pietronave / Pokaa


La problématique des terrasses

On arrive au nœud du problème. Si les contrôles vont prendre du temps et mobiliser encore plus le personnel, pour les restaurants, le système de réservation restera gérable. Pour les terrasses en revanche, la musique est toute autre. Exclue du dispositif par les sénateurs, l’extension du pass même en terrasses a été remise dans la loi dimanche 25 juillet. Une décision qui ne passe pas auprès de Jacques Chomentowski : « Le pass sanitaire n’a aucune logique dans son application. Il n’y avait aucune raison de mettre le pass sanitaire en terrasse. Comment on va faire lorsque des gens vont se rajouter à table ?  S’il y a contrôle, qui va être responsable ? Il n’y a aucune lisibilité. »

Un avis partagé par la patronne du Kitsch’n’Bar, le bar situé à la Petite France. Sur la page Facebook du lieu, le 17 juillet dernier, elle postait en effet un long message expliquant sa volonté d’aller manifester contre le pass sanitaire. Est notamment évoquée la question des contrôles des clients : « Je ne suis pas prête à gérer tout ça, je ne suis pas prête à contrôler les clients pour savoir où ils en sont de leur choix pour avoir le droit de boire un verre, je ne peux pas mettre en place ce genre de contrôle qui va à l’encontre de mes convictions. J’ai toujours souhaité un bar ouvert à tous, je ne porte aucun jugement, chacun a le droit de faire ses choix. » Là encore, la problématique des contrôles, encore plus en terrasses, est remise sur le tapis. Sans aucune réponse ou guidage de la part du gouvernement ou de l’Assemblée nationale.

© Pokaa


Personnel et vie privée

Il faut dire que pour faire des contrôles, il faut du personnel. Jacques Chomentowski met justement en avant ce manque : « Il faut du personnel pour vérifier tout cela. Dans beaucoup de restaurants, on n’a pas de personnel d’accueil. » Dès lors, Samra Goshime envisage d’autres pistes de réflexion : « On va peut-être diminuer la jauge pour qu’on puisse faire les contrôles et le service en même temps sans trop de difficulté. » Pour Gilles Egloff, certains de ses restaurants n’auront pas trop de soucis, puisque des personnes s’occupent déjà de l’entrée en temps normal : « Au Stork ou à La Hache on a quelqu’un à la porte qui va faire ce job-là. »

Tous s’accordent pour mettre en avant les problèmes que représente l’obligation vaccinale qui ne dit pas son nom concernant le personnel. En effet, l’ensemble des employés devra présenter un schéma vaccinal complet au 30 août, sous peine de suspension de salaire. Pour Gilles Egloff, cela pose des problèmes de vie privée : « Pour le personnel, on leur demande qu’ils soient vaccinés et c’est embêtant. Difficile pour nous de leur demander se faire vacciner s’ils n’ont pas envie, même si ce n’est pas la majorité chez nous. Le problème c’est que cela touche à la vie privée, concernant le personnel c’est tout de même un peu délicat. » En outre, le pass sanitaire risque fortement de créer des problèmes sociaux entre employés et entreprises, ce que dénonce Jacques Chomentowski : « On pourrait se retrouver à suspendre le contrat de quelqu’un avec qui il n’y a aucun problème et qui risque après de nous attaquer aux prud’hommes. Aujourd’hui, on ne sait pas qui devra supporter la charge. »

© Bastien Pietronave/Pokaa


La peur d’une baisse de fréquentation

Enfin, les restaurateurs craignent aussi une baisse de fréquentation à partir de la mise en place du pass. Beaucoup ont d’ailleurs déjà remarqué la baisse de fréquentation dans les cinémas. Ces derniers ont en effet connu une chute de 70 % de leur fréquentation depuis l’instauration du pass sanitaire, comme l’explique Franceinfo. Une crainte que relaie Jacques Chomentowski : « Ce qui se passe dans les cinémas va se passer au niveau de notre clientèle, encore plus si on nous prive des terrasses sans pass. On peut estimer une perte de 30 à 40 % pour la profession. »

Samra Goshime, elle, a déjà remarqué les premiers effets, alors que le pass n’est pas encore appliqué : « Depuis une semaine on commence à demander au téléphone si les gens sont vaccinés. Il y a déjà eu des annulations. On attend une forte baisse de clientèle. » Gilles Egloff se montre pour l’instant plus nuancé sur la question : « Est-ce que ça va changer quelque chose concernant la fréquentation ? Difficile à dire pour le moment. On est un peu dans l’attente. Mais on espère que ça ne va quand même pas trop nous impacter. Une partie des gens sont vaccinés, d’autres pourront faire des tests. On espère que ça ne changera pas les habitudes des gens. »

Alors que le pass sanitaire sera normalement étendu dans les restaurants et les bars à partir du 9 août, les motifs d’inquiétude sont nombreux pour les restaurateurs strasbourgeois. Dans tout cela, seul subsiste l’espoir de participer à cet effort pour ne pas refermer à l’automne, et celui d’un allègement concernant les terrasses. Une nouvelle épreuve commence, pour une profession qui en a déjà connu pas mal.


Photo de couverture : ©Pitaya

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Commentaires (2)

  1. Evidemment, plutôt collaborer avec le pourvoyeur de subventions, donc l’Etat que de faire front, tous ensemble. !!!

    Si tous les restaurateurs de France refusaient de jouer aux collabos, le problème du contrôle des Pass ne se poserait même pas.
    ils sont une force qu’ils ne mettent pas en oeuvre.

    Alors BOYCOTT TOTAL et restos chez soi 😉

  2. Les petits révolutionnaires en herbe feraient mieux de se faire vacciner en masse pour que ce pass devienne un souvenir rapidement, et soutenir les restaurateurs, lieux culturels et événementiels par une fréquentation accrue.
    Ces égoïstes attachés à leur petit confort avec la liberté pour excuse, cette liberté qui “consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui” pour rappel, feraient mieux de lutter contre l’insécurité sanitaire, plutôt que se trouver des raisons pour éviter une ou deux piqûres. La relance adviendra qu’avec l’éradication du virus et pour ça qu’une seule solution : la vaccination.

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