Après quasiment un an de fermeture, d’annonces contradictoires et d’incertitudes, les lieux culturels strasbourgeois vont enfin pouvoir rouvrir leurs portes. Le mercredi 19 mai, et même si ce ne sera pas encore comme avant, les Strasbourgeoises et Strasbourgeois pourront à nouveau chiner dans un musée, assister à des concerts ou assister à une pièce de théâtre. Un vrai shot de culture qui fait du bien. On est allé à leur rencontre, pour leur demander comment ils avaient vécu cette période compliquée, mais aussi pour qu’ils nous réenchantent quelque peu, avec leurs projets pour les mois à venir.
La Laiterie : « Hâte que les amoureux de musique puissent vite revenir à la maison. »
Pour la Laiterie et Thierry Danet, son directeur, la période actuelle possède encore son lot d’incertitudes : « La crise est encore là pour nous, avec un avenir proche très complexe et des incertitudes sur la rentrée. » Le directeur développe : « Les concert assis, on maîtrise les protocoles sanitaires. Mais la questions des concerts debout, pour l’instant, on n’a pas de visibilité sur la manière dont ils peuvent reprendre. Nous il va falloir qu’on réadapte cette jauge des 35 % à notre jauge assise. » Une donnée qui met en difficulté le modèle économique de la Laiterie : « On a un modèle économique qui est à 75 % sur les ressources propres, soit les gens qui achètent leurs places. La limitation des jauges est un très très lourd handicap. »
Cette situation n’a pourtant pas l’air de décourager l’équipe de la Laiterie. Il faut dire que, aux dires de son directeur, elle n’a pas cessé de travailler durant ces longs mois de crise sanitaire et les plus de 160 reports de dates : « Depuis un an, on travaille en permanence avec une filière professionnelle pour faire en sorte de maintenir les projets, pour que les artistes choisis viennent à Strasbourg au lieu d’annuler. » Le directeur ajoute : « On a ouvert tant que possible la salle pour la création. La reprise, elle va être très complexe aussi pour les artistes, donc on a voulu accompagner le plus possible les gens pour qu’ils soient prêts à remonter sur scène dans les meilleures conditions possibles. »
Avec une exposition en rapport avec le cosmos pour l’Industrie Magnifique et une belle surprise prévue en extérieur, la reprise est vue avec optimisme par Thierry Danet : « Suivant comment la situation évolue, dès le 3 juin, on peut avoir une proposition d’une vingtaine de concerts sur le mois, pour les habitués de la Laiterie. » Parmi ceux-là, et même si toute cette programmation est bien évidement soumise à l’évolution de la situation sanitaire, on peut déjà retrouver Sébastien Tellier le 6 juin, Yseult le 11, Kid Francescoli le 16 et Pomme le 23. Cela ravira sans doute le public, qui n’a jamais manqué de donner son soutien : « On reçoit une quantité de messages de soutien. C’est important et lorsqu’on sait que ce ne va pas être simple tout de suite, ça fait du bien de savoir que tout le monde n’attend qu’une chose : que la Laiterie rouvre enfin. »
Les musées de la ville de Strasbourg : « Les musées ont conscience de leur rôle fédérateur en termes de lien social. »
Pour Paul Lang, directeur des musées de la Ville de Strasbourg, la crise sanitaire a été longue à encaisser : « On l’a vécue d’une manière beaucoup plus difficile que la première. Elle a été bien plus longue, plus diluée. Ça fait six mois que l’on est confiné. Pour créer des liens et du vivre ensemble au sein du musée c’était compliqué. On se sent privés de notre public et on perd notre raison d’être : la transmission de nos œuvres. Donc là cette réouverture, c’est un grand soulagement. »
Cette période compliquée n’a pas empêché les équipes des musées de la Ville de préparer d’arrache-pied la réouverture, quelles qu’aient pu être les incertitudes : « On prépare cette réouverture depuis le 29 octobre. Les équipes ont quand même pu continuer à venir, donc préparer de nouvelles expositions. L’incertitude a été compliquée mais on voulait quand même prolonger des expositions que personnes n’avait vues. » Les expositions sur Goethe au palais Rohan et Fantasmagorie au musée Alsacien ont pu être prolongées : jusqu’à fin mai pour la première et jusqu’au 7 juin pour la deuxième. Une collaboration avec la HEAR sur Michel Aubry sera elle prolongée jusqu’à la fin août.
Pour que la culture soit à disposition de toutes les Strasbourgeoises et tous les Strasbourgeois, les musées de la Ville de Strasbourg ont mis en place plusieurs choses. Déjà, on vous en parlait ici, les musées seront gratuits jusqu’au 30 juin, dès le 19 mai : « Cette gratuité a quelque chose de festif ; elle met en évidence que la culture en général, et les musées, ont conscience de leur rôle fédérateur en termes de lien social. » Des jauges seront également appliquées, adaptées à chaque musée de la Ville, et un dispositif de réservation en ligne sera mis en place. Le tout, dans un esprit de fête, qui devrait se propager dans tout Strasbourg cet été, et ce dès le 12 mai, comme le tease déjà Paul Lang.
Le PréO : « Ça a été des hauts et des bas : de l’enthousiasme de la préparation au silence radio sur la culture en janvier. »
Pour le PréO, salle située à Oberhausbergen, et Camille Lidin, directrice-adjointe du PréO Scène, la crise sanitaire a eu une conséquence de taille : leur saison culturelle, allant d’octobre à mai, est terminée. « Notre dernier spectacle en salle devait avoir lieu le 12 mai, donc notre programmation culturelle en salle est terminée pour cette saison. » déclare Camille Lidin. Et ce, malgré tous les efforts mis en place : « On n’a pas annulé en avance pour se tenir prêts dès qu’on aurait l’autorisation de jouer et d’accueillir du public. On voulait pouvoir donner aux compagnies la possibilité d’exercer leurs métiers. »
Malheureusement, cela n’a pas été le cas, donnant lieu a une année difficile : « Ça a été des hauts et des bas : de l’enthousiasme de la préparation au silence radio sur la culture en janvier. » Pourtant, cela n’a pas empêché la salle de vivre : « La salle continue de vivre, on accueille différentes compagnies, pour soutenir la création locale. ». Ni même de travailler sur des projets artistiques allant à la rencontre des habitants de leur commune : « On est sur un projet résidence de territoire. Un projet qui veut toucher tout le monde, action sociale, jeunesse… axé sur le territoire local, c’est vraiment une priorité de notre action cette année. »
Ce projet ne doit pas faire oublier la programmation pour la nouvelle saison du PréO. « On a bien avancé sur la programmation. Ce sera une saison hybride entre des spectacles reportés et de nouvelles choses. Le tout portera sur quatre axes principaux : humour, musique, théâtre et jeune public. » Deux gros temps forts rythmeront déjà l’année : le concert de Tim Dup, déjà reporté deux fois, et la pièce Le potentiel érotique de ma femme. Il reste tout de même un dernier spectacle qui parlera aux plus sportifs d’entre-nous, le 2 juin prochain : « C’est du théâtre de rue, censé être en extérieur en partenariat avec le club de foot local. C’est possible qu’on puisse le jouer en salle. » Une constante réadaptation.
L’OPS : « Ce ne sont pas que des mots quand on dit que le public nous manque.»
« On a vécu l’année de manière dynamique. » Pour l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, l’année culturelle, même confinée, a été chargée. Marie Linden, directrice générale de l’OPS, précise tous les projets menés à bien : « On a la chance à l’OPS d’avoir des forces permanentes : les musiciens sont engagés à l’année et donc on a pu maintenir un grand nombre de projets. Je ne sais pas si on a déjà autant travaillé. Tout était plus difficile à faire, mais les équipes se sont serrés les coudes. Il y aura des choses à retirer de cette crise. »
Néanmoins, une chose leur a manqué : la présence du public. « Ça a tout de même été un peu sombre parce que quand on joue sans public on est privés de notre raison d’être. Ce ne sont pas que des mots quand on dit que le public nous manque. Sans lui, rien ne résonne. », développe Marie Linden. Avant d’ajouter : « Le public est fidèle, beaucoup de gens n’ont pas demandé le remboursement des billets. » L’OPS s’est donc rapidement remis en ordre de marche pour préparer l’été, dans une configuration particulière : « On a l’impression que l’on va ouvrir la saison, puisqu’on n’a plus joué pour le public depuis octobre. Mais en même temps, c’est la fin de notre saison, donc on est dans une situation un peu étrange. Il y aura néanmoins énormément d’émotion, avec le retour du public. »
L’émotion sera en effet au rendez-vous, puisque la mi-mai sera le moment de dire au-revoir à Marko Letonja, le directeur musical qui a passé 9 ans à l’OPS. Deux concerts seront organisés le 20 et 21 mai, deux autres le 27 et 28 mai. Ces deux dernières dates, il dirigera le 2ème concerto pour piano de Rachmaninov. Il y aura également le concert des Deux-Rives ainsi que celui de présentation de saison le 1er juillet qui permettra de découvrir le nouveau directeur musical. Plus également les concerts aux fenêtres. En un mot comme en cent : « On est dans les startings-blocks. »
Le TNS : « À défaut d’avoir le public, notre fierté c’est d’avoir pu continuer à accompagner les artistes dans leur travail. »
Pour le TNS et Bertrand Salanon, délégué aux projets artistiques, référent et coordinateur artistique de Stanislas Nordey, cette crise a apporté son lot de difficultés et de remises en question : « Il y a eu des moments, où fatalement, il y avait cette sensation de se dire « est-ce qu’on fait pas tout ça pour rien ? », des moments de doute et de découragement. » Néanmoins, ils ont pu trouver du sens dans leur travail en continuant leurs activités : « On a essayé de s’affranchir d’un manque de visibilité, en nous donnant nos propres cadres. L’école a continué, en l’aménageant, tout comme l’activité de création, de répétition, les ateliers et la création de décors. On a fait sans le public, pour nous, on était quand même très actifs.»
Malgré l’anticipation de la réouverture, les annonces gouvernementales ont tout de même pris de cours le TNS, qui tablait davantage sur une reprise en juin : « On a beaucoup mis de spectacles « au frigo », en attendant de les sortir le jour venu. La difficulté, c’est qu’on ne peut pas reprendre la programmation telle qu’elle est envisagée, parce l’équipe artistique avait besoin de se rassembler à 100 %. Or, il y a une partie des acteurs et des techniciens, qui tenaient le même pronostic que nous, qui se sont beaucoup engagés sur du cinéma. Nos équipes sont parfois incomplètes. » Dès lors, il va falloir faire avec cette donnée, tout comme les jauges sanitaires. Les spectacles pourront d’abord par exemple dans un premier temps uniquement être joués aux alentours de 18h.
Au niveau de la programmation, Betrand Salanon table sur un « objectif de trois spectacles sur mai-juin. » Ce sera d’abord Mithridate de Jean Racine, mis en scène par Éric Vigner, qui sera joué du 30 mai au 8 juin. Puis Au Bord, de Claudine Galéa, mis en scène par Stanislas Nordey, et qui sera joué du 21 au 29 juin. Enfin, le troisième et dernier spectacle sera Inflammation du verbe vivre, de et par Wajdi Mouawad du 26 juin au 2 juillet.
À quel endroit a été prise la 1ère photo svp?