Strasbourg n’a pas qu’un physique, elle a aussi des idées ! Si l’on nous concède volontiers une douceur de vivre indéniable, une architecture pittoresque et une gastronomie à s’en pourlécher les babines, on oublie souvent que Strasbourg, c’est aussi une ville d’innovation. Alors certes, l’expérimentation du Bi-Bop n’a pas changé la face du monde, mais certaines inventions révolutionnaires sont bien de chez nous.
À Strasbourg, ça mouline du cerveau ! On a bien sûr inventé un art de vivre fait de bonnes bières, de grès des Vosges et de slalom à vélo entre les touristes. On peut aussi nous attribuer la paternité du sprint 100m tram, des ragondins, de la cathédrale à une flèche, du tote bag Strasbourg aime ses étudiants, d’Alex Lutz, du Vélhop qui pédale dans le vide, de la knack à toute heure et de la douceur de vivre sur la place d’Austerlitz un soir d’été.
Strasbourg, c’est un peu de tout cela, évidemment. Mais ce sont aussi des inventions qui ont marqué le mode de vie des gens par-delà les Vosges, de l’autre côté du Rhin ou même sur d’autres continents. Ce sont des innovations qui se sont exportées bien plus loin que ce que la vue depuis la plateforme de la cathédrale nous autorise à contempler.
On dresse donc ici une petite liste des inventions strasbourgeoises qui ont marqué le monde.
Invention n°1 : l’imprimerie
Si l’on voulait être bien précis, on parlerait plutôt de typographie moderne, puisqu’en réalité, on retrouve des techniques d’impression bieeeeeen plus anciennes, du Moyen à l’Extrême-Orient.
Toujours est-il que même en matière de typographie moderne, il y a débat : Johannes Gutenberg est allemand. Né à Mayence, mort à Mayence, il n’est resté à Strasbourg que pendant une certaine période de sa vie. C’est toutefois pendant cette période strasbourgeoise qu’on lui attribue l’invention de l’imprimerie moderne.
La légende raconte par ailleurs que c’est en observant le fonctionnement d’un pressoir à vin strasbourgeois que Gutenberg a eu l’idée de la presse à imprimer. Il retourne ensuite en Allemagne, où il décide d’imprimer la Bible, déjà un best-seller à l’époque – ne pas se faire spoiler la fin relève du calvaire.
Aujourd’hui, Gutenberg demeure une petite fierté strasbourgeoise : on lui a quand même dédié une place, une île et une statue. Rien que ça.
Invention n°2 : le journal imprimé
Il faut attendre presque deux siècles après l’invention de la presse à imprimer par Gutenberg, pour qu’enfin quelqu’un se dise : « Et pourquoi pas un journal ? » Ce quelqu’un, c’est Johann Carolus. Imprimeur et relieur alsacien, il a l’éclair de génie en 1605, et raconte les nouvelles du coin dans sa gazette joliment nommée « Communication de toutes histoires importantes et mémorables ».
Fierté locale : le premier journal imprimé au monde est strasbourgeois !
Un petit hebdomadaire de quatre pages, rien de bien extravagant. Et pourtant : ce journal d’actualités locales marque l’histoire en devenant tout bonnement le premier du monde. Il sera édité jusqu’au rattachement de Strasbourg au Royaume de France, en 1681.
D’ailleurs, un peu plus de 400 ans après cette invention, Pokaa s’est aussi lancé dans le format papier… et pour plus d’info, c’est juste là !
Invention n°3 : le strass
Ça ne s’invente pas, où plutôt ça ne s’invente qu’à Stras. On vous voit bien venir hein, avec vos thèses évidentes. Eh bien sachez que le strass doit son appellation… au nom de son inventeur, Monsieur Strass. Georges Frédéric, de son prénom. Une sacrée coïncidence direz-vous, un peu comme si la Kro avait été créée par Monsieur Kronenbourg (non, cette fois c’est bien le quartier dont il est question).
Pour la faire courte : au XVIIIe siècle, Strass est joaillier. Comme l’exige le métier, il cherche un moyen de shine bright mais à petit prix. La recette de la gloire est toute trouvée lorsqu’il décide de bidouiller la teneur en plomb du cristal.
S’en suivent d’autres modifications qu’on ne détaillera pas ici (du fait d’une ignorance criante du tableau périodique des éléments) et qui mèneront à ce qu’il nommera humblement « le strass ». Et c’est ainsi qu’au milieu du XVIIIe siècle, un Strasbourgeois crée sans le savoir ce qui sera littéralement la DA des années 2000.
Mais Strass n’aura pas à attendre l’avènement des t-shirts Guess pour connaître la gloire. En fait, le succès est instantané, si bien que l’Alsacien finit même sa carrière au service du roi de France.
Petite anecdote pour briller en société : chez nos ami(e)s du Québec, on ne dit pas « strass » mais « pierres du Rhin ». De rien.
Invention n°4 : le caddie
Les supermarchés ne se développent en France que dans les années 50, mais révolutionnent rapidement la façon de faire ses courses. En 1963, le premier hypermarché du territoire est même béni par un prêtre… et parrainé par Françoise Sagan. Toute une époque.
Si le premier chariot de courses nait aux États-Unis en 1937, celui que l’on connait tous nous vient de Schiltigheim. C’est Raymond Joseph, industriel et fabricant de paniers à salades, qui invente le caddie en 1957.
Et l’objet en tiges de métal a très vite connu un succès mondial, si bien que le caddie, de la marque Caddie, s’impose jusque dans le langage courant. À l’instar du frigidaire ou du kleenex, l’utilisation du nom Caddie (ou caddie, on ne sait plus) est une antonomase – hop, deuxième petite façon de briller en société.
En réalité, la marque est déposée et l’entreprise a déjà défendu l’usage de son nom lors de nombreux procès. On privilégiera donc l’usage de « chariot de supermarché ».
Aujourd’hui, l’usine Caddie a quitté Schiltigheim mais demeure prégnante dans l’histoire industrielle de la ville, à tel point que le tout nouveau parc Caddie a été inauguré cet été, à l’emplacement des anciens locaux de la firme – malgré une actualité pas très joyeuse.
Invention n°5 : l'aspirine
Aujourd’hui un petit peu ringardisée par le paracétamol, l’aspirine et son ancêtre furent pendant 3 000 ans le meilleur remède à la migraine. Dans les temps anciens, c’est l’écorce de saule qui était prisée pour ses vertus curatives.
Du saule découle la salicyline, de celle-ci découle l’acide salicylique. Encore une fois, des bavardages intempestifs lors de cours de physique-chimie en 2010 nous empêchent catégoriquement de détailler ce processus.
Toujours est-il qu’en 1853, un Strasbourgeois rejoint la danse : il est le premier à effectuer la synthèse de l’acide acétylsalicylique. Et c’est précisément ça qui va donner naissance à l’aspirine. Problème : son composé n’est pas très stable. L’homme tombe dans l’oubli.
L’histoire retient donc qu’un Allemand, en la personne de Félix Hoffmann, a inventé l’aspirine. Mais celui-ci a surtout repris et amélioré les travaux de Charles Gerhardt, chimiste strasbourgeois, inventeur trop souvent oublié de la molécule à l’origine du médicament.
Pavé d’Histoire : la rue Charles Gerhardt et son remède contre la gueule de bois
Invention n°6 : le tube cathodique
Si aujourd’hui on a (presque) toutes et tous des écrans extraordinairement fins, connectés, dotés de la technologie 4K et même parfois incurvés, elle n’est pourtant pas bien loin l’époque où tous les salons étaient dotés du mastodonte cathodique.
Et l’homme qui nous a permis de taper sur la télé pour stabiliser l’image pendant le Bigdil n’est autre que Karl Ferninand Braun. Physicien allemand de la seconde partie du XIXe siècle, l’homme enseigne à l’université de Strasbourg lorsqu’il développe le premier tube cathodique.
Ce que l’on appelle rapidement « tube de Braun » est l’ancêtre de l’oscilloscope, qui permet de visualiser les ondes sous la forme d’image. Et à partir de là, donc, tout va bien vite : on développe les téléviseurs, Michel Drucker, Numéro 1, Dorothée, 7 sur 7, la Star Ac’ et tutti quanti.