Cette année, le Jardin des Deux-Rives a 20 ans. Et comme un anniversaire, bah ça se fête, on vous a concocté une petite rétrospective basée sur une question : mais au fait, il y avait quoi avant ? Oui oui, avant la passerelle Mimram, avant le mur d’eau, le chapiteau de Graine de Cirque… avant même les premiers coups de pelleteuse, à quoi pouvait bien ressembler ce qu’on appelait la Porte de France ?
Aujourd’hui, on va parler jardin. Des jardins, il y en a au moins autant qu’il y a de personnalités différentes. Il y a le jardin bien rangé, celui dans lequel les allées sont faites de pavés au bord desquels aucun brin d’herbe n’ose dépasser.
Il y a le jardin potager, qui est entretenu qu’il vente ou qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il grêle, par un retraité consciencieux… Qui a déjà vécu plus de 60 étés et qui a bien entendu pris soin de disposer de la paille au pied des plants de tomates.
Il y a le jardin parsemé de coquilles d’œufs contre ces satanées limaces, celui dans lequel on a accroché une guirlande style guinguette et disposé des spirales à la citronnelle pour accueillir les copains et les copines.
Celui qui a été remplacé par une menthe un peu trop conquérante et celui au fond duquel on aperçoit un CD suspendu qui, faute de faire peur aux oiseaux, fait guise de boule à facettes pour des fourmis sous taz de Fertiligène.
Enfin, il y a celui dont on va parler aujourd’hui et qui s’étend sur deux pays : le Jardin des Deux-Rives. Le même qui, un soir d’été 2018, a vu des milliers de supporters/rices bondir comme une seule personne, en oubliant qu’ils/elles avaient un écocup en main, et se prendre le contenu de celui du voisin, et ne plus trop savoir si c’était à cause de ça que leurs joues étaient mouillées, ou si c’était juste des larmes de joie.
Celui dans lequel les corps des adultes se trémoussent devant la scène du Longevity ou du Pelpass et les yeux des enfants s’écarquillent sous le chapiteau de Graine de Cirque.
Ce jardin souffle cette année ses 20 bougies. À cette occasion, on réajuste l’élastique de son chapeau pointu, on éteint la lumière. Et à la manière d’un diapo projeté sur les murs d’une salle des fêtes, on se plonge dans le passé d’un lieu devenu incontournable dans la vie des Strasbourgeois(es).
1924 : les courses du Rhin
On rembobine l’histoire jusqu’en 1924. On est donc entre les deux guerres, les années sont folles et les Strasbourgeois(es) ont l’humeur à la dépense. Sous l’égide de la Société des courses de Strasbourg, on construit au bord du Rhin un hippodrome… et non des moindres.
Une ligne droite de 600 mètres, des virages serrés, des grandes tribunes… les Dernières nouvelles de Strasbourg vantent « un des plus beaux hippodromes de France ».
Évidemment, tout Strasbourg s’y presse ! Jumelles en mains, on vient assister aux courses militaires, sauts d’obstacles et autres épreuves hippiques. Et en plus de ses dimensions remarquables, le lieu est parfaitement entretenu. Bref, à cette époque-là, Strasbourg brille par son hippodrome et en est fière !
Lorsque la guerre éclate, on creuse des tranchées le long du Rhin. Bon, on connait l’histoire : ça n’empêche pas les Allemands de passer. L’installation leur sert alors de champ d’entrainement.
À la fin de la guerre, on a d’autres chats à fouetter et l’hippodrome n’est jamais reconstruit. Dans ce qu’il en reste, les gamin(e)s du quartier improvisent un terrain de jeu. Ils et elles s’approprient les ruines de la tribune et ce qu’il reste de la tour du starter.
Au début des années soixante, on rase tout !
Années 60' : un nouveau parc sort de terre
Bah oui, l’époque est à l’urbanisme bien rangé. On décide de réaménager totalement le site comme un grand ensemble : le parc du Rhin est né.
Un pont flambant neuf, de larges allées pavées, des massifs de rosiers, une impressionnante fontaine qui projette son jet d’eau à plusieurs mètres de hauteur : tout est fait pour en mettre plein la vue à qui entre dans le pays.
Ce qu’on appelle désormais la Porte de France est absolument nickel chrome, mise en valeur par le parc du Rhin.
Au beau milieu du parc, il y a un établissement qui sent le chlore et la joie de vivre : l’emblématique piscine du Rhin ! Les gamin(e)s y font leurs premiers plongeons, s’égratignent sur le pont et jouent dans le bassin en forme de rivière. Accessible à toutes les bourses, la piscine est incontournable et marque plus d’une génération.
Et c’est parce qu’elle est située juste à côté d’un motel que nombreux/ses sont celles et ceux qui se souviennent aujourd’hui avoir passé bon nombre de dimanches dans la « piscine du motel ».
Pas besoin d’être bien vieux pour avoir connu les dernières traces de cette époque révolue, puisque le fameux motel – devenu Mercure entre-temps – n’a été démoli qu’en 2010.
Si les plus âgé(e)s savent très bien ce qui arrive au prochain paragraphe, les plus jeunes n’ont strictement aucun moyen de deviner, tellement cela n’a absolument aucun sens.
Figurez-vous qu’en plus de toute cette histoire de loisir nautique, le parc du Rhin comporte à l’époque un resto-bar dans… un avion. Rien que ça.
Alors pourquoi un avion, direz-vous. Bah on ne sait pas. Il est des fois où il faut juste accepter ce qu’on lit et ne pas chercher plus loin. Toujours est-il que oui, un avion a fièrement trôné là, seul à côté d’un motel et d’une piscine, au bord du Rhin.
Mais faute de voler à 700 km/h au-dessus des nuages, l’appareil pouvait au moins se consoler en abritant des Strasbourgeois(es) venu(e)s déguster un plat de spaghetti, lever le coude dans sa carlingue ou même gambiller sur du disco.
Ce Lockheed Constellation de 1956 arrive à Strasbourg en 1969. D’abord Super Club Restaurant puis Stella Arbois Super Club Bar, il est finalement détruit par les flammes en 1978.
1985 : Rulantica avant l’heure, made in Strasbourg
En 1985, Strasbourg dit bye bye à la piscine du motel, largement concurrencée par sa petite sœur du Wacken.
À la place, on voit les choses en grand : si l’on veut toujours faire trempette, l’époque évolue et on lorgne désormais du côté des grands ensembles tels qu’on les trouve en Allemagne. Centre aquatique inédit à Strasbourg, l’Océade voit le jour en 1986.
Paradis des gamin(e)s, des ados et de leurs parents, l’établissement voit sa fréquentation exploser (à l’image du prix d’entrée). Si l’Océade rameute plein de jeunes Strasbourgeois(es), elle leur fait aussi perdre quelques dents, déchire des maillots et écorche des genoux : nombreux/ses sont celles et ceux qui se rappellent les malfaçons des installations.
Le toboggan jaune tant redouté s’entremêle aux autres tuyaux, le bec du pélican est vu comme un défi et réservé aux plus téméraires. Dans la piscine à vagues, les enfants virevoltent, plongent et éclaboussent. À l’extérieur, les ados profitent des canons à eau. On y passe ses journées, on y flirte aussi, on y pique-nique, bref : on peut y créer des souvenirs qui gardent l’odeur du chlore et des rosiers.
Finalement, l’Océade n’aura été qu’éphémère…
Au bout de seulement 10 ans d’activité, elle ferme ses portes définitivement. Certain(e)s avancent que cela serait dû à la dangerosité des installations, d’autres imputent cela au prix exorbitant des tickets d’entrée.
Comme pour son ami l’avion, le complexe prend feu quelques années plus tard et est finalement rasé en 2004, lorsque la municipalité décide de restructurer le site pour en faire le Jardin des Deux-Rives que l’on connait actuellement.
Eh, on arrive déjà à la fin de ce diapo d’anniversaire.
La suite, on la connait déjà : en 2004, la Ville décide de tout réorganiser pour faire du lieu un grand jardin transfrontalier. On construit la passerelle Mimram, qui porte le nom du mec à l’origine du projet (comme la poubelle ou la montgolfière). Puis les Strasbourgeois(es) comme les Allemand(e)s s’approprient les lieux.
Et au moindre rayon de soleil, les pelouses sont envahies par des jeunes avec leurs Despe’, des moins jeunes avec des salades de pâtes, des chiens qui courent, des joggeurs/ses aussi, des enfants qui tombent et des parents qui soupirent.
Et ainsi de suite jusqu’à l’été prochain.
et pendant un certain nombre d’années y a eu lieu le festival des Artefacts.
“le nom du mec à l’origine du projet”…un peu de respect pour l’architecte ne ferait pas de mal non?
https://www.mimram.com/en/projects-index
Bonjour, “on construit la passerelle Mimram, qui porte le nom du mec à l’origine du projet” est le style d’écriture de notre rédacteur. Il n’y a aucun manque de respect et un lien renvoie vers son travail 😉
Bonne journée,
Anthony, journaliste pour Pokaa