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À Strasbourg, le dernier vidéoclub d’Alsace fait de la résistance

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Dernier vidéoclub d’Alsace, et (peut-être) bientôt de France, Les Petites fugues propose depuis 20 ans des DVD en location. Rencontre avec Juliette Sizaret, figure du quartier de la Krutenau et cinéphile.

La boutique a des airs de caverne d’Alibaba version cosy. Étagères en bois, murs de DVD, piles de livres et bacs de vinyles… Un chaleureux bric-à-brac organisé sous un éclairage tamisé.

Le magasin ne manque pas non plus d’attirer l’œil depuis la rue, provoquant la curiosité des passant(e)s tant il témoigne d’une époque où pour regarder un film ou écouter une musique, il fallait fouiller, manipuler et se perdre dans des kilomètres de rayonnages.

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© Adrien Labit / Pokaa

Des bonnes sœurs et un cinéma porno

Derrière le comptoir, entourée d’étagères de DVD, Juliette Sizaret raconte sa rencontre avec le septième art. La scène se déroule à Besançon, dans un internat catholique. Nous sommes dans les années 80.

« On avait deux heures de libre le mercredi après-midi et à Besançon il y avait un cinéma porno qui avait une salle art et essai. C’est là que j’ai découvert le cinéma classique et indépendant. » Avec un brin de malice, Juliette se souvient d’avoir dû, chaque mercredi, montrer le programme à la bonne sœur pour justifier sa sortie.

On imagine sans peine l’air suspicieux de la religieuse. « Elle plongeait son nez dans le programme, lisait le résumé et disait : “il termine à 17h30, à 18h vous êtes là !” C’était très fliqué. »

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Juliette Sizaret dans son magasin Les Petites fugues. © Adrien Labit / Pokaa

Juliette va ensuite se chercher un peu avant d’intégrer le cursus histoire de l’art à Strasbourg et poursuivre dans la filière cinéma. « C’était super, on avait tous le même âge et on était passionnés. Il n’y avait pas d’informatique, c’était vraiment du bricolage. Les profs nous laissaient le champ libre, on passait nos nuits en tournage. »

Après des petits boulots dans des festivals et sur des tournages, et un poste d’enseignante, à l’âge de 35 ans, elle saute le pas. « J’avais envie d’ouvrir une librairie sur le cinéma et la photo, j’avais aussi envie d’ouvrir un vidéoclub. J’hésitais entre les deux, finalement, j’ai ouvert un vidéoclub. »

Tant qu’il y aura des DVD

En 2004, la boutique Les Petites fugues ouvre. Pourtant, c’est déjà la fin d’un âge d’or. En plein boom dans les années 90 avec les VHS puis les DVD, le marché de la location s’effondre au milieu des années 2000 sous la pression d’internet. « Ça a pas mal tourné pendant deux ou trois ans, puis c’était fini avec les histoires de téléchargement. Chaque année, je me demandais si je devais continuer. » 

Entre 2004 et 2010, la quasi-totalité des vidéoclubs ont fermé en France. Juliette, elle, décide de continuer. « J’aime travailler ici. Mais à un moment donné, il a fallu faire autre chose que de la location pour tenir. »

La commerçante se met à vendre des disques, des vinyles et des livres d’occasion pour sauver son commerce. Plus récemment, elle est devenue distributrice du magazine Schnock et des affiches des éditions Salam.

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© Les Petites fugues / Document remis

Aujourd’hui, la location de films ne représente plus que le quart du chiffre d’affaires du commerce malgré les 3.000 oeuvres du catalogue. « Je pense qu’il y a un vrai choix ici dans ce que l’on propose. Pour les films, on essaye d’avoir de tout, mais on est quand même spécialisé dans les choses un peu difficiles d’accès. »

Si elle pense tous les jours à s’arrêter, Juliette ne désarme pas, malgré les commentaires de certain(e)s passant(e)s qui la font se sentir comme un dinosaure. « Je ne saurai pas dire ce qui me pousse à continuer la location, peut-être parce que la boutique est connue pour ça et que les DVD continuent à sortir. Le jour où ils ne sortiront plus, peut-être qu’il faudra que j’arrête. »

Le cinéma, c'est comme une boîte de chocolats

Deux jeunes femmes rentrent dans la boutique. Flânent entre les rayonnages, se montrent les DVD et commentent à voix basse dans un silence de bibliothèque. « Beaucoup de gens viennent ici comme dans un musée, des jeunes qui regardent les présentoirs comme un genre de tableau en se disant qu’ils ont vu celui-là ou celui-ci, puis repartent. »

Mais tous ne quittent pas les lieux sans prendre un film, Juliette a ses habitué(e)s. Des cinéphiles de tous âges, dont « beaucoup de moins de 40 ans ». Ils et elles viennent pour le choix, les « pépites » difficiles à trouver et surtout les conseils. « J’ai des clients qui me demandent de leur choisir trois films que j’ai aimés. »

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© Adrien Labit / Pokaa

Surtout, Juliette défend un rapport au cinéma qui se perd avec la dématérialisation. « L’idée de louer et de payer 3,50 euros pour une semaine, ça oblige les gens à se déplacer, à choisir et à décider quand ils vont regarder le film. Je pense que ça les pousse à le regarder en entier. » 

Sur internet, on commence souvent un film, avant d’en essayer un autre, puis un autre, jusqu’à en trouver un qui nous accroche dès les premières minutes. « On zappe », résume la commerçante avant de poursuivre sur une image à la Forrest Gump.

« C’est comme si on allait chez un chocolatier et que l’on pouvait manger tous les chocolats à volonté. À un moment, on sera écœuré. Alors que si on a le droit de ne manger qu’un chocolat le samedi. Toute la semaine, on va y penser, y réfléchir et le samedi, on va en prendre un et le savourer. »

Prendre le temps

Juliette s’inquiète des conséquences de la dématérialisation sur le commerce. Il y a quelques semaines, un couple rentre dans le magasin et commence à regarder les DVD. « À chaque fois que le mari prenait un film, sa femme lui disait :mais non, celui-là, on l’a sur Canal”. »

Elle observe aussi le ballet des livreurs/euses devant le restaurant en face du magasin et la transformation des commerces. « Je me dis qu’à un moment donné, il y aura aucun sens à ce que les magasins existent vu qu’on peut tout faire par internet, parfois pour moins cher. »

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© Adrien Labit / Pokaa

Pourtant, Juliette ne veut pas lâcher, « on prenait le temps il y a 20 ans, j’ai envie qu’on le prenne aussi aujourd’hui. Ce n’est pas du militantisme, c’est juste se déstresser, calmer son esprit, se poser. Arrêter de zapper ». Et puis le magasin, c’est aussi beaucoup de belles rencontres comme cette dame qui s’est installée près de la platine vinyles et a passé toute l’après-midi à écouter de la musique. Ou cette autre, venue déposer des livres et qui s’est finalement liée d’amitié avec Juliette.

Enfin, dans le quartier, la petite boutique fait figure de rendez-vous pour les habitant(e)s. « Les gens viennent boire un café, discuter, raconter leur vie. » Parmi eux, des artistes, des paumé(e)s, des personnages de la Krutenau.

Tout ce qu’il faut pour faire un bon film !

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© Adrien Labit / Pokaa

Les Petites fugues
25 rue de la Krutenau, à Strasbourg
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