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« On doit s’adapter » : dans le Haut-Rhin, les agriculteurs face au problème d’irrigation d’eau

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Alors que l’Alsace connaît ses premiers jours de forte chaleur, nous sommes allés parler irrigation avec les agriculteurs du Haut-Rhin. Secteur très touché par les sécheresses ces dernières années, le sud du département constitue un échantillon révélateur des enjeux actuels autour de l’irrigation des cultures. 

Au fond de l’immense hangar de Gérard Gerum, agriculteur, deux bobines de près de 5 mètres de haut patientent, prêtes à être utilisées. Ce sont des “enrouleurs”, soit des tuyaux de 500 mètres de long dont la fonction est d’irriguer les parcelles de grande culture : le maïs, le blé, ou encore le colza.

“On va commencer à les utiliser dès que les plantes manqueront d’eau”, précise l’agriculteur qui vient de passer les rênes de son exploitation à sa fille, Laura, mais qui reste “toujours actif”. Les Gerum solliciteront leurs enrouleurs ainsi que l’ensemble de leur système d’irrigation plus tôt qu’il y a “dix ou quinze” ans, ils le savent déjà. “Le climat a changé, nous les agriculteurs on le constate et on doit s’adapter.” 

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gée de 31 ans, Laura Gerum sait que l’agriculture des années 2020 doit prendre en compte tous les facteurs liés à l’irrigation et aux sécheresses de plus en plus fréquentes. © Guillaume Poisson

En 2022, le Haut-Rhin a connu une période de sécheresse historique, ponctuée par des restrictions importantes notamment pour les particuliers. “On l’avait vu : nos parcelles non-irriguées avaient rapporté 13 fois moins que celles arrosées”, se souvient Gérard Gerum. Chaque année le défi est désormais d’anticiper les très probables sécheresses de l’été en minimisant le plus possible les dépenses en arrosage. “On n’avait pas ces problèmes à l’époque où j’ai commencé à travailler” fait remarquer Gérard, dont le père et le grand-père étaient déjà cultivateurs.

Deux facteurs expliquent cette importance croissante de l’arrosage. D’abord, les parcelles ont “triplé” de dimension depuis quarante ans. “A l’époque de mon père il n’y avait pas autant de charges. On a vu l’impôt foncier gonfler année après année, et pour rester rentables on a été obligés d’étendre nos cultures, de produire plus.” 

La surface de culture des Gerum est ainsi passée de 40 à près de 140 hectares en quelques décennies. “Forcément les besoins en eau ont augmenté. Si on ajoute à ça le fait qu’il pleut beaucoup moins qu’avant, ou en tout cas que les épisodes de pluie sont moins réguliers, moins prévisibles, qu’on voit plus de sécheresses qu’avant, il a fallu s’adapter.”  Les Gerum ont aménagé deux puits sur leurs parcelles, soit deux systèmes de pompage dans la nappe phréatique de Dietwiller. “On est trois agriculteurs au total à pomper l’eau dans ces deux puits”, précise Elodie Gerum, la fille de Gérard.

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Gérard Gerum vient régulièrement vérifier le niveau du compteur de la pompe, afin de garder un oeil sur l’ampleur de sa consommation et de mieux contrôler les coûts. © Guillaume Poisson

Un coût de plus en plus élevé

L’irrigation représente un coût important à prendre en compte pour le rendement. “Il faut compter environ 600 euros par an, par hectare, sachant que notre terrain fait environ 140 hectares.” Les coûts fixes sont aussi particulièrement élevés : pour pomper l’eau dans la nappe phréatique, un dispositif de 13 000 euros est nécessaire. “Et ça demande beaucoup d’énergie car on est situés du mauvais côté de la nappe.”

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Gérard Gerum dispose de trois enrouleurs pour irriguer ses 140 hectares de culture. © Guillaume Poisson

Nous avons en effet sollicité d’autres agriculteurs du secteur, qui n’ont pas souhaité répondre car eux se situaient “du bon côté” et estimaient n’avoir “rien à dire” sur l’enjeu de l’irrigation.Être du mauvais côté, ça veut dire qu’on doit aller chercher plus profondément sous terre, ce qui coûte beaucoup plus cher. Et les variations sont plus importantes. Cette année par exemple, ça ne s’annonce pas très bien si on en croit la mesure qu’on a réalisée il y a deux mois.”

Selon les données de l’Aprona, l’observatoire de la nappe d’Alsace, la nappe située autour de la commune de Habsheim, qui se situe à 4 kilomètres de la ferme des Gerum, est une des plus mal en point d’Alsace malgré un niveau stable ces derniers mois. 

Faire évoluer les méthodes d’irrigation

Mais le pompage de la nappe phréatique n’est pas la seule solution. Outre le fait qu’elle suscite un certain nombre d’interrogations d’un point de vue écologique (une étude de la revue scientifique Nature, en 2019, démontrait par exemple que la capacité des nappes phréatiques à se reconstituer était dépassée par le rythme des prélèvements au niveau mondial), certaines fermes ne se situent tout simplement pas sur des zones où le pompage est possible.

Les Fischer, par exemple, dont la ferme se trouve à Zimmersheim, vont puiser dans une source d’eau en surface à proximité de leurs terrains. “Le pompage par nappe phréatique n’est pas possible pour nous, dans la pratique, confirme Damien Fischer. On puise dans une source mais on réfléchit surtout ces dernières années à optimiser notre usage de l’eau et à limiter notre consommation un maximum.”

Ferme Fischer Zimmersheim
© Ferme Fischer Zimmersheim

La ferme Fischer ayant beaucoup investi dans le maraîchage ces dernières années, il a été décidé de passer à une méthode “plus précise” que l’arrosage par enrouleur : le goutte-à-goutte. Ce sont des tuyaux perforés placés au ras des plantations. “En gros, là où un canon à eau répand environ 90m3 d’eau par heure, avec le goutte à goutte on est plus autour de 10 m3 d’eau. Et on calcule le début en fonction des besoins de chaque plante, ce qui limite le gâchis.”

Les économies se font même dès les premiers mois de l’année. “Aujourd’hui, on essaye de stocker le plus possible l’eau accumulée pendant les semaines pluvieuses de l’hiver ou même du mois de mai. C’est ce qui fait qu’on aura une année probablement moins dure qu’en 2022, même si on ne peut jamais prédire l’ampleur ou la fréquence des sécheresses”. 

Comme pour les Gerum, ce nouveau rapport à l’eau s’est installé avant tout par nécessité économique : les besoins hydrologiques augmentant avec les sécheresses plus fréquentes, la charge financière s’est retrouvée alourdie. “L’arrosage, ça coûte cher. Alors on compte aller encore plus loin en récupérant l’écoulement de l’eau de pluie sur les toits, notamment pour la partie maraîchage. L’objectif final est de diviser par 8 voire 10 la consommation d’eau.”

Jusqu’à parvenir à l’autonomie complète ? “Tout le monde rêve de ça mais je ne pense que ce soit possible. Si je prends les tomates par exemple, j’ai besoin de 20m3 d’eau par jour. L’eau de pluie ne suffira pas… Mais c’est sûr qu’il faut faire des économies là où on peut.” 

champs choux a choucroute agriculture agriculteurs
© Caroline Alonso / Pokaa

Selon Damien Fischer, l’agriculture devra “s’adapter constamment ces prochaines années”. “Et chaque ferme a sa vérité : ce qui est efficient à Zimmersheim ne l’est pas forcément vers Colmar ou dans le Bas-Rhin.”

Une chose est certaine, conformément au constat et aux pratiques des deux agriculteurs que nous avons interrogés, les chiffres des dernières années montrent surtout une hausse généralisée des prélèvements en eau pour l’irrigation, en Alsace comme ailleurs.

Rien que sur le secteur de Strasbourg (centre et communes limitrophes), certes le plus dense en population mais pas le plus riche en terres agricoles, on est passé d’environ 85 000 m3 d’eau prélevée en 2012 à près de 980 000 en 2020, soit environ neuf fois plus en l’espace de huit ans. 

Guillaume Poisson

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