Pour un précédent article, qui célébrait les vins et les petits bars du coin, on s’était rendu chez 6 de nos tenanciers et tenancières Strasbourgeois(es) pour qu’ils nous présentent certaines de leurs meilleures bouteilles. Aujourd’hui, comme on sait que vous aimez le pinard et celles et ceux qui en parlent le mieux, on a décidé de reproduire l’expérience, mais cette fois-ci avec 3 cavistes de la ville, qui nous ont partagé leurs pépites du moment.
À l’approche des premières chaleurs, pour vous donner envie de vous envoyer des canons de qualité, nous sommes partis à la rencontre de cavistes que vous connaissez peut-être, des professionnels du vin qui nous ont ouvert leurs portes pour une petite dégustation entre copains.
Au programme : Contre-Pied, un caviste situé à deux pas de la place Broglie, L’Oenosphère, tout proche de la place de Zurich, et Entre Deux Verres installé au Neudorf.
Ensemble, on va ouvrir de jolies histoires de vins, qu’on va vous partager en toute simplicité, avec toutes les bonnes ondes que l’on retrouve habituellement chez nos dealeurs de bonnes bouteilles.
Au milieu de leur boutique, Thomas, Benoit et Alexis nous présenteront chacun trois bouteilles :
- Une quille abordable aux alentours de 10 euros, pour un plaisir simple et de qualité sans trop se mouiller
- Une quille un peu barrée, qui surprend l’œil et le palais (et qui suscite les débats)
- Le coup de cœur du moment, qui en principe devrait mettre tout le monde d’accord
Thomas / Contre-Pied
Premier arrêt chez Thomas, le jeune papa de Contre-Pied. Caviste passionné et engagé, récemment reconverti, il a installé sa petite boutique Rue de la Nuée Bleue, à quelques mètres de la place Broglie.
Dans son petit chalet des vins (qui vient de souffler sa première bougie), il propose une approche singulière du produit. En effet, il souhaite avant tout mettre l’accent sur le plaisir des papilles, les émotions que les vins procurent, et le respect des vignerons pour leur terroir et leurs vignes.
Contre-Pied : le nouveau caviste passionné et engagé de la Place Broglie
Parce qu’il adore ça, mais aussi pour désacraliser l’idée des vins de cavistes trop élitistes, il parle avec simplicité de ses rencontres avec les vigneron(ne)s dans l’une ou l’autre des régions de France et du plaisir qu’il a pris à déguster certains vins. Et bien souvent, ce sont ses souvenirs qui nous donnent envie !
Sa sélection de vins, conventionnels, bio, au naturel ou issus de la biodynamie, est vraiment de belle qualité, et on trouve bien sûr des bouteilles que l’on ne trouve nul part ailleurs. Dans sa petite boutique, avec ses amis Stéphanie et Geoffrey, venus exprès pour l’occasion (tu m’étonnes), Thomas nous propose trois bouteilles de sa sélection.
- La quille aux alentours de 10 € :
« Le Gras Mouton » du domaine Haute Févrie. Un muscadet de 2020 par Sébastien Branger (12°), Loire-Atlantique, au tarif de 10,50 €
« C’est un vin citronné et très frais que l’on peut boire à la fois en terrasse, en fin de journée quand il fait chaud, ou à l’apéro, éventuellement marié avec des salades bien fraîches ou des fruits de mer.
Il est différent des muscadets traditionnels, plus équilibré, plein de peps, il y a de la matière et une vraie longueur en bouche. Et en même temps, il y a une petite amertume et un côté salin qui donne envie d’y revenir. Et en plus, il est à prix accessible.
Je sais que Sébastien Granger, le vigneron, fait attention à la vie des sols et au respect du vivant. Selon moi, on le ressent dans ce vin. Servez-le sans le dire à quelqu’un qui n’aime pas le Muscadet, il ou elle sera surpris ! »
- La quille un peu barrée :
Cuvée Exalena du domaine de L’Arbre Viké (Cote de Toule / Lorraine). Un gamay nature de 2022 d’appellation Vins de France par Jan Tailler, à 11° et au tarif de 15 €
« On est sur un vin à la jolie robe qui va vers le rouge rubis. On est ni sur un pétillant naturel à proprement parler (Pet Nat), ni sur un vin trop tranquille, mais sur un subtil mélange des deux : légèrement pétillant à la manière d’un Lambrusco, mais tellement plus intéressant.
C’est un vin un peu sucré, très fruité, et bourré d’aromatiques (naturels) qui font évidemment penser à la fraise et aux fruits rouges. Mais ce côté finement pétillant fait presque oublier le sucre, c’est aussi ce qui lui donne son charme.
C’est un vin super rafraîchissant, mais qui a quand même une petite longueur en bouche qui persiste, mais évidemment ça dépend des palais. Je le vois bien avec des fromages frais comme des chèvres, ou des plats provençaux à base de tomates cuites. C’est un vin d’été, on peut le boire bien frais à n’importe quelle heure, en plus c’est léger en alcool, seulement 11°. »
- Le coup de cœur du moment :
Cuvée Ultreïa, Terroir des Chamblas du domaine Justine Vigne (Vaucluse). Un assemblage grenache et Cinsault de 2021 en biodynamie par Justine Vigne à 14,5° au tarif de 36 €
« On est sur un vin naturel vinifié à l’ancienne par Justine Vigne, une passionnée qui a repris le domaine de ses parents en 2019. Malgré qu’elle vienne de débuter, ses vins sont déjà de très belle qualité, et en plus, ils ont un potentiel de garde démentiel. Cette femme a de l’or dans les mains, elle travaille à l’ancienne, avec des kvevri (les fameuses amphores géorgiennes) et aussi sans machine mais avec des chevaux ! C’est dire si elle va au bout des choses. C’est une vigneronne à suivre absolument.
Là, on est sur un vin à ouvrir le soir pour le lendemain, et à déguster lors d’un repas, si possible avec une viande confite, de l’agneau par exemple, il faudrait également le carafer pour qu’il s’exprime au mieux.
C’est un vin assez dense, un assemblage de cinsault et de grenache qui a de la matière et qui exprime des arômes de fruits noirs, il a aussi un petit coté herbacé. Même s’il est encore un peu jeune (2021), il y a une certaine longueur en bouche, et une puissance juste maîtrisée. C’est seulement le troisième millésime de Justine, et il est déjà assez exceptionnel. »
Benoit / L'Oenosphère
L’Oenosphère, c’est l’un des cavistes incontournables de la ville. Situé tout proche de la place de Zurich, c’est un véritable temple des vins où se côtoient plus de mille références, un vrai musée à consommer. En place à cette adresse depuis 2012 (et oui déjà), Benoit et son équipe proposent l’une des plus larges sélections de vins du centre-ville.
Des grands classiques et des incontournables, des pépites au naturel, des pétillants et des vins carrément zinzins : la sélection est large et très TRÈS diversifiée. Les prix, eux, commencent à partir de 8 euros, parfois moins, pour des vins de belle qualité.
L’Oenosphère, le caviste de la Krutenau continue d’enivrer nos apéros
Le discret Benoit, qui a fondé l’Oenosphère dès 2007 (il était d’abord installé à une autre adresse), fait partie de la petite famille des commerçants précurseurs des vins naturels à Strasbourg.
Dans sa première boutique, il a commencé à commercialiser et à habituer les palais aux vins nature dans les années 2000. Même si ces vins existaient déjà bien avant cette époque, il était peu courant de les trouver chez des cavistes dans notre ville. Dans ce temple du vin, avec son collègue Raphaël, Benoit nous propose de goûter et de nous présenter 3 de ses vins du moment.
- La quille aux alentours de 10 € :
Cuvée « Anathème », du domaine Mont de Marie. Un assemblage de cinsault, aramon, et carignan de Thierry le Forestier, à Souvignargue dans le Gard. 13 ° pour un tarif de 9,90 €
« On connaît ce vigneron depuis des années, on l’aime beaucoup et on aime suivre son travail. L’Anathème fait partie des vins que les gens aiment beaucoup chez nous. C’est un vin de copain comme on dit, de terrasse, on peut aussi le servir un peu rafraîchi en été si on veut, mais on peut le boire toute l’année.
Il y a du jus, il n’est pas trop tannique, et pas non plus trop léger, c’est assez équilibré. On ressent également beaucoup le fruit, on a une touche de fumé et un petit caractère qui s’exprime. En bouche, c’est joyeux, facile à boire, on a une petite acidité qui fait saliver, ça donne envie d’en boire encore.
On a vachement de plaisir à le réouvrir, c’est tout simple et en même temps, c’est bon, tout simplement. Une fois ouvert et bien aéré une heure ou deux, il exprime beaucoup de choses et on a l’impression de le redécouvrir à chaque fois. »
- La quille un peu barrée :
Symbiose, du Domaine Muller-Koeberle situé à Saint-Hippolyte en Alsace. Un vin naturel, orange (macération) millésime 2021 à 13° au tarif de 13,80 €
« Ici, on a un vin de macération typé nature à 100 %, un vin qui a du caractère et beaucoup de vivacité. C’est ce que l’on appelle un vin de complantation, ça veut dire que plusieurs cépages différents sont plantés sur la même zone, et travaillés ensemble. On a du Riesling, de l’auxerrois, du pinot blanc et gris, du muscat et du gewurztraminer.
On a une jolie couleur orangée, cuivrée, on voit directement qu’il y a de la macération. C’est très aromatique, on a le côté fruit croquant du muscat, puis avec de l’ouverture, les autres cépages s’expriment avec un joli coté de fruits exotiques. On a des notes florales et de fruits jaunes, de petits amers discrets, et bien sur ce coté nature assez vif. Mais attention, on n’est pas non plus le nez dans l’écurie, c’est très bien maîtrisé.
En plus, dans ce domaine, tout est travaillé au naturel, ce sont des précurseurs en agroforesterie, ils ont planté plus de 4 000 arbres sur leur domaine pour créer des îlots de biodiversité, ils ont une vraie philosophie et une vraie réflexion derrière chaque vin. Mais c’est vrai que ce sont des vins typés, de caractère, de vraies curiosités. Ils ne plairont pas à tout le monde, mais nous on adore, et en plus l’étiquette est magnifique.
Pour moi, c’est un vin qui se boit frais à l’apéro, entre copains, pour la découverte et la discussion, on va pas le ramener chez papy le dimanche. Il est aussi propice à de jolis accords, c’est un vin estival donc on peut jouer sur les agrumes en salade, avec du poulpe, du poulet aigre-doux et du fromage bien-sûr. »
- Le coup de cœur du moment :
Emma Carinyena, un assemblage grenache et carignan du Priorat en Catalogne (Espagne) millésime 2019 au prix de 30€
« On est sur un vin de Catalogne travaillé en biodynamie, qui selon moi se déguste pendant le repas. Il provient de vignes qui sont cultivées en altitude sur un terroir d’ardoise, et le cépage carignan est travaillé sans intrants dans des amphores. On a un léger côté animal, juste ce qu’il faut, mais le vin est là aussi très équilibré.
On a un côté épicé, fruit compoté et cerise noires bien mûres, mais en bouche, on a aussi ce coté « mine de crayon, comme on dit », c’est-à-dire qu’il est légèrement asséchant.
Il développe une vraie aromatique au fur et à mesure de la dégustation, d’ailleurs, il faudrait également l’ouvrir un peu avant de le boire, et le carafer également. Il y a de la matière, de la finesse, de la fraîcheur, un peu d’acidité dû à l’altitude où sont plantées les vignes, mais surtout une vraie structure et une vraie élégance. Avec ça, on a envie de cuisiner une viande typée, un gibier, ou un agneau également. »
Alexis / Entre Deux Verres
Entre Deux Verres, c’est le genre de boutique sur laquelle tu adores tomber par hasard. Située au cœur du quartier du Neudorf, elle a ouvert ses portes en 2009, et depuis, les habitants du quartier viennent pour dénicher des quilles de qualité travaillées en bio ou en biodynamie.
Passionné de vin français et alsaciens (et installé depuis déjà des années), Alexis est également une référence dans le monde du vin à Strasbourg : il aime proposer des quilles parfois étonnantes, qu’il aimerait lui-même déguster avec ses amis.
D’ailleurs, sur chaque bouteille, il appose une petite étiquette pour décrire les vins avec des mots simples, juste pour nous en dire davantage sur ce que l’on va les déguster, et à quelle occasion il serait judicieux de les ouvrir (pas bête).
Dans sa boutique, au milieu de centaines de références soigneusement sélectionnées, on trouve une bonne trentaine de bouteilles de qualité à moins de 10 euros, un très bon rapport qualité prix pour découvrir de jolis vins sans se ruiner. Le problème ? On a envie de tout goûter…
- La quille aux alentours de 10 € :
« Folle Blanche », un vin nature du domaine Delaunay dans le pays nantais, cépage folle blanche millésime 2021 à 10,5° au tarif de 9,40 euros
« Là, on est sur un vin léger et plein de fraîcheur. Au nez, on a un côté agrume et des notes florales assez subtiles. C’est un vin un peu perlant et sec, avec un peu d’amertume pas trop brusque. En bouche on a un vrai coté iodé assez persistant mais aussi une vraie finesse.
En fait il se boit très facilement tellement il est frais, c’est donc un vin idéal pour des huîtres ou des fruits de mer, du poisson cru, des asperges, du fromage de chèvre affiné, ou à l’apéro au bord de l’eau. »
- La quille un peu barrée :
« Soif », un pétillant naturel millésime 2022 du domaine Les Funambules à Ammerschwihr (Alsace), une curiosité à 10° au tarif de 11,90 euros
« Là, on n’est même pas sur un vin à proprement parler. C’est un mélange de raisin, de pomme et d’eau, le tout fermenté avec des levures indigènes (déjà présents sur le raisin), sans sulfite ni aucun intrant. C’est non filtré, comme on peut le voir, et il y a une jolie couleur en prime. On a des arômes de kéfir au départ, de l’agrume bien sûr, et une vraie finesse grâce à des arômes floraux. C’est un produit qui évolue à l’ouverture, et dont les saveurs changent très rapidement, on a le plaisir à le redécouvrir à chaque gorgée, c’est assez étonnant.
C’est très rafraîchissant, il y a zéro sucre, de fines bulles, un côté légèrement acidulé, c’est un vin parfait à boire frais à l’apéro entre amis avec des salades, des fruits de mer, mais aussi tout ce qui peut se manger avec un cidre (crêpes, galettes, tartes etc…). Et en plus, c’est un vin qui suscite le débat, quand tu amènes ça quelque part ça rend les gens curieux. »
- Le coup de cœur du moment :
« Encore » un vin nature du domaine de l’Alezan en Ardèche. Assemblage grenache et Syrah à 13° au tarif de 16€
« Là, on est sur un vin de plaisir, un jus de grenache dans lequel on a fait infuser des grappes de grenache et de Syrah. C’est un vin très aromatique et très fruité, avec des notes de framboises écrasées et de fruits rouges, mais il y aussi un léger coté herbacé qui le rend un peu plus sérieux.
C’est un vin d’été expressif, un poil perlant et rustique au départ, mais ça lui donne son caractère, il faut l’ouvrir un peu avant le repas et le déguster en prenant le temps.
Plus on le déguste lentement, plus il s’équilibre, je trouve qu’il y a une vraie belle approche dans ce vin, c’est un vin très bien fait et en plus avec de très beaux raisins. «
On espère que l’on vous a donné envie de passer la porte de nos cavistes strasbourgeois et de découvrir leur boutique, leurs vins, et les histoires qui vont avec.
Que l’on soit un(e) expert(e) en pinard ou non, on découvre toujours de beaux produits et de belles personnes lorsque l’on prend le temps de se rendre dans ces commerces toujours un peu hors du temps tenus par des passionnés.
En tant que distributeurs de vins au cœur de la ville, ils sont un peu la vitrine du savoir-faire de nos régions, et après les vigneron(ne) eux-même, ce sont eux qui parlent le mieux des vins que l’on prend tant de plaisir à déguster.
Merci à Thomas, Benoit et Alexis de nous avoir ouvert la porte de leur univers. Et si vous avez envie d’aller plus loin, n’hésitez pas à vous rendre Au Fil du Vin Libre, chez L’Ours Mal Léché, chez Verre de Terre, Au Millésime, chez Art Du Vin, au Comptoir des Vignerons et chez tous les commerçants qui valorisent les vins français et alsaciens.
Attention, ce n’est pas beau à lire « Malgré qu’elle vienne de débuter ».
Bien qu’elle débute, serait plus approprié par exemple.
Merci et bonne journée