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« Un prétexte pour nouer des liens » : on a passé une journée dans la cabane à livres de l’Orangerie

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Alors que Strasbourg a lancé, il y a quelques jours, son compte à rebours d’un an avant de devenir “capitale mondiale” du livre en avril 2024, nous avons passé quelques heures à la cabane à livres du parc de l’Orangerie. Et surprise, les plus fidèles ne sont pas toujours les plus grands lecteurs. 

Elle tient son livre du bout des doigts, le balançant négligemment d’une main à l’autre. Pour l’instant, il ne l’intéresse pas vraiment. Emmanuelle Leleu, manteau noir et regard électrique, préfère raconter son hiver à Alfred et à Christine. “Comme je suis soulagée, leur lance-t-elle. On est passés plusieurs fois ces dernières semaines et à chaque fois, on était super déçus de voir que la cabane était encore fermée. Les deux bénévoles sourient.

Ils le savent, depuis que la cabane à livres du parc de l’Orangerie a rouvert ses portes au début des vacances de Pâques, ses habitués s’en délectent et ne le cachent pas. Ouvert la première fois en 2011, cette structure unique à Strasbourg a dû fermer à plusieurs reprises depuis pour diverses raisons, avant de faire le choix de n’ouvrir qu’en été depuis quelques années. De quoi attiser l’impatience des plus fervents.

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Cabane à livre orangerie
Emmanuelle Leleu (à droite), accompagnée de sa mère et de Quentin Fenoy, vient chercher des livres “pratiques” ou de cuisine dans la cabane. © Guillaume Poisson

Aujourd’hui accompagnée de Quentin, étudiant comme elle, et de sa mère, Emmanuelle Leleu confie son bonheur de retrouver “la convivialité” du lieu. “La première fois j’étais venue avant tout pour les livres. Mais depuis je viens surtout rencontrer des gens, et discuter. C’est toujours sympathique, différent d’une bibliothèque normale car on vient sans savoir ce qu’on cherche, on est dans un état d’esprit ouvert et tourné vers l’autre. Je ne sais pas comment dire mais il y a quelque chose…”

“Un côté vide-grenier”

Contrairement aux boîtes à livres classiques que l’on peut retrouver disséminées dans tous les quartiers de Strasbourg, la cabane dispose d’un espace plus important, de bancs en bois qui invitent à la pause et à l’échange, et d’une dizaine de bénévoles qui se relaient pour recueillir les livres et les ranger.

Jérôme et Marion Schweitzer, 38 et 34 ans, sont bibliothécaires. Ces professionnels du livre, venus chercher des ouvrages jeunesse pour leurs trois enfants ce samedi, parlent d’une “plus grande accessibilité”.

“C’est un lieu qui est ouvert sur la rue, on n’a pas besoin de franchir une porte, les livres s’offrent aux gens qui passent, estime Marion tout en calmant son plus jeune garçon, Calixte, 3 ans, tout heureux d’avoir trouvé un livre d’images. Et puis il y a un côté vide-grenier, brocante, qu’on ne trouve pas en bibliothèque.”

Cabane à livre orangerie
Bernadette Pontillon, une bénévole qui gère la cabane, a fait une belle rencontre avec une Ukrainienne avec qui elle partage à l’amour des livres, à défaut de la comprendre. © Guillaume Poisson

Le “vide-grenier” se transforme même en Tour de Babel quand les visiteurs viennent des quatre coins du monde. “On se trouve sur le chemin du Parlement, pas loin du Conseil de l’Europe, alors on a toutes les nationalités et les livres qui vont avec”, explique Alfred Ritter, l’un des cabaniers – c’est le nom que l’on donne aux bénévoles – les plus assidus.

Un rapide coup d’oeil aux étagères – et une vérification faite sur Google –  permettent effectivement de voir des titres en espagnol, en polonais ou mandarin. Bernadette Pontillon, bénévole de 84 ans et enseignante retraitée, nous présente même son “amie ukrainienne” venue déposer un cabas entier de livre ce jour-là.

“On s’est rencontrées ici il y a quelques mois, dit-elle, enthousiaste. Je l’adore, elle est mignonne, elle m’apprend quelques mots, je les répète mais je ne me souviens plus de rien la semaine suivante.” Ces dames ne se comprennent pas mais s’apprécient par le regard. Et les livres : un Francis Scott Fitzerald dans la pile, un sourire entendu entre les deux.

Cabane à livre orangerie
Dominique, 55 ans, a un rituel : il trouve un livre dans la cabane puis va le commencer sur le banc à côté, “s’il fait beau” © Guillaume Poisson

Un rituel bien rodé

Au fil de l’après-midi les gens arrivent par vagues, certains avec un ou deux bouquins, d’autres avec des sacs de course débordant de livres. Sur un samedi classique, les cabaniers assurent recevoir autour de 200 livres “minimum” et autant, “sinon plus” d’ouvrages qui repartent dans les mains de nouveaux propriétaires.

Lorsqu’un donateur arrive, le rituel est rodé. “Bonjour, je m’occupe de vous” lance le cabanier, qui s’empare alors des livres un à un pour les tamponner avant de les ranger sur les étagères.

On tamponne pour dissuader ceux qui viennent récupérer des dizaines de livres pour les revendre, mais ça ne marche pas forcément, explique Christine Levy, 68 ans, retraitée de la chambre de commerce de Strasbourg. Des fois, on arrive le matin et il y a des étagères entières vidées en une nuit”.

Mais ces mauvaises surprises ne tempèrent pas l’ardeur des bénévoles. La gestion de la cabane est devenue pour eux l’occasion de sortir, de voir du monde, d’échanger entre eux. “Oh, regardez la cigogne qui passe juste au-dessus de nous. Il faut dire qu’on a un magnifique cadre aussi à l’Orangerie. Il arrive même qu’on voit des cormorans perchés sur la cime des arbres.”

Les plages de répit entre deux vagues d’arrivées voient alors les trois ou quatre bénévoles discuter entre eux, refaire le monde assis sur des bancs en bois, comme sur la place d’un village.

Les enfants ont soif de livres, leurs parents aussi

Une torpeur agréable de printemps s’installerait presque… Avant que ne surgissent trois gamins se précipitant sur la dernière étagère, celle réservée à la littérature jeunesse. “C’est ce qui nous manque le plus, les livres pour enfants, confie Alfred Ritter. Combien de fois j’ai pu voir un visage de gamin qui se décompose quand il s’aperçoit qu’il n’y a rien.”

C’est que les enfants s’attachent beaucoup à leurs livres personnels. Pas question pour Emma, 9 ans, de donner ses précieux Calvin et Hobbes, par exemple. “J’ai toute la collection à la maison, c’est mes BD préférées, ils sont à moi !”, tranche la petite avec autorité.

À l’inverse, certains parents transmettent la culture du don de livres chez leurs enfants. “Chez nous, le livre est un objet qui s’échange, qui se partage, confie Anne Franck. La cabane à livres est devenue une sortie familiale. On incite les enfants à donner, et il arrive qu’ils trouvent des trésors. Le petit a eu son premier tome de la Cité de la joie ici, et depuis il cherche toutes les éditions partout !”

Cabane à livre orangerie
Les enfants sont nombreux à venir chercher leur bonheur à la cabane à livres. © Guillaume Poisson

Un peu à l’écart de la troupe, Sylvette, 82 ans, sourit. “Personnellement, j’ai du mal à donner mes livres, j’en achète plus que je n’ai d’étagères chez moi. Et pourtant, j’aime beaucoup venir à la cabane.”

Elle marque un temps d’arrêt, le regard vers la cabane désormais baignée d’une lumière rougeoyante de fin d’après-midi. “J’écoute. J’écoute les jeunes parents dire à leurs enfants à quel point les livres sont importants. Et je me dis que malgré tout ce qu’on dit, on n’est pas complètement perdus !”

Cabane à livre orangerie
Sylvette, 82 ans, se plaît dans l’atmosphère particulière de la cabane, même si elle a personnellement du mal à se séparer de ses livres. © Guillaume Poisson

Texte et images : Guillaume Poisson

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