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Natalya

“C’est une ambiance apocalyptique” : un an après, ils nous racontent la guerre en Ukraine

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Voilà maintenant près d’un an que l’offensive russe a été lancée en Ukraine. Le 24 février dernier, Vladimir Poutine ordonnait à son armée d’envahir le territoire, forçant de nombreux Ukrainiens à prendre les armes ou à fuir leur pays. À l’occasion de ce triste anniversaire, on a voulu prendre des nouvelles de celles et ceux dont la vie a basculé depuis ce jour et qui nous avaient partagé leurs peurs et leurs espoirs au début de ce conflit. Celles et ceux dont le corps est à Strasbourg, mais dont le cœur sur le front depuis 12 mois.

Depuis déjà un an, la guerre fait rage en Ukraine. D’après les estimations du chef d’état-major norvégien, 100 000 soldats ukrainiens et plus de 180 000 soldats russes auraient été tués ou blessés. 30 000 civils ukrainiens auraient également perdu la vie à cause de la guerre. Environ 8 millions de réfugiés ukrainiens auraient fui leur pays, selon le Haut Commissariat de l’ONU.

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Sur le terrain, tout au long de l’année, l’Ukraine a résisté. Même si le pays a subi de grosses pertes, l’armée russe a pour le moment reculé. La plupart des affrontements sont actuellement concentrés dans la région du Donbass à l’est, à proximité de la Crimée, déjà annexée en 2014. Alors qu’ils étaient parvenus à conquérir 24,4% du territoire en mars 2022, les Russes n’occupent plus que 16,6% du pays. 

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Suite à l'offensive russe, la Salle de la Bourse est rapidement aménagée pour accueillir les réfugiés ukrainiens. © Caroline Alonso / Pokaa

À Strasbourg comme ailleurs, la mobilisation s’est rapidement mise en place dès le début de l’invasion. Sur les sept premiers mois, l’association Promo Ukraina a coordonné l’envoi et la distribution de plus de 100 tonnes de bien humanitaires. 5 minibus ont également été achetés et amenés en Ukraine, ainsi que 12 ambulances et 8 voitures. Près de 130 000 euros de dons comprenant des drones, des gilets pare-balles, de matériel médical, de batteries, ou encore de sacs de couchage ont été remis à l’armée ukrainienne par l’association. D’après la Préfecture du Bas-Rhin, 4653 réfugiés ukrainien ont été accueillis dans le département cette année et 602 enfants ont été scolarisés.

Max et Katya

Le jour même de l’invasion ordonnée par Vladimir Poutine, Max, un Alsacien vivant avec sa compagne à Kiev depuis quatre ans, avait accepté de répondre à nos questions. À l’époque, il venait de quitter l’Ukraine seulement quelques jours plus tôt, pour rejoindre Colmar, sa ville natale. Son beau-père, Volodymyr, avait rejoint la brigade de Défense territoriale. Le cousin de sa femme Katya, était à peine majeur et la famille craignait qu’il soit appelé pour son service militaire.

Aujourd’hui, Max et Katya ont fait le choix de refaire leur vie en Alsace. Max a trouvé un travail dans le numérique et sa compagne s’efforce d’obtenir la reconnaissance de son diplôme de médecine. Mais le processus est long et fastidieux. Plusieurs étapes restent à franchir avant qu’elle ne puisse enfin exercer son métier. Toute sa famille et presque tous ses amis sont quant à eux restés à Kiev.

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© Vivien Latuner / Pokaa

Sur le plan humain, à ce stade, tout le monde en Ukraine connaît quelqu’un qui est décédé de la guerre.” explique Max. “Mon épouse connaissait une victime décédée lors de combats dans le Donbass, et notre entourage, d’autres victimes. Nous avons des amis qui sont engagés dans l’armée depuis plusieurs mois, en majorité des volontaires, et nous pensons constamment à eux. Nous connaissons des personnes qui ont perdu leur maison à cause des bombardements, et qui ne tiennent que grâce à l’entraide.

Plusieurs proches du couple ont aussi tenté de refaire leur vie à l’étranger ou bien dans une autre région de l’Ukraine. Mais la plupart sont rentrés au bout de quelques mois, faute de perspectives d’avenir. Depuis le début de l’hiver, les coupures d’électricité compliquent les échanges avec celles et ceux qui sont restés sur place. Les plus chanceux s’en sortent grâce à un groupe électrogène et les autres s’éclairent à la bougie ou à la lampe de poche. “Le dénominateur commun de nos proches restés à Kyiv, c’est qu’ils continuent à vivre, autant que possible, comme avant la guerre, même si la réalité est que la guerre a de nombreux impacts dans le quotidien.” rapporte Max.

Manifestation Ukraine
© Hugo Favre - Napoli / Pokaa

Quant à Volodymyr, le père de Katya, il est finalement rentré de ses quatre mois d’opérations dans l’armée l’été dernier. Depuis, il a repris son travail de pilote de ligne, même si les liaisons depuis l’Ukraine restent très réduites. D’après Max, son beau-père reste optimiste quant à l’issue de la guerre. Mais il pense qu’elle n’est pas prête de se terminer.

Le jeune cousin de Katya, Vova, n’a pour le moment pas été appelé à rejoindre l’armée. Il poursuit donc ses études à l’université de Kiev, même si les cours se suivent essentiellement à distance. Mais la perspective d’être appelé un jour ne doit pas non plus être évidente à gérer, comme pour les autres hommes de son âge en Ukraine” déplore Max.

Alina, Natalya et Albina

En mars 2022, on avait été accueilli chez Alina à Eckbolsheim. Cette étudiante installée à Strasbourg avec ses parents venait de parcourir plus de 2 200 km pour chercher sa grand-mère Albina, sa tante Natalya et son cousin Yegor âgé de 8 ans à la frontière Roumaine. Pendant 24h, ils s’étaient relayés avec son père pour atteindre l’Ukraine le plus rapidement possible et récupérer leurs proches originaires de Mykolaïv.

Natalya Albina et Alina  Ukraine
© Lucas Muré / Pokaa

Au début de la guerre, le reste de la famille d’Alina était resté en Ukraine. Comme le mari de Natalya et son fils de 21 ans. Mais depuis, la situation a bien changé. D’autres membres ont finalement décidé de fuir la guerre pour rejoindre Strasbourg.

Natalya, la tante d’Alina a été placée à Bar-le-Duc près de Nancy. Et les autres proches sont restés à Strasbourg. Comme pour Max et Katya, certains amis de l’étudiante strasbourgeoise ont finalement décidé de retourner dans leur pays, malgré la guerre. Ils ont toutefois rejoint des villes où les risques sont moins importants. Ils ne se sentaient pas forcément à l’aise ici” précise Alina.

Pablo

L’été dernier, le fondateur de l’association locale Les Vélos du Cœur avait pris la parole dans l’un de nos face-cam pour demander du soutien aux Strasbourgeoises et aux Strasbourgeois dans le cadre de sa deuxième expédition humanitaire en Ukraine. Pour ce nouveau départ en partenariat avec Promo Ukraina, Pablo souhaitait emmener avec lui deux ambulances et du matériel médical pour le peuple ukrainien. Une mission pour le moins réussie, puisque le Strasbourgeois est en fin de compte parti avec trois ambulances et un pick-up. 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la guerre a rythmé les douze derniers mois de Pablo. Après avoir déposé les véhicules là où c’était convenu, il a décidé de rester en Ukraine quasiment tout le reste de l’été. Il explique : “Je me suis rendu compte qu’il n’y avait aucune ONG humanitaire dans le Donbass. La plupart des dons sont déposés et restent à l’ouest du pays, à Lviv. Comme j’avais mes vacances universitaires, à titre personnel, j’ai décidé de rester.Durant son voyage, il se lie d’amitié avec un commandant de l’armée ukrainienne, qui lui propose de le rejoindre en tant qu’ambulancier.

Mykolaïv Nikolaev Ukraine carte
© Lucas Muré / Pokaa

Tout au long de l’été, il raconte que les Russes bombardaient au hasard des infrastructures civiles. Et si selon lui la majorité de l’Ukraine est intacte et les médias exagèrent la réalité qu’il a pu observer dans certaines zones du pays, comme à Kiev, dans les zones de combats situées à l’est et au sud, la situation est toute autre : “Dans le Donbass et dans le sud du pays, c’est pire que ce que les média montrent. Tu ne sens pas l’odeur des cadavres et tu ne sens pas l’ambiance. Par exemple, dans les régions près de Kharkiv qui a été libérée par l’armée ukrainienne, j’étais dans un village à moitié rasé. Toute la région est sans eau, sans électricité, sans gaz. Les gens vivent dans des souterrains et quand les Russes se sont retirés, ils ont tout miné. C’est une ambiance apocalyptique.

Pablo se souvient aussi des fillettes qu’il a croisé sur son chemin, qui mettent leur capuche et s’enfuient à la vue d’un homme barbu :Elles vivent dans la terreur des viols de masses des soldats russes. À la fin de l’été, après avoir passé un mois et demi en Ukraine, il confie être rentré avec une mauvaise habitude : la cigarette. “J’ai commencé à fumer. C’est pas bien…” reconnaît-il, un sourire dans la voix.

Ukraine
© Hugo Favre Napoli / Pokaa

Mais quand l’engagement va si loin et que des liens d’amitié se sont créés, difficile de s’arrêter là. De retour à Strasbourg, Pablo a déjà la bougeotte. En novembre, il repart pour deux semaines en Ukraine, afin d’apporter deux nouvelles ambulances à l’Hôpital de Kharkiv et à un bataillon. Puis il cofonde l’association Ukraine is Europe avec son ami Arthur qui réunit une trentaine de bénévoles : “La plupart des mobilisations pour l’Ukraine se sont éteintes. La difficulté c’est de rester dans la durée. Donc si on ne se rassemble pas avec ceux qui veulent encore aider, c’est voué à l’échec.

Dans le cadre de nouvelles expéditions humanitaires co-financées par Promo Ukraina, Pablo est retourné dans le Donbass en décembre puis en janvier. Sur sa route, il aura déposé au total une quinzaine de générateurs à des orphelinats, des hospices et des centres de réfugiés. D’après lui, les combats se sont grandement intensifiés cet hiver et ces dernières semaines dans le Donbass. Tout le long de la ligne de front, il décrit des combats d’artillerie particulièrement violents : Toutes les cinq minutes le sol tremble. Les Russes pilonnent constamment, jour et nuit. Et quand la prise d’une ville est en jeu, c’est des combats au corps-à-corps. La logique de l’armée russe, c’est de raser la ville, parce que personne ne peut se cacher dans des ruines.” Parmi les Ukrainiens dont il a croisé le chemin, la plupart sont très inquiets et redoutent que les Russes préparent une nouvelle grande offensive dans les prochains jours ou les prochaines semaines.

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