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« Il y a une guerre aux portes de l’Europe » : la situation vue par un Alsacien vivant en Ukraine

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Ce jeudi 24 février, au réveil, Vladimir Poutine a lancé selon ses dires une “opération militaire” en Ukraine. Des bombardements ont éclaté dans plusieurs villes du pays, dont Kiev, la capitale. Une étape grave dans le déroulement de la guerre en Ukraine, faisant suite à plusieurs jours d’escalade de tensions après la reconnaissance par le président russe de l’indépendance des séparatistes pro-russes d’Ukraine à Donetsk et Lougansk. On a contacté Max, un Alsacien habitant à Kiev depuis 4 ans, pour qu’il nous raconte la situation actuelle. Témoignage.

Max habite Kiev depuis 2018. Une ville qu’il a rejointe afin d’être avec sa compagne. « Lors de mon arrivée en Ukraine, j’ai eu le sentiment de prendre le train de l’Histoire en marche. À l’époque, un vent nouveau soufflait ». Quatre ans avant son arrivée, l’Ukraine avait en effet éconduit le pouvoir pro-russe de Viktor Ianoukovytch au terme de la révolution de Maïdan, aussi appelée « révolution de la Dignité ». En résulta une relation très tendue entre les pouvoirs russes et ukrainiens. Max développe : « En Ukraine, beaucoup rappellent aux observateurs occidentaux que le pays n’est pas au bord d’une guerre, ou d’une invasion. En réalité, le mal est déjà fait. Son intégrité territoriale a été entamée deux fois durant la dernière décennie. D’abord par l’annexion de la Crimée, ensuite par l’occupation d’une large partie du Donbass par des leaders séparatistes “soutenus” directement par Moscou ». 

Une guerre « hybride » donc, menée par la Russie, se tient en Ukraine. Faite de conflits, mais également de tentatives de résolution pacifiques, à l’instar du protocole de Minsk, signé en 2014. Pourtant, selon Max, la société ukrainienne tient bon : « Face à cela, la société ukrainienne reste d’une incroyable résilience et ne sombre pas dans le chaos ». La résistance passe également par le terrain culturel. En effet, si le russe se parle couramment en Ukraine, la langue est devenue un objet politique en 2019. Max développe : « En 2019, le parlement ukrainien a adopté une loi visant à renforcer l’usage de l’ukrainien. Des quotas ont été adoptés dans les médias audiovisuels. La primauté de l’ukrainien a été instaurée dans la sphère des services, y compris dans le secteur privé ». 

Kiev © Vivien Latuner/Pokaa


Une guerre aux portes de l’Europe

À Kiev, la guerre qui se déroule n’est pas si éloignée géographiquement et la ville a été bombardée ce 24 février. Selon Max, elle fait partie du quotidien de tous les Ukrainiens et ce, depuis des années : « Ça passe par différentes choses. Les points quotidiens des JT sur les affrontements armés au Donbass, qui tiennent un compte des violations de cessez-le-feu, des victimes ; les commémorations sur la place de l’Indépendance à Kyiv des morts de la révolution de la Dignité ; la situation des 1,5 million de déplacés des provinces séparatistes du Donbass ; le cinéma indépendant de réalisateurs ukrainiens ou le cinéma très “patriotique” soutenu par le ministère de la Défense ukrainien. Tout cela est une part de la réalité, présente en arrière-plan du quotidien. Une réalité avec laquelle toute la société a appris à vivre. Tout du moins, jusqu’à présent ».

Un statu quo précaire qui se retrouve pourtant plus que menacé désormais, depuis l’entrée des forces russes dans le pays ce 24 février. Des récents développements qui remettent en jeu la réalité vécue par depuis des années par les Ukrainiens. À savoir : une guerre qui couve aux portes de l’Union européenne. Selon Max : « Certains Occidentaux redécouvrent ainsi après huit années de quasi-silence médiatique qu’il y a une guerre aux portes de l’Europe ». Une évolution également observée du côté des pays européens : « Les pays européens commencent à se rendre compte qu’une guerre en Europe, d’une ampleur inédite depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, n’est plus tout à fait impossible ». Une réalité qu’il n’est plus possible d’ignorer après les récents développements.

Street-art Kiev Ukraine
Kiev © Coraline Lafon/Pokaa


Vivre avec la « menace russe » à sa porte

Pourtant, avant la dégradation rapide de la situation, la vie à Kiev était plutôt calme selon Max : « Nous sortions, comme beaucoup, d’un mois de janvier ponctué de très belles fêtes orthodoxes, faites de kutya, plat typique des fêtes de Noël, koliadka, chants de Noël, et randonnées et sorties sous une neige abondante. Nous nous apprêtions même à fêter la Saint-Valentin ». Néanmoins, aux alentours du 11 février, l’inquiétude d’une guerre a commencé à monter. Même si cela n’a pas ébranlé Kiev : « À Kyiv, c’était loin d’être la panique. Le gouvernement ukrainien a continué à se montrer rassurant. Et beaucoup, en dépit de l’escalade visible dans les médias, ont continué leur vie comme si de rien n’était. C’est simple, si on ne regardait pas les infos, on ne se douterait pas un instant que la menace russe n’est pas loin ».

Une absence de panique peut-être mal comprise par les médias occidentaux : « D’après mes nombreux échanges avec mes camarades ukrainiens, loin de refléter un manque de considération de la menace par la population, cela montre autre chose. Les Ukrainiens vivent déjà depuis 8 ans une guerre imposée et menée par la Russie. À la lecture de l’histoire récente, on peut comprendre qu’ils s’attendent en pleine conscience à ce que Poutine continue ses manœuvres pour déstabiliser le pays. Qu’une invasion russe, peu importe sa forme, ne les surprendrait pas ». Ainsi, finalement, continuer à vivre normalement malgré l’adversité peut être vu comme un acte de résistance. Un message qui, selon Max, voudrait dire que : « Rien ne saurait perturber leur marche vers un modèle de démocratie qui leur est propre, et en tout point éloigné du régime en Russie ».

Néanmoins, la société ukrainienne n’est pas un bloc uniforme. Et vivre avec une menace planant au-dessus de sa tête amène à des réactions différentes. Un point de vue qu’il tient de ses différents amis ukrainiens : « Tout le monde au sein de la société ne réagit pas de la même manière. Certains étaient inquiets des récents développements. D’autres sont convaincus que rien ne se passera à Kyiv. Beaucoup ont déjà emballé leurs biens les plus précieux, leurs documents et des kits de premier secours, pour quitter rapidement la ville. D’autres ont fait le plein d’essence, étudié les itinéraires pour se déplacer vers l’ouest de l’Ukraine, ou même acheté des armes à feu pour se protéger et protéger leurs familles. Enfin, beaucoup ont également recherché les abris anti-bombes les plus proches en cas de bombardements. Tout en essayant de garder leur calme et faire des projets pour l’avenir ».

Métro street-art ours Kiev Ukraine
© Coraline Lafon/Pokaa


L’heure du départ

Max, lui, a choisi de partir. Pourtant, la situation ne s’imposait pas d’elle-même : « La semaine précédent mon départ, je me demandais encore si je faisais bien de partir, en laissant une bonne partie de ma vie derrière moi, pour une durée indéterminée ». Avec la menace de la guerre qui se rapprochait, Max et sa compagne se sont finalement décidés : « Nous avons d’abord songé quitter notre domicile situé en ville pour un petit village à la campagne, non loin de Kyiv. C’est en pleine nature, et on se dit d’instinct que ce n’est pas le premier endroit qui serait la cible d’une guerre. Nous avions fait aussi, à la recommandation de l’ambassade de France en Ukraine, qui temporisait encore la situation le weekend du 12-13 février, quelques stocks de vivres et produits de première nécessité ».

Néanmoins, le réel déclencheur fut différent : « Le déclencheur de mon retour en Alsace avec ma compagne a été la perspective d’une situation de crise qui puisse atteindre Kyiv dans les semaines qui viennent, et s’installer dans la durée. De ne plus pouvoir partir, en raison d’une fermeture de l’espace aérien ». À ce sujet, la décision de la France de demander aux Français en Ukraine de « quitter sans délai ce pays » le 23 février dernier, ainsi que l’annulation récente des vols entre Paris et Kiev, confirme que cette possibilité est devenue réalité. Max conclue en pensant à ses amis : « Je pense que l’inquiétude de proches a également joué dans ce sens. J’ai eu l’opportunité de revenir rapidement au pays, grâce au soutien de mon entourage. Sans cette solidarité, peut-être serais-je resté sur place ».

© Vivien Latuner / Pokaa


Et la suite ?

Hier, mercredi 23 février, le Parlement ukrainien introduisait l’état d’urgence dans le pays face à la menace russe, pour une durée d’un mois. Le pays a également débuté la mobilisation d’une quarantaine de milliers de ses réservistes. Désormais, depuis ce matin 24 février, on semble assister aux prémices d’un conflit armé qui gagne progressivement du terrain sur l’Ukraine et sur l’Europe. Probablement le plus dangereux depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Pour Max, il y a encore des motifs d’espoir : « Sur le court-terme, je garde l’espoir d’une réaction forte, unie, des Européens et des Américains, à mesure que Poutine refuse tout compromis sur l’Ukraine, qui le contraigne à revenir à la table des négociations avec Zelensky, à reconnaître la souveraineté de l’Ukraine, et pour tout préalable à rappeler son armée ».

Très vite, Emmanuel Macron a fermement condamné « la décision de la Russie de faire la guerre à l’Ukraine ». Avant d’ajouter : « La Russie doit mettre immédiatement fin à ses opérations militaires ». Le président américain Joe Biden a lui-aussi dénoncé une « attaque injustifiée » qui provoquera « des souffrances et pertes de vies humaines ». Avant de promette que : « Le monde exigera des comptes à la Russie ». Néanmoins, à l’heure où est rédigé cet article, difficile de savoir quelle sera la suite de ce conflit. Pour l’instant, les dernières nouvelles à 9h faisaient état de l’entrée en Ukraine des forces terrestres russes. En attendant, les yeux rivés sur les prochains développements, on ne peut qu’exprimer tout notre soutien à l’Ukraine.

Kiev © Vivien Latuner / Pokaa

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Commentaires (2)

  1. Je pense qu’il y a une coquille dans le “chapitre” “Et la suite ?” :
    “Hier, mercredi 23 janvier…” janvier au lieu de février

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