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Immersion dans le Cabinet des Estampes et des Dessins : lieu emblématique et méconnu de Strasbourg

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Il est des lieux culturels dont le rôle n’est pas proportionnel à la modestie de leurs locaux. Ainsi, le Cabinet des Estampes et des Dessins de Strasbourg ne jouit pas de la superbe du MACMS ou de l’affluence du musée des Beaux-arts. Pour autant, sa place au sein du réseau des musées de la ville n’est en rien anecdotique. Au contraire, il se trame entre ses murs des ramifications qui en font un maillon essentiel de la conservation et de la valorisation des collections artistiques. Pokaa vous embarque donc pour une petite visite guidée de ce lieu emblématique, mais trop peu connu des Strasbourgeois.



C’est Florian Siffer, le responsable du Cabinet des Estampes et des Dessins, qui nous ouvre les portes qui permettent d’entrer au 5e lieu, ce nouvel espace qui souhaite faire (re)découvrir Strasbourg à travers son patrimoine, son architecture et sa vie culturelle. Mais, pour accéder au Cabinet, il va falloir s’engager un peu plus profondément dans le ventre de ce bâtiment massif qui fait face à notre cathédrale bien-aimée. C’est en effet au 3e étage de cette ancienne École impériale du Service de santé militaire que se situent la salle de consultation, les bureaux et la réserve du Cabinet.

Le bâtiment qui accueille le Cabinet des Estampes et des Dessins place du château
© Florian Crouvezier / Pokaa

Si la vue sur la cathédrale est imprenable et confère au lieu une atmosphère patrimoniale bienvenue, il faut rappeler que le Cabinet n’y a pas toujours eu ses quartiers. À sa création en 1877, c’est d’abord dans l’ancienne Académie qu’on le logea. Le fait d’être, à l’époque, dans le giron du musée des Beaux-arts, explique son premier déménagement en 1898 dans une aile du Palais Rohan ; la galerie Heitz. Ce n’est qu’en 1984 qu’il s’installa au 5 place du château.

Vous allez me dire, c’est bien beau toutes ces considérations immobilières mais qu’est-ce qu’on y trouve vraiment dans ce Cabinet des Estampes et des Dessins ? Alors, forcément, il y a un gros indice dans son nom. C’est bien sûr un endroit où sont conservés… des estampes et des dessins. C’est une définition finalement assez précise de sa vocation, qui annonce qu’on va donc y trouver une vaste collection d’arts graphiques, mais pas des tableaux comme on a coutume d’en admirer dans la plupart des musées d’arts. Ici, vous trouverez plutôt des dessins (dessins préparatoires pour des tableaux, carnets de croquis, etc.) et, ce qu’on appelle au sens large, des estampes, c’est-à-dire des impressions d’après gravure. Les techniques recensées au Cabinet sont variées : crayons, aquarelles, gouaches, gravures sur bois, lithographies, eaux-fortes… La grande majorité des œuvres a donc comme support le papier, mais on trouve aussi des œuvres sur parchemin, des miniatures sur ivoire et même quelques photos.


Les particularités d’un lieu d’Art pas comme les autres

La particularité du Cabinet, comparativement aux autres musées de la ville, est qu’il se visite uniquement sur rendez-vous. Son public se compose donc principalement d’amateurs éclairés, de connaisseurs curieux, d’artistes et d’étudiants en Histoire de l’art. C’est ce qui explique en partie sa relative confidentialité. Une confidentialité contrebalancée par un large travail de partage axé autour de la numérisation des œuvres pour une consultation en ligne, des expositions grand public, des publications (catalogues d’expos ou notices dans des revues) et enfin une communication sur les réseaux sociaux et une page Wikipédia, il faut le dire, tenue de main de maître. Ajoutons à cette batterie d’outils qu’un portail en ligne des collections patrimoniales des musées de Strasbourg devrait par ailleurs bientôt voir le jour.

Florian Siffer, qui est en poste depuis une dizaine d’années, après avoir été formé à l’Université de Strasbourg, insiste sur cette stratégie d’ouverture qu’il juge essentielle au bon fonctionnement du Cabinet. Même si, bien sûr, les conditions de conservation drastiques (les œuvres sont rangées dans des boîtes dans une réserve à l’abri de la lumière) ne facilitent pas toujours la tâche. C’est pourquoi la numérisation, en plus d’être un outil de partage, fait également office d’enjeu de conservation. Car une fois les œuvres numérisées, elles ne sont plus manipulées.

La salle de consultation
© F. C. / Pokaa


Un fonds composé de plusieurs dizaines de milliers d’œuvres

Si les locaux sont modestes, le fonds est quant à lui gigantesque ; la place moindre que prennent des dessins ou des estampes, comparées par exemple à des tableaux, explique ce contraste. On juge qu’il y a entre 100 et 150 000 œuvres conservées au Cabinet. Quand on dit qu’« on juge », c’est que l’inventaire précis du fonds est toujours en cours et s’étalera encore sur de nombreuses années à venir. Aujourd’hui, 30 000 œuvres ont déjà été rigoureusement informatisées. C’est un travail colossal et de longue haleine, surtout quand on sait que l’équipe du Cabinet ne se compose que de deux personnes, Florian Siffer, l’attaché de conservation et Éric Haussler, son collaborateur. Heureusement, deux étudiants stagiaires viennent en général prêter main forte chaque année dans le cadre de leur Mémoire.

Les rayonnages de la réserve
© F. C. / Pokaa

Ce décalage entre la quantité du fonds et sa connaissance encore incomplète est dû à la fièvre acquisitrice qui a pris les conservateurs du Cabinet à ses débuts. Ceci s’explique par le contexte dans lequel le Cabinet a vu le jour Pour le comprendre, il faut remonter aux années 1870. Après la capitulation française, Strasbourg est devenue en 1871 capitale du Reichsland Elsass-Lothringen. D’une part, le nouveau pouvoir impérial souhaitait que Strasbourg devienne une ville prestigieuse sur le plan culturel. D’autre part, il s’agissait de se remettre du traumatisme des bombardements qui détruisirent la collection des beaux-arts exposée à l’Aubette ainsi que la bibliothèque et son fonds inestimable. L’acte de naissance du Cabinet est donc signé en 1877 dans un contexte de stratégie globale de recréation des structures culturelles qui explique cette boulimie d’acquisitions de gros ensembles sans avoir eu forcément la capacité de les traiter au cas par cas dans la foulée.

Les fameuses boîtes dans lesquelles sont conservées les œuvres
© F. C. / Pokaa


Une collection au double visage entre alsatiques et chefs d’œuvres mondialement connus

Si les techniques des œuvres conservées sont variées, leurs domaines respectifs et leurs sujets le sont tout autant. Bien sûr, il y a des œuvres relatives aux beaux-arts mais on trouve aussi des œuvres d’art décoratif, d’orfèvrerie, d’art populaire, d’architecture et d’histoire. Le tout sur une période s’étalant du XIVe siècle au milieu du XIXe siècle.

Les collections du Cabinet suivent en ce sens une double orientation : d’un côté a été composé un riche fond autant artistique que documentaire qui concerne l’Alsace et plus particulièrement Strasbourg, son histoire, ses personnalités et ses artistes. De l’autre, une collection plus internationale, composée des maîtres de la gravure des régions italiennes, allemandes, de France et du nord de l’Europe, tels Honoré Daumier, Jacques Callot, Albrecht Dürer, Lucas Cranach, Andrea Mantegna ou Piranèse. Sans oublier un fonds mineur, mais non moins estimable, composé d’œuvres plus orientales comme les estampes et les katagami japonais ou les miniatures mongoles, sorte « d’aspérité attachante » comme le dit joliment Florian Siffer, dont on retrouvera certaines œuvres pour l’exposition de la BNU sur l’Orient inattendu.


Parmi les œuvres concernant Strasbourg, il est toujours intéressant, et parfois saisissant, pour un spectateur du XXIe siècle de contempler des scènes de la vie quotidienne des siècles passés, des illustrations de faits historiques, des portraits de personnages phares de l’histoire locale, des cartes et plans, des paysages ou des vues de monuments ou de lieux encore bien connus aujourd’hui. Et si la mémoire d’artistes locaux comme Benjamin Zix ou de Théophile Schuler (dont une place et une rue portent leur nom) est encore vivante à Strasbourg, il est toujours bon de se replonger dans leur travail.

Wenzel Hollar, Vue de l’Ancienne Douane à Strasbourg, vers 1630
© Wikipedia CC / Mathieu Bertola/Musées de Strasbourg


Certaines figures strasbourgeoises illustrent d’ailleurs la frontière poreuse qui peut exister entre art local et art international. C’est par exemple les cas de Hans Baldung Grien, de Johann Wilhelm Baur ou de Gustave Doré qui sont trois artistes emblématiques des collections du Cabinet, aussi bien connus pour leurs destins liés à Strasbourg que pour leur carrière reconnue bien au-delà de nos frontières.


Achats et donations : les deux versants d’une politique d’acquisition active


L’enrichissement des collections se poursuit encore aujourd’hui. Il passe par deux canaux distincts mais complémentaires : les donations (comme celle récente et significative de Poitrey-Ballabio) et la veille sur le marché, qui a permis cette année l’entrée de deux miniatures de Jean-Urbain Guérin ainsi qu’un tableau de son neveu Gabriel-Christophe Guérin, en vue de la préparation d’une future exposition sur la dynastie des Guérin, une famille d’artistes strasbourgeois partagée entre Paris et Strasbourg qui n’a encore jamais fait l’objet d’un traitement monographique.

On sent toute la vocation de Florian Siffer lorsqu’il nous parle des conditions d’acquisition du tableau de G. C. Urbain qui furent assez rocambolesques. Puisque d’un côté on avait une mise en vente d’un tableau dont personne ne savait vraiment par quel artiste il avait été peint et de l’autre un conservateur, Florian Siffer, qui connaissait l’existence de ce tableau grâce à un registre, ainsi qu’un dessin et une lithographie du Cabinet, mais qui le pensait perdu. Autant dire que la rencontre du tableau et de l’homme tombait à pic!

Gabriel-Christophe Guérin, Gutenberg inventant l’Imprimerie à Strasbourg en 1436, 1827
© Page Facebook du Cabinet / Mathieu Bertola/Musées de Strasbourg


Les deux coups de cœur du conservateur


Florian Siffer ne se lasse pas d’une collection qu’il estime encore insaisissable. On lui a donc demandé de nous partager deux  de ses coups de cœur personnels. Deux coups de cœur qui, nous allons le voir, doivent à nouveau beaucoup au hasard.

Carl Wilhelm Kolbe, Paysage avec joueur de lyre et fontaine, 1803
© musees.strasbourg.eu


Florian Siffer nous présente d’abord un ensemble de gravures de Carl Wilhelm Kolbe, « stupéfiantes de précision et de beauté », qui représentent des jardins très opulents, à tel point qu’on se croirait aspirés dans leur profondeur et leur touffeur, pour qu’on s‘y perde et s’y délecte. Cette « énorme claque » qui l’a bouleversé, Florian Siffer la doit au travail d’une stagiaire allemande qui avait ouvert cette boîte dans le cadre de ses recherches. Comme quoi, il parfois de bon ton de regarder par-dessus l’épaule des autres…

Lucas Cranach, Le tournoi ou Tournoi à la tapisserie de Samson, gravure sur bois, 1509
© Mathieu Bertola/musees.strasbourg.eu


Il nous montre ensuite Le Tournoi de Lucas Cranach. Cette découverte date d’une époque où il y avait eu une grande expo autour de la gravure allemande dont Cranach était une figure de proue. On pensait alors avoir exhumé toutes ses œuvres conservées au Cabinet. Mais, encore une fois, une boîte ouverte par hasard a fait surgir une merveille. Car dans cette boîte n’était pas censée se trouver une œuvre de Cranach. Une erreur de rangement à l’origine d’une belle surprise donc ! Comme elle était mal rangée, personne ne savait qu’elle existait. Et pourtant, on a affaire là à une des plus belles gravures de la Renaissance, avec un niveau de détails et d’individualisation des physionomies exceptionnels pour l’époque. Florian Siffer se souvient de « la sensation de vertige » qui l’a pris, se disant en lui-même « si c’est ça, c’est énorme ! ».


Une communication moderne


L’équipe du Cabinet partage d’ailleurs régulièrement ses trouvailles et coups de cœur sur les réseaux sociaux. Sur Facebook sont par exemple mis en avant des choix thématiques (« les chevelus », « les espaces confinés », « les insectes ») parfois en lien avec les fêtes, les anniversaires d’artistes ou l’actualité.

Si ce travail de numérisation et de partage en ligne est essentiel (pratique pour la consultation, essentiel pour faire des découvertes), il n’en demeure pas moins que consulter des œuvres derrière un écran n’est pas la panacée. L’écran agissant autant comme porte que comme barrière. La consultation d’œuvre sur papier fait en effet appel aux cinq sens : la vue bien sûr, mais aussi l’odorat, le toucher et même l’ouïe (car oui chaque papier ne fait pas le même bruit). On ne saurait que trop vous conseiller d’aller voir les œuvres physiquement après avoir pu les découvrir numériquement, que ce soit ici au Cabinet pour les plus passionnés d’entre vous mais aussi dans n’importe quel autre musée de la ville, il y en aura bien un à votre goût.

Malgré sa confidentialité, le Cabinet des Estampes et des Dessins de Strasbourg ne se trouve donc pas en marge mais bien plutôt au cœur de multiples ramifications entre les différents musées de la ville. On trouve en effet au cabinet des œuvres qui font écho à toutes les autres collections. Et s’il offre avant tout la possibilité à des spécialistes d’analyser une œuvre en particulier ou à des amateurs éclairés de parfaire leurs connaissances, le Cabinet ne se départit jamais d’une ouverture destinée au grand public grâce à la numérisation et à sa volonté de communication.


Le Cabinet des Estampes

Page le site des musées de Strasbourg
Page Wikipédia
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