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Maison d’arrêt, espaces verts et cultures urbaines : immersion au quartier de l’Elsau

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Ces temps de confinement, et désormais de couvre-feu, nous permettent de nous poser un peu plus. De prendre davantage le temps de réfléchir et de se poser des questions. Et peut-être que certains d’entre vous réfléchissent à Strasbourg, notre belle ville, qui a de jolis secrets à nous faire découvrir, au détour de ses quartiers. Pour vous la faire connaître encore davantage et vous faire un peu voyager durant cette période compliquée, voici une série sur différents quartiers strasbourgeois : aujourd’hui, allons découvrir l’Elsau, connu pour sa réputation de quartier chaud, qui s’est construit autour de l’eau.

Le quartier Elsau, pour moi habitant à la Laiterie, c’est un quartier de passage, où je vais souvent courir dans le Parc naturel urbain près des berges et des espaces verts. C’est aussi un quartier que je connais de par sa mauvaise réputation, lors des différents Nouvel An, ou encore récemment avec les différentes agressions ayant visé le réseau CTS. C’est donc un quartier que j’ai voulu connaître davantage, en allant m’y promener, pour qu’il puisse me raconter son histoire.

© Nicolas Kaspar/Pokaa

Au détour de la rivière

L’Elsau que l’on connaît aujourd’hui possède une histoire relativement récente, le quartier en tant que tel ayant été construit en 1968, avec son extension urbaine. Avant, s’y trouvaient de nombreuses tanneries et blanchisseries qui se sont implantées dans le faubourg, et notamment la tannerie Dreyfuss Frères. Cette dernière se développe en 1890 sur un vaste terrain à l’Oberelsau, l’une des deux grandes rues du quartier, avec celle de l’Unterelsau. Elle employait plus de 200 ouvriers dans des conditions de travail que vous imaginez peu évidentes. En effet, dans les tanneries, ça rigolait zéro, avec les nombreuses étapes de transformation des peaux animales en cuirs (macération, fermentation, séchage…). À l’Elsau on en a (res)senti l’impact, avec une odeur des plus désagréables qui flottait dans l’air au sein du quartier.

En outre, l’est de de l’Elsau était réservé à la culture et l’élevage, alors que l’ouest est encore aujourd’hui caractérisé par la plaine inondable de l’Ill. Une caractéristique aquatique que l’on retrouve dans le nom du quartier. Les plus littéraires d’entre vous auront remarqué que le nom de l’Elsau a à voir avec le liquide qui fait beaucoup de bien le lendemain de soirées difficiles. En effet, comme cela avait pu être le cas pour la Robertsau, « aue » signifie « prairie entourée d’eau ». À cela se rajoute le « Ill-s » transformé en « Els ». Ainsi, Elsau signifie “la prairie entourée de l’eau de l’Ill”.

Ce n’est donc pas étonnant que si vous souhaitez prendre l’air à Strasbourg, vous vous retrouviez dans ce quartier. À travers le Parc naturel urbain, qui passe par la Montagne Verte et l’Elsau, il y a de nombreuses berges sur lesquelles se promener, pour profiter de la végétation alentour. Des aires de jeu pour enfant, nombre de parcours pour battre ses records au 10km et tout simplement une atmosphère apaisante, totalement coupée de la ville alors qu’on est en plein dedans. Il fait bon de venir se ressourcer à l’Elsau. 


Urbanisme, grands blocs et pauvreté

De l’autre côté de la rivière, la situation du quartier n’est pas très reluisante. Son extension urbaine commence donc en 1968 et se traduit par la construction de grands ensembles sociaux, des maisons individuelles et des immeubles collectifs, qui avaient l’ambition, selon leur architecte Philippe Villaume, de combiner un grand ensemble et un lotissement pavillonnaire. Les grandes constructions suivent le mouvement, avec des groupes scolaires, un centre de neuropsychiatrie infantile en 1978 et surtout la maison d’arrêt, construite entre 1985 et 1989, que l’on peut voir quand on prend l’autoroute. Pour la petite histoire, elle a été instaurée pour remplacer certaines prisons de Strasbourg et ses alentours, et notamment celle de la rue de Sainte-Marguerite. Après la construction de la maison d’arrêt, celle de la rue Sainte-Marguerite a pris un tout autre tournant, puisqu’elle abrite désormais les futurs haut-fonctionnaires de la nation, étant devenue l’ENA.

© Nicolas Kaspar/Pokaa

Au-delà de ça, le quartier souffre d’une pauvreté très marquée. Selon le dernier recensement de l’INSEE, le revenu médian de l’Elsau Centre s’établit à 10 970 euros/an, soit 914 euros/mois. La situation est encore plus préoccupante du côté de l’Elsau Ouest, dont le revenu médian s’établit à 7 840 euros/an, soit 653 euros/mois. Il en ressort une réputation de quartier chaud, faisant souvent les premières pages lors de Nouvel An animés. Le quartier est même devenu un enjeu politique ces dernières années, notamment lorsque Paul Meyer était son élu de quartier, lorsque Jean-Philippe Vetter, alors candidat LR aux municipales, a mis en avant le nettoyage d’hiver de l’Elsau après le Nouvel An 2019 ou lorsque le réseau CTS est visé par de nombreuses agressions depuis le début de l’année. 


Un tram pour désenclaver le quartier

Ces agressions envers la CTS et ses agents sont également des agressions envers un symbole de l’Elsau. De nombreuses tentatives de désenclaver le quartier ont été mises en place, comme par exemple l’arrivée du tram en 2000. Dans les années 80, les habitants s’opposent au projet de voie routière qui traverserait l’Elsau pour relier le centre-ville de Strasbourg à Ostwald, et se mobilisent donc pour le tram. Deux décennies plus tard, la ligne B commence à desservir le quartier en 2000, accompagnée de la ligne C.

Quelques années plus tard, en 2008, le tram s’étend encore plus dans le quartier, lorsque la ligne B atteint Lingolsheim. La ligne F a également desservi le quartier pendant 10 ans, de 2010 à août 2020. Néanmoins, le fait que cette ligne desserve désormais Koenigshoffen et non plus l’Elsau n’est pas forcément un bon signal. Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, en vous promenant dans le quartier, vous pourrez admirer un kiosque vert métallique en plein milieu d’un petit espace de la même couleur. Pour la petite anecdote, à la place du dépôt de la CTS construit en 1998 se trouvait la tannerie Dreyfuss Frères dont on vous parlait plus haut.

© Nicolas Kaspar/Pokaa


L’Elsau, place importante de la culture urbaine strasbourgeoise

Pour finir, impossible de parler de l’Elsau sans mentionner la place importante de la culture urbaine dans le développement du quartier. Tout commence à la fin des années 80, avec l’âge d’or du hip-hop qui s’est arrivé jusqu’à Strasbourg. C’est le centre socio-culturel du quartier qui accueille les jeunes qui s’essayent au hip-hop au pied des barres d’immeubles. S’ensuivent les premiers groupes emblématiques tels que Potion du Son, Cartel des Rimes, Magic Electro, Sons d’la rue. Ils se créent tous au milieu des années 1990 et finissent même par se produire un peu partout, notamment à la Villette à Paris en 1996. À partir des années 2000, certains groupes deviennent même des compagnies professionnelles. Côté sportif, on retrouve à côté du centre socio-culturel des équipements sportifs de street-workout, c’est-à-dire des équipements qui allient cardio et musculation.

Enfin, si vous vous promenez dans le quartier, impossible de manquer les nombreux graffs qui donnent une vraie couleur au paysage. On est toujours surpris, au coin d’une ruelle, sous un pont ou juste devant nos yeux. Et on se prend à partir à leur recherche, comme une chasse au trésor.

Absolument pas réductible à un simple quartier chaud ou sensible, l’Elsau abrite une histoire faite d’eau et d’espaces verts, mais également d’une culture urbaine foisonnante que l’on peut encore admirer aujourd’hui. C’est également un quartier où la pauvreté est importante et où les inégalités se creusent. Alors, comme pour d’autres quartiers que l’on vous a déjà présentés, on ne peut qu’espérer que la Ville, pendant les six prochaines années, développe une politique ambitieuse pour les quartiers. 

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