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S’occuper de nos aînés : la solitude chez les personnes âgées en 2020

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Alors que le Covid revient en force en cette fin octobre, mettant 46 millions de Français sous couvre-feu, l’épidémie met toujours plus en exergue la fragilité de certaines catégories de personnes. Les plus visés ? Nos aînés. Comme la majorité des êtres humains, nos aînés se nourrissent du rapport aux autres, aux générations d’après avec lesquelles ils essayent de garder un contact. En ces temps de déplacements rendus plus compliqués par ce virus qui se transmet par tous les moyens que l’on a de montrer notre affection, nos aînés peuvent se retrouver de plus en plus isolés. Alors on a décidé de parler à une personne qui accompagne des personnes âgées pour les sortir un peu de l’isolement, ainsi qu’à un grand-père qui s’occupe courageusement de sa femme depuis plus d’un an, quasi seul. Pour remettre en lumière à quel point c’est important de parler, d’échanger et de garder un contact humain, alors qu’en ce moment, tout est fait pour que nous le perdions.

Les dangers du Covid

Depuis le début du confinement, le gouvernement insiste également chaque semaine pour rappeler la vulnérabilité de nos anciens face à ce virus. Il faut dire qu’ils sont effectivement les plus touchés : selon les chiffres de Santé Publique France, sur les 23 382 décès en hôpital au 23 octobre, 21 749 sont des personnes ayant 60 ans ou plus, soit un pourcentage de 93 %. Là-dedans, les victimes du Covid ayant plus de 80 ans est de 13 872, soit un pourcentage de 59 %. Si l’on rajoute à cela les 11 126 personnes décédées en EHPAD, qui sont en majorité des personnes âgées de plus de 80 ans, on obtient des chiffres significatifs de l’impact qu’a le Covid sur les séniors.

>> A lire ou relire : Bonne humeur et petites histoires : on a pris des nouvelles de vos grands-parents confinés !

La triste solitude

Loin de vouloir dresser un tableau morbide de la situation, ce petit rappel chiffré est là pour faire comprendre à quel point protéger nos anciens est important. Le revers de la médaille de ces précautions néanmoins, c’est la solitude. Forcément, protéger nos aînés signifie la plupart du temps ne pas aller les voir. Ce qui implique, à la fois dans les EHPAD ou à domicile, que les séniors aient parfois l’impression d’être « mis sous cloche », comme le relate France Info, hésitant ainsi entre la patience face à une maladie qui peut gravement les toucher et l’envie de revoir leurs proches, comme l’a détaillé le Huffington Post.

Toutefois, la solitude représente une problématique à part entière, puisque les personnes qui se retrouvent sans contact humain, devant la télévision toute la journée pour sentir une présence, deviennent encore plus sédentaires, ne bougeant quasiment plus de leur maison. Quand on sait que la sédentarité est un problème de santé publique mondiale selon l’OMS, on comprend déjà mieux le danger.

Remettre de l’humain dans la vie de nos anciens

Cette problématique de la solitude de nos anciens est donc très importante. C’est pourquoi l’initiative de Christian Schwartz, fondateur de Liberty’s, une société d’accompagnement des séniors, trouve aujourd’hui toute son importance : « Je suis accompagnateur de personnes, donc littéralement j’accompagne des personnes, très souvent âgées, d’un point A à un point A. C’est-à-dire que je les cherche, les transporte, les accompagne et les ramène. »

Cet ancien ambulancier, qui a également travaillé dans la logistique dans des sociétés s’occupant des séniors, n’a qu’un seul mot à la bouche quand il parle de son métier : l’humain. « Ma motivation c’est surtout que j’ai eu l’envie d’apporter un côté vraiment humain (il insiste sur ce mot). J’ai vu dans les sociétés où j’étais, ce sont des grosses boîtes et l’humain, c’est fini, il n’est plus là. C’est plus tourné d’un côté financier, et moi je voulais apporter ma patte, qui est celle de quelqu’un qui aime profondément les gensJ’aime les gens, c’est comme ça. »

Christian Schwartz © Nicolas Kaspar

Des histoires à raconter

Surtout que lorsque l’on s’intéresse aux gens, ils vous surprennent tout le temps avec les histoire qu’ils ont à vous raconter. On vous l’a montré dans notre série vidéo « Napperons et cheveux blancs », nos anciens sont des puits à histoires et à Histoire. Alors que le Covid, de par sa dangerosité et sa propension à viser les moments de partage et de convivialité, nous limite pour nous retrouver, il est important d’aller toujours discuter avec nos anciens.

C’est l’objectif de Christian, lorsqu’il accompagne ses clients et clientes lors d’une journée : « J’organise tout… ou rien, ça dépend de ce que veulent les personnes. Certaines me demandent de tout organiser : une visite au musée, une réservation de restaurant. J’ai une cliente qui voulait revoir son village natal, alors on a  visité sa clinique de naissance, l’école où elle était, là où elle habitait… Elle était super heureuse et moi aussi d’ailleurs. » Il propose tout type de prestations, shopping, cabinets privés, déménagements… le tout est complètement adapté à ce que veut faire la personne en question.

Apporter de la discussion, de la présence et de l’écoute

En faisant cela, il souhaite par-dessus tout apporter de la discussion, de l’empathie, des sourires et une présence : « J’ai trois mots : humanisme, bienveillance et empathie. Ce que j’apporte c’est de l’humour (rires), de la discussion. Les personnes âgées, quand elles sont seules, je pense qu’elles ressentent simplement le besoin de partager. De plus d’affinités, de plus d’écoute, d’être vraiment là avec la personne. De pouvoir aller là où la personne a envie d’aller. J’ai pas mal de vieilles dames, aux alentours des 80 ans qui sont seules et c’est ce côté-là qu’elles apprécient, le côté discussion, le côté écoute, le côté humain. »

La période du Covid, notamment en sortie de confinement, a également beaucoup joué sur la volonté de ne pas être mis sous cloche, et d’à nouveau rechercher le contact humain, malgré la peur du virus : « À la sortie du confinement, j’ai eu plein d’appels de personnes qui cherchaient à nouveau un contact humain, une présence, quelqu’un pour les écouter. Les personnes âgées, quand elles sortent avec moi, elles se sentent en sécurité et elles me le disent. Il y a juste elles et moi, pas de bus ou de transports en commun bondés. »

La difficulté de tous les jours s‘occuper des personnes âgées

Néanmoins, si accompagner les personnes âgées peut représenter un véritable bol d’air pour nos anciens, souvent esseulés en ces temps de Covid, la problématique de s’occuper quotidiennement des personnes âgées est tout aussi importante. Laurent (ce prénom a été modifié), 79 ans, s’occupe seul de sa femme Jeanne (ce prénom a été modifié) depuis qu’elle a fait un AVC il y a de cela plus d’un an. « Elle était à l’hôpital du 31 janvier 2019 jusqu’au 25 mai 2019. Depuis je m’occupe d’elle depuis qu’elle est rentrée à la maison. »

Cette vie n’est pas de tout repos, et si Laurent est aidé par des auxiliaires de vie, la majeure partie de sa journée est désormais centré autour le fait de s’occuper de sa femme : « Je ne participe pas à tout, mais je suis tout le temps présent. Le matin soit je lui donne le petit-déjeuner au lit selon le passage des auxiliaires de vie, soit sinon je lui lave le visage puisque après je lui mets un masque quand les auxiliaires arrivent. Je prépare tout ce qu’il faut pour ces dernières, je la découvre, je plie les draps, je mets une serviette sur les jambes pour pas qu’elle ait froid… les habits aussi. Quand elles arrivent, tout est prêt et c’est partiAprès je donne aussi un coup de main aux auxiliaires de vie parce que c’est assez compliqué.

Dans les journées de Laurent, organisées quasiment à la minute près, l’après-midi est son seul moment de repos : « Après manger, je prépare tout une nouvelle fois avant le passage des auxiliaires de vie l’après-midi et enfin je peux faire ma sieste. On regarde une vidéo – une série, ndlr – je lui donne encore un verre de jus de fruits. Je prends moi mon pastis, petit plaisir de la journée, et vers 17h30 on se remet à table. Quand elles s’en vont pour la dernière fois, vers 19h15, elle est dans son lit et moi je range tout, j’aère… j’en ai pour une heure pour tout le bataclan. Je vais regarder la télé dans la chambre avec elle. Si ça se passe bien c’est fini, mais si ça se passe moins bien, si elle vomit par exemple, je dois la changer et ça prend encore une heure. » De 8h à quasiment 23h, toute sa vie est réglée autour de s’occuper de sa femme.

La difficulté d’être personnel soignant

Dans cette mécanique bien huilée mais éprouvante, Laurent peut donc également compter sur le soutien d’auxiliaires de vie avec lesquelles il se partage le travail. Néanmoins, les conditions de travail de ces dernières sont également très éprouvantes, comme celles des EHPAD dont on vous en avait poétiquement parlé ici. Et Laurent a pris de plein fouet cette réalité : « À un moment, 50% du personnel de l’entreprise qui nous aidait a foutu le camp et ils ne peuvent plus assurer l’ensemble de leurs prestations, ils ont trop de malades. Les auxiliaires de vie, depuis deux/trois mois, elles doivent faire 100km par jour et elles ne veulent plus le faire. Une fois la directrice de l’entreprise m’a dit qu’elle n’avait personne pour s’occuper de ma femme et moi j’étais pas d’accord. Elle allait quand même pas rester toute la soirée toute seule sans pouvoir être changée quand même ! Finalement tout s’est arrangé mais quand même. » 

De plus, soudainement, l’entreprise n’a plus pu prendre en charge les soins de Jeanne. Et Laurent a dû à nouveau se débrouiller. « En plus de ça y a un matin où la directrice me dit qu’elle ne pourrait plus assurer le suivi de ma femme. D’un coup. » Mais il a pu compter sur sa famille puisque son fils, habitant proche de chez lui, lui a donné un coup de main : « Mon fils s’occupe de trouver une autre structure et c’est en bonne voie, mais même moi ça m’a mis un coup. Maintenant un rendez-vous est pris et théoriquement on sera pris en charge dès le 1er novembre. Là, maintenant, enfin, je suis plus tranquille. »

Un choix de vie d’aider

Heureusement donc que la famille proche peut parfois aider, ce qui n’est pas le cas de toutes les personnes âgées qui peuvent se retrouver toutes seules et démunies. Même si en temps de Covid, comme on expliquait plus haut, difficile de garder contact avec sa famille, comme l’explique Laurent : « Le fils téléphone tous les soirs pour prendre de nos nouvelles, on se voit une fois par semaine le samedi ou occasionnellement avec la fille qui habite vers Strasbourg. C’est encore quelque chose qui s’est rajouté finalement, on n’a pas eu le choix. » Une réalité qu’a également remarquée Christian, dans son nouveau métier d’accompagnateur : « Il y souvent des enfants, mais soit ils travaillent, soit ils sont dans une autre région ou dans un autre département et parfois même les deux en même temps. » Si les séniors sont de plus en plus à l’aise avec les nouvelles technologies, il reste tout de même difficile de garder contact avec toute sa famille, et de pouvoir se poser un peu, pour discuter.

Mais cela n’a pas arrêté Laurent, qui a fait le choix de ne pas mettre Jeanne en maison de retraite ou en EHPAD. Un choix qu’il assume entièrement : « Ça me demande beaucoup certes mais c’est moi qui ai choisi. On – les docteurs à l’hôpital, ndlr – m’a dit qu’il fallait placer ma femme en EHPAD. J’ai dit « ah non sûrement pas ». On m’a répondu « ne vous énervez pas on est obligés de vous le demander, on sait que généralement vous allez finir par craquer », mais moi j’ai dit que pas du tout. J’ai pas vécu cinquante-cinq ans avec un personne pour après lui dire salut.

Une attitude courageuse qui fait que sa femme Jeanne ne sera jamais seule. Même si la vie n’est pas facile : « Du moment que j’ai accepté tout ça, j’assume la vie qu’on doit mener. Je sais que je ne suis pas maître de toute la situation, je savais très bien ce qui allait m’attendre. Tu sais, moi je suis pas du genre à baisser les bras. » Une belle conclusion.

La solitude de nos anciens est un vrai sujet de société, encore plus en ces temps de Covid. Plus facilement isolés et parfois coincés devant une télévision qui leur répète qu’ils sont les plus touchés par une maladie difficile à comprendre, ils se retrouvent souvent seuls. C’est pour cela qu’il est agréable de savoir que des gens se motivent pour proposer des solutions visant à lutter contre la solitude, alors que d’autres se mobilisent pour utiliser les nouvelles technologies pour garder contact avec leurs aînés. Parce que le plus important, avec nos aînés et notre société en général, c’est de ne pas rompre le dialogue. De continuer  à se réunir, mais en s’adaptant à notre situation actuelle. Parce que nos aînés ont des histoires à nous raconter. Après tout, ils nous permettent de garder le lien avec notre passé, pour mieux vivre notre présent et mieux préparer notre futur.

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