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Strasbourg : le truc du mercredi

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C’est étrange une passion. Ça vous tombe dessus progressivement ou instantanément, comme un coup de foudre imprévu dans un ascenseur, un sourire inattendu au coin d’une rue ou une amitié d’enfance qui se transforme en romance. Jour après jour, au fil des rencontres, des discussions téléphoniques jusqu’à l’aube à refaire le monde, jusqu’à ce qu’un truc se passe à l’intérieur et qu’une fois goûté à ce truc, il n’est plus possible de faire marche arrière. C’est tellement fort qu’on en arrive à se dire qu’on est fou, que personne ne peut comprendre ce qui nous anime, comme un toxico qui cherche sa dose, une, deux, trois fois par semaine, se promettant d’arrêter, mais qui revient sur le lieu du crime la semaine d’après, le mercredi, parce que tout se passe toujours le mercredi.

Le mercredi, c’est le jour de la sortie des films dans les salles de cinéma et ce n’est pas hasard. Avant le début des années 1970, les films sortaient en effet le jeudi. Le changement s’est opéré en même temps que celui du jour de repos des enfants, qui basculait du jeudi au mercredi.

Mon truc à moi a certainement commencé durant l’enfance justement, un mercredi. Peut-être avec mon père, à l’âge de deux ans, ma main moite dans la sienne, patientant sur un trottoir gelé, un certain 1er décembre 1982, devant la façade illuminée du Cinéma Select à Sélestat. Pour quinze francs, je découvris un autre monde de mes petits yeux fatigués, passant de la peur aux larmes, du rire à l’empathie, sans vraiment comprendre ce que je regardais, mon père s’étant endormi sur son siège rouge usé, son avant-bras poilu en guise de doudou, une boite de pop-corn au caramel comme goûter.

Je revois le visage d’Elliot traversant le ciel étoilé sur son vélo, avec dans son panier une créature sortant tout droit de l’imagination d’un jeune réalisateur se nommant Steven Spielberg. E.T. l’extra-terrestre. Ma première dose de cinéma. Depuis, il y a des jours en sortant du Saint-Exupéry, où je me dis que je pourrais passer ma vie à aller voir des films et cela suffirait à me rendre heureux. D’autres où j’essaie de me raisonner, me persuadant qu’il faudrait que je côtoie davantage la réalité. Et surtout, tous les jours, depuis tant d’années, de nouvelles raisons se découvrent et viennent entretenir ma passion.

À l’époque, aller au cinéma après l’école me permettait d’échapper aux devoirs et à l’ambiance morose qui régnait à la maison pendant le divorce de mes parents. Les cris pour un oui ou un non. La garde alternée. J’allais voir tout ce qui sortait, même des films en VOST que je ne comprenais pas toujours, taxant ma grand-mère de quelques pièces, prétextant un exposé pour un cours de science naturelle. J’aurais tué père et mère pour voir Batman, Le tombeau des lucioles ou Le Grand bleu avant tout le monde. Je pensais aussi que les westerns c’était ringard, et puis un jour j’ai vu Il était une fois dans l’Ouest et j’ai totalement changé d’avis sur la moustache stylée de Charles Bronson.

À 88 miles à l’heure, la DeLorean m’a permis de retourner vers le futur et j’ai évité d’être déchiqueté de peu par l’un des tyrannosaures de Jurrasic ParK. J‘ai flotté dans l’espace aux côtés de Sandra Bullock et je rêve toujours secrètement de cette satanée planche en bois trop petite qui ne permit pas à Léonardo Di Caprio de se maintenir en vie au côté de Kate Winslett. J’ai vu tant de choses que vous, mortels, ne pourriez pas croire. Tony Montana assassinant à la moindre contrariété. Des Gremlins sous mon lit. De la kryptonite. Une ordure de Père Noel. Un cercle de poètes disparus, et même une Histoire sans fin.

Tous ces moments se perdront certainement dans l’oubli, comme les larmes de joie ou d’amertume dans la pluie, mais peu importe : il est temps d’aller au cinéma en cette trouble période où les salles agonisent, où les foules sont moins nombreuses, et où les gens préfèrent de plus en plus rester à la maison pour consommer leurs loisirs dans le confort de leur salon.

Difficile d’en vouloir ou de combattre Netflix qui reste un outil bien pratique comme pouvait l’être le vidéo club au bon vieux temps des cassettes VHS. Mais voir un film le jour de sa sortie en salle est un évènement marquant dans ma semaine, un souvenir indélébile, des odeurs, un état d’âme. Je peux encore ressentir les frissons de mon premier visionnage de Mommy de Xavier Dolan dans la magnifique salle principale de l’Odyssée. Le cinéma est fait pour être vécu en salle, pour se couper du quotidien l’espace d’un instant en coupant son portable, en se broyant les jambes entre deux sièges trop petits et pour se prendre pour un super-héros sur le trajet du retour à son domicile.  

Si vous voyez un mec qui lance des toiles d’araignées imaginaires sur les vitrines des Galeries Lafayette, c’est peut-être moi.  

Aller au cinéma est un temps de fête dans une vie dans laquelle nous nous sentons dépossédés, c’est reprendre possession de soi et lutter contre cette boulimie, cette urgence, cette obligation inconsciente de tout faire plus vite et dans l’immédiateté.

Et puis, rien que pour la barbe d’Arnaud ou le sourire de Claudette, respectivement projectionniste et caissière au cinéma Star, allez au cinéma !

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