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Strasbourg : la grimace au chocolat

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Joyeux anniversaire mon filleul. Aujourd’hui, nous fêtons tes 7 ans autour d’un énorme gâteau au chocolat aux noix de pécan.

« L’âge de raison », comme  dit le pédopsychiatre de la Robertsau qui prend 50 euros à ta mère toutes les semaines, parce que tu fais des dessins où une sorte d’épouvantail disproportionné décapite ta maîtresse à coups de  tronçonneuse. Tu es le futur Basquiat, je n’en doute pas, mais le monde si. Alors en attendant, reste discret parce que sinon dans quelques années, tu auras l’immense joie d’être classé dans la catégorie des personnes aux troubles de la personnalité, hyperémotif, bipolaire, maniaco-dépressif ou au mieux surdoué, un peu comme Dewey dans Malcom, les rigolades en moins. C’est la grande mode de mettre les gens dans des cases, à partir du moment où ils sortent du cadre qui les empêche de respirer, de s’épanouir et de vivre comme ils l’entendent.

Il est de bon goût d’entrer dans la norme comme un petit soldat, de respecter des codes dictés par une société qui ne cautionne que très peu l’originalité et les différences. Ta sexualité – ta couleur de peau – ta religion – ta profession – ton alimentation – tes goûts musicaux – tes vêtements – tes choix politiques. Comme si tu n’étais qu’un résumé de critères, une étude sociologique, un point sur la courbe d’un graphique de l’IPSOS, de la matière pour haters.

Tout est fait pour t’inciter à ne pas prendre de risque, à faire le même boulot pendant 40 ans suite à un choix hasardeux sur Parcoursup, ce conseiller d’orientation muet qui détermine ton futur via un algorithme comme Tinder choisit ta future femme ou Facebook te propose des amis, afin de rembourser le prêt d’un pavillon dont tu ne profiteras que très peu à ta retraite, puisque ta pension sera tellement pitoyable que tu seras obligé de la revendre pour louer un studio de 20 m² jusqu’à ton placement en EPHAD, à regarder le blanc du plafond entre les visites semestrielles de tes petits-enfants et une cuillerée de purée.

L’âge de raison. C’est vers cet âge-là que les enfants arrêtent de croire à tous les mythes et légendes qui ont constitué les beaux moments de leur enfance.

Les licornes couleur arc-en-ciel qui volent dans le ciel par exemple. Désolé. Sur terre, des psychopathes torturent des chevaux sans raison et dans le ciel des avions consomment 900 litres d’essence aux 100 kilomètres pendant que le personnel de bord, épuisé et sous-payé, fait ce qu’il peut pour que pendant les vacances de la Toussaint tu puisses décoller de l’aéroport d’Entzheim pour aller faire le mariole sur le dos d’un éléphant enchaîné en Thaïlande, pendant que maman et papa sirotent des gin tonic au bord d’une piscine qui sent le chlore, pour oublier que dans trois jours les vacances sont terminées et que le stress du bureau recommencera, entre Jean-Louis le collègue qui pue de la gueule et Corinne qui se masturbe avec ses objectifs de vente de 2021.

En parlant de maman, ce n’est pas une princesse qui pète des paillettes d’or qui sentent le Chanel n°5 comme tu peux le penser. Comme tout le monde, elle va aux toilettes pour déféquer puis vaporise du désodorisant à la lavande qui donne le cancer pour que personne ne remarque que la polenta de la veille n’était pas si fraîche que ça finalement. Quand tu es là, elle émet des gaz silencieusement afin de ne pas éveiller le moindre soupçon sur son transit puis elle accuse outrageusement ton père pour être plus convaincante. Ce dernier conteste cette agression infondée en justifiant l’odeur de soufre imprégnant la pièce par le cadavre du chat ou de ton frère sous le canapé, invoquant la convention de Genève et celle des droits de l’Homme.

Après l’immigration économique et écologique, l’immigration olfactive. Pour être direct, il arrive même à ta mère de vidanger les toilettes lorsque tu lui refiles ta gastro-entérite chaque hiver et de sortir de la salle de bain sans se laver les mains avant de déposer tes bâtonnets de poissons panés dans la friteuse. Au passage, le poisson pané ne pousse pas dans la mer ou dans des arbres à côté du cerisier de mamie. Lis Moby Dick au lieu de regarder la télévision. Il vaut mieux naviguer depuis son lit que de s’apitoyer sur le QI de Cyril Hanouna. Les poissons crèvent asphyxiés dans des filets de pêche aussi grands qu’un terrain de football avant de se faire ouvrir le ventre pour récupérer leurs boyaux afin que tu puisses tremper tes surimis dans un bol de mayonnaise. Tant qu’on y est, le principe est le même pour les nuggets que tu t’enfiles au McDo. Je t’invite à regarder la vidéo qui circule sur Youtube de façon à faire rapidement le lien entre  le processus de fabrication de ces beignets de poulets broyés et la couleur de ton papier toilette après usage.

Concernant papa, celui que tu surnommes « le plus fort de tous les papas », et dont tu affirmes « qu’il n’a peur de rien parce que c’est un super-héros avec des supers-pouvoirs magiques », si un jour maman se fait agresser Place Kléber, un conseil, crie et interpelle le monsieur le plus proche de toi, mais ne compte pas sur papa. Papa a peur comme beaucoup d’êtres humains sur cette planète et ce n’est pas grave. Papa a des faiblesses, des failles qui laissent entrer la lumière qui fait briller ses yeux verts comme un feu au milieu d’un carrefour de doute. Il a déjà du mal à ouvrir ta boite de raviolis sans se trancher une phalange alors n’espère pas le voir débarquer pour balancer un coup de pied circulaire à un type trois fois plus baraqué que lui qui risquerait de réveiller sa sciatique.

Batman, Spiderman, cette bande de mecs qui se prend pour des animaux en collants, ça n’existe pas dans la vraie vie ou alors sur des sites bizarres interdits aux moins de 18 ans.

La seule compétence de papa est de savoir utiliser la télécommande pour zapper entre L’équipe du soir et The Voice, d’ouvrir une canette de bière avec les dents et de faire semblant d’écouter papi, lorsqu’à ton anniversaire, il vient nous raconter qu’il a tué 300 nazis avec un couteau-suisse pendant la Seconde Guerre mondiale.

Je devrais te parler de tout ça pour te préparer à affronter ce qu’on appelle la vie. Du conflit israélo-palestinien, du Professeur Raoult, de Trump, du SMIC, de la recette de la tarte flambée à l’ananas, et des secrets des grandes personnes pour supporter ce joyeux bordel avec des doudous de l’industrie pharmaceutique, des contes en noir et blanc, des tartines de Nutella mentales : le gras, le Saint-Émilion, l’Étrange Noel de Mr Jack, la levrette, les chats, le cheesecake au citron, David Bowie, le Xanax et surtout l’illusion de rester des enfants en continuant de rêver même si tout est fait pour rappeler à Peter Pan que le Capitaine crochet n’est pas loin et que les crocodiles attendent la gueule ouverte la moindre chute dans les douves du destin.

Rien n’est simple mais tu le découvriras bien assez vite. Plus tu grandiras et plus tu auras l’impression que tout ça n’est qu’une vaste farce dans laquelle tu te dépatouilleras comme tu peux, tombant souvent puis te relevant, blessé, déçu, l’essentiel étant de prendre conscience que tu ne sauras jamais tout et qu’il faut vivre avec ce doute en restant toi-même, en te jouant de la vie, en faisant en sorte qu’elle ne t’attrape jamais pour te mettre au coin. Même si tu déplais à certains, mieux vaut être détesté pour ce que tu es qu’aimé pour ce que tu n’es pas.

Tu me regardes avec ta fausse moustache en chocolat fondu puis tu me lances ta grimace spéciale, celle où tu louches en appuyant un doigt sur ton nez pour imiter un cochon qui couine frénétiquement. L’insouciance du moment face au temps, ce meurtrier silencieux et patient qui assassine les certitudes des enfants.

Il est trop tôt pour te raconter tout ça, trop tôt pour t’expliquer comment on fait les bébés et je préfère te voir observer les cigognes qui volent au-dessus des lignes électriques en essayant d’apercevoir si l’une d’entre-elles ne vient pas te déposer une petite sœur enveloppée dans un torchon de soie. Ce n’est pas non plus le moment de te révéler que le Père Noël qui sent  le Picon et qui parle trop fort chaque année, c’est moi, et non pas un être surnaturel qui traverse la nuit sur un traîneau tiré par des rennes aussi docile que des chats.

Un jour viendra où tu comprendras tout ça et si jamais tu n’y arrives, peu importe qui tu seras devenu et où tu seras, appelle-moi, nous ferons des grimaces au monde en mangeant du chocolat.

Photo de couverture @Nico Elsaesser

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