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Strasbourg : Toméo et Courgette

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J’ai dans la main les doigts fragiles et moites d’une poupée de dix ans, bouche-bée devant l’Hôtel de ville, Place Broglie.

Les mariages font rêver les petites filles… après ça se complique. Courgette se mord la lèvre. Ses grands yeux ébahis devant la robe blanche de la mariée ne se referment plus. Un conte de fée intemporel se passe à quelques mètres de ses Kickers vertes. Elle repense aux pages jaunies que sa mère lui lit chaque soir avant de se coucher. Cette dernière prend un ton solennel et change de voix en fonction du personnage. Parfois, elle saute sur le canapé et simule un combat d’épées avec une règle en plastique.

Ça la fait rire mais l’amour impossible de ces deux amants maudits en 1597, l’empêche de dormir jusqu’à tard dans la nuit.

Elle se demande si, quand elle sera plus grande, je m’opposerai moi aussi à son alliance avec Toméo, l’amour de sa vie, de la maternelle au CM2. 500 ans après, les tragédies shakespeariennes perdurent par la stupidité des Hommes, ça elle le comprend, à force de voir des images atroces au journal télévisé lorsque je m’endors sur le canapé, la biographie de David Bowie sur les genoux. Hier encore, songeuse, elle demanda au petit-déjeuner :”Papa, pourquoi les grands meurent parce qu’ils ne croient pas au même Dieu?.”

Le temps est aveugle et l’homme est stupide. Cette histoire de Montaigu et de Capulet la perturbe.

Elle se pose beaucoup de questions en ce moment. Le tram passe derrière elle sans la perturber. Elle est ailleurs, dans son histoire. La pression de sa main se fait moins ferme. Elle rêve. Le décor s’installe dans son esprit. Le brigadier raisonne trois fois sur le bitume noirci. Pam – Pam – Pam. Le rideau se lève. Un parfum d’Italie s’empare de la ville. Strasbourg devient Vérone, les Arènes en moins, la Petite France en plus. Courgette a fait son choix. Ce sera Toméo, peu importe ses origines, sa couleur de peau ou sa religion.

Peu importe si quelqu’un tente de s’opposer à cette union, elle décide fermement, à cet instant précis, qu’elle sera libre d’aimer celui que son cœur lui conseillera.

Son front se plisse et ses mâchoires se serrent jusqu’à l’apparition du voile en dentelle de la mariée qui recouvre une partie de ses cheveux bouclés. C’est comme si elle y était. Elle rayonne comme seuls les enfants rayonnent, sans artifices, s’imaginant serrer des mains, embrasser les joues rouges bien fournies d’un oncle ou de sa meilleure amie Sophie ce jour-là. Ce jour-là. Mamie Suzanne versera une larme discrète pendant que papi Edouard bombera fièrement le torse parce que ça pique toujours le cœur de se faire voler sa petite-fille par un jeune inconnu. Hier encore, elle s’égratignait les genoux en tentant de faire du vélo sans les petites roues. Aujourd’hui, c’est une femme forte. Avocate, basketteuse professionnelle, poète, peu importe ce qu’elle deviendra tant qu’elle se sentira vivre.

Son mari arborera un costume trois pièces beige, des chaussures qui brillent comme ses yeux verts et une rose rouge sur son veston.

Le riz volera plus haut que les nuages. Elle jettera son bouquet en arrière comme dans les films qui font pleurer et puis les invités crieront de joie.

Vive les mariés! – Vive les mariés! – Vive les mariés!

Nous reprenons notre chemin entre les arbres qui commencent déjà à perdre leurs fleurs pour arriver devant le Théâtre National. Ma petite Courgette est toute chamboulée. Elle s’arrête et se retourne une dernière fois pour voir les tourtereaux monter dans une vieille Peugeot 203 louée pour l’occasion.

“Papa, c’est quoi le bonheur ?”, lance t’elle soudainement.

“C’est une bonne question mon ange. Je suis ton père et je n’ai pas réponse à tout. Mes réponses ne sont pas des vérités universelles, mais pour moi, le bonheur c’est quand tu souries pour tout et pour rien, que le temps passe trop vite – C’est quand j’ai toujours faim – C’est un bonhomme au cœur d’argile, hypocondriaque et bipolaire. Nous passons des heures à le chercher et une fois trouvé, il se dissout comme du sucre dans ton thé à la menthe.

C’est contempler l’océan – Sentir le vent dans les cheveux ou le soleil qui caresse un bras nu – Voir ton sourire sans toutes tes dents – Se mettre autour d’un bon feu.

C’est se réveiller avec ta maman – Te sentir sauter sur le lit – Réaliser qui je suis vraiment et garder en tête ces moments si précieux.

C’est manger trop de carambars – Faire des cabanes avec ton frère Fabio – Ne plus avoir de devoirs – Me dire “papa, t’es le plus beau”.

C’est un bol de chocolat chaud fumant – L’odeur du sapin de Noël – Une tartine de Nutella – Te dire que tu es la plus belle.

C’est sentir que tu existes – Que ta vie a du sens – Que même seule tu n’es pas triste – Que chaque jour est une danse.

C’est courser les pigeons – Sauter dans les flaques d’eau – Ignorer la raison – Voir la vie comme une cour de récréation.

C’est ouvrir tes grands yeux bleus – Regarder le monde se métisser – Partir loin quand toi tu veux, puis revenir nous retrouver.

C’est se tourner au milieu de la nuit – Penser que tu n’es pas loin – Regarder les étoiles qui brillent, puis me rendormir serein.

C’est arrêter de tout analyser – De dire ce qui est mal ou bien – Choper la vie et la bouffer, tu verras ça fait du bien.

Mais tu sais, s’il y a le bonheur, il y a forcément le malheur. Dans la vie, les choses vont souvent par deux. C’est un monsieur moins marrant, très poilu qui sent de la bouche. Vous vous croiserez au hasard de la vie. Il a d’énormes dents et arrive à l’improviste. Il était là à l’infarctus de papi Jean et au licenciement de tonton Baptiste. Il souffle fort dans les yeux, pince le cœur de ses gros doigts. Ça fait pleurer et ça pique un peu mais rassure-toi, tu t’y feras. Sinon tu m’appelleras.”


Mr Zag

Mr Zag a une voisine, un chat, des collègues, un job, il aime Lynch, Radiohead et Winshluss. Mr Zag a un Pinocchio tatoué sur le bras, quelques gribouilles en islandais, il ouvre les yeux et décrit le monde avec une vision bien à lui.

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Photo de couv : œuvre murale de Insane 51

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