En 113 ans, le Racing Club de Strasbourg a eu le temps de garnir ses étagères de quelques trophées, qui possèdent toujours une saveure particulière lorsque l’on évoque ces souvenirs. Alors que s’approche à grand pas la finale de Coupe de la Ligue opposant le Racing à l’En Avant Guingamp, Pokaa vous replonge dans les deux épopées victorieuses du club en Coupe de la Ligue. Pour vous préparer à cette belle fête, mais également pour rappeler des moments joyeux dans le passé du club – puisque j’avais déjà parlé des moments moins drôles, ici et là.
Aujourd’hui : la victoire en 2005 sur un coup de canon de Jean-Christophe Deveaux, qui déchira la nuit parisienne et les filets du Stade de France.
Note de l’auteur : Pour ceux qui n’auraient pas lu la première partie, voici le lien.
Honteux Racing
Avant la victoire en finale de la Coupe de la Ligue 2005, le Racing connaît encore une fois de très forts remous à la barre. Tout d’abord, l’ère McCormack est un véritable échec, aussi bien financier que sportif. Le club est condamné à la Division 2 sous la houlette de Claude Le Roy – le très très mauvais entraîneur de l’époque, ndlr – et les supporters en ont assez. Le problème, c’est que ça dégénère : le climat se tend, jusqu’à devenir nocif, exacerbé par une petite minorité à tendance néo-nazie, qui entraîne les jeunes supporters mécontents avec eux. Tout cela se qui se traduit par des affaires comme des croix gammées et des tags antisémites à l’encontre de Claude Le Roy, des insultes racistes envers les joueurs du Racing ou encore les pétards lancés à l’encontre de la juge de touche Nelly Viennot. Le Racing, à ce moment-là, que ce soit dans les tribunes, en coulisses et sur le terrain est une honte.
Claude Le Roy est licencié et Proisy, ce Guignol qui nous servait de Président, prend une bonne décision – à force d’en prendre que des mauvaises, il allait bien finir par en prendre une bonne : il décide de faire confiance aux anciens du Racing. Yvon Pouliquen reprend le club et s’il ne peut le sauver d’une descente, il les emmènera tout de même vers une victoire contre Amiens en finale de la Coupe de France en 2001. Si vous avez bien suivi, le club aura donc la particularité d’évoluer en Coupe d’Europe et à l’échelon inférieur, en même temps. Sacré Racing !
Le changement dans la continuité
Toujours dans cette même logique de donner les clefs du camion aux anciens, l’ancien capitaine Ivan Hasek devient l’entraîneur pour la saison 2001/2002, avec Mark Keller en tant que manager. Les résultats ne se font pas attendre : le Racing remonte immédiatement. Si des affaires judiciaires avec Chilavert montrent que le club ne sait décidément pas faire sans un peu de scandale, Strasbourg respire davantage et se réinstalle en première division, terminant la saison 2002/2003 à une honorable treizième place. Il existe une certaine continuité, ce qui est plutôt rare dans ces années-là : les cadres sont les vainqueurs de la Coupe de France et ceux de la remontée en Division 1, des joueurs d’expérience renforcent l’équipe (Valérien Ismaël et Ulrich Le Pen notamment) et le coach enchaîne une deuxième saison consécutive.
Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, c’est également la fin de McCormack : avec un pool d’investisseurs autour de lui, Marc Keller rachète le Racing et se pose en véritable homme fort. Néanmoins, les investisseurs américains ont rendu un club strasbourgeois perclus de dettes : les temps bénis où le Racing pouvait rivaliser avec les gros budgets de Division 1 sont terminés, et il faut désormais réussir à éponger les dettes, tout en mettant sur pied une équipe compétitive. Et c’est là où la continuité a du bon.
Sous la houlette d’Antoine Kambouaré, et avec grosso modo le même effectif, le Racing est en effet une équipe offensive, qui pratique du beau jeu et qui n’a peur de personne. Marseille, qui s’est mangé un vilain 4-1 à la Meinau lors d’un des plus beaux matchs de football que j’ai vus, peut en témoigner. Mamadou Niang et Danijel Ljuboja – un de mes joueurs préférés au Racing, ndlr – forment un duo d’attaque flamboyant… qui sera séparé avec le départ du joueur serbe pour le PSG au mercato hivernal – il faut bien éponger ces fichues dettes. Le Racing finit treizième, encore une fois.
2005, année chaotique
L’année d’après, pour la saison 2004/2005, Corentin Martins et Pontus Farnerud s’en vont – ce dernier reviendra néanmoins l’année suivante, ndlr – mais des renforts arrivent, avec des noms qui résonnent encore dans la tête des supporters strasbourgeois : Arthur Boka, Karim Haggui et surtout Mickaël Pagis, un artiste du ballon comme on n’en voit plus aujourd’hui. Malheureusement, la mayonnaise ne prend pas, et pour bien respecter la réputation de « Marseille de l’Est », Strasbourg limoge Antoine Kambouaré, en octobre 2004, après une énième défaite à domicile.
Arrive alors Jacky Duguépéroux, cinq ans après avoir laissé les rênes de l’équipe. Effet immédiat : le club remonte fortement au classement et sous l’impulsion d’un trio offensif composé de Alexander Farnerud, Mamadou Niang et Mickaël Pagis, le Racing réalise à nouveau un superbe parcours en Coupe de la Ligue. Tout commence par une victoire 3 à 1 à Troyes, grâce à un doublé de Mamadou Niang et une réalisation de Monsieur Coupe, Alexander Farnerud.
C’est Lille qui se déplace ensuite à la Meinau, une équipe qui finira deuxième de Ligue 1 cette année-là. Le match ne va donc pas être une partie de plaisir, les Nordistes ouvrant même la marque, avant qu’Alexander Farnerud fasse honneur à son surnom de Monsieur Coupe en égalisant. La rencontre ira aux tirs-au-but, où le Racing s’imposera sans trembler, 4 à 2.
Désormais en quarts de finale, Strasbourg obtient un bon tirage avec Clermont, à la Meinau qui plus est. Encore faut-il confirmer : le Racing mène 3 à 0 à la mi-temps, avec un but et deux passes décisives d’Alexander Farnerud, pour Pagis et Johansen. Sauf que le Racing ne serait pas le Racing sans réussir à se faire peur : ils prendront deux buts en deuxième mi-temps, tremblant jusqu’au bout.
Désormais en demie, c’est un match difficile qui attends nos Bleus et Blancs, Saint-Etienne s’avançant confiante à la Meinau. La rencontre a tout d’une demi-finale : hachée, peu d’occasions, avec la tension qui habite les deux équipes. C’est Strasbourg qui s’en sortira, grâce à l’inévitable Alexander Farnerud. Il en suffira d’une, comme dirait Grégoire Margotton ! Le Racing est en finale !
Vaincre, par un coup de canon dans la nuit
Après Bordeaux, c’est Caen qui s’érige devant les Strasbourgeois, pour tenter de les empêcher de remporter leur deuxième Coupe de la Ligue. Comme huit années auparavant, la finale est terne. Peu d’occasions, mais on peut toujours faire confiance aux supporters strasbourgeois pour mettre l’ambiance. Avant le match, ces derniers ont déployé un immense tifo qui résonne encore aujourd’hui dans les souvenirs des personnes présentes ce soir-là. Le message est simple, mais pas basique : Vaincre.
Le Stade de France s’est drapé de bleu et de blanc, pourtant nos p’tits Bleus ont du mal à se lâcher. Quelques actions émaillent une première mi-temps pauvre techniquement entre deux équipes qui se craignent. Mais cela va vite changer : la 38ème minute voit Yacine Abdessadki débouler sur son côté droit ; il sert Niang, qui ajuste Vincent Planté, le gardien caennais. 1/0 pour le Racing ! L’image de Niang se jetant dans les bras des supporters strasbourgeois me met encore les frissons aujourd’hui.
Mais comme d’habitude avec Strasbourg, tenir un score relève pratiquement de l’exploit. Caen ne tarde pas à réagir, se procure une grosse occasion et finit par trouver la faille juste avant la mi-temps. A la 42ème minute, Sébastien Mazure fusille Vercoutre, et ramène Caen à hauteur : 1/1. Le score en restera là pour cette première mi-temps, où rien n’est décidé et où la tension va encore monter d’un cran.
Dès le début de la seconde période, Strasbourg repasse à l’offensive mais se heurte à un excellent Vincent Planté. Dans les tribunes, on se dit que cela va être très difficile de débloquer cette partie et on commence tout doucement à s’acheminer vers une prolongation. Quand soudain, Arthur Boka déboule dans les 25 mètres caennais et se fait rattraper irrégulièrement par un adversaire : coup-franc.
C’est alors Jean-Christophe Deveaux qui s’avance : 24 mètres du but, un peu excentré sur la gauche. Une combinaison à deux avec Mickaël Pagis, quelques pas d’élan et une frappe absolument surpuissante, qui part tout droit sans que Vincent Planté puisse faire quoi que ce soit. Il fallait un éclair dans la nuit, et le coup de canon de Jean-Christophe Deveaux emmène Strasbourg au paradis ! 2/1 pour le Racing, le score ne changera plus et le club, comme Jacky Duguépéroux, décroche sa deuxième Coupe de la Ligue !
Là encore, les lendemains de fête seront compliqués pour le Racing : malgré un superbe parcours en Coupe de l’UEFA l’année suivante (dont un match nul sur la pelouse de l’AS Rome) et la révélation d’un certain Kévin Gameiro, le club descendra en Ligue 2. S’il remontera directement, il connaîtra par la suite des troubles en coulisses avec le départ de Marc Keller, s’enfoncera dans sa série historique de 11 défaites consécutives, manquera la montée en Ligue 1 d’un petit point, aura Jafar Hilali comme président et déposera le bilan. A croire qu’à Strasbourg, on aime l’ivresse, mais on ne sait pas gérer la gueule de bois.
Alors en quoi ces deux récits peuvent nous éclairer sur ce qu’il se passe cette saison ? Comme en 1997 et 2005, on se repose sur une attaque de feu, on sort des gros poissons et on passe au moins une fois par la séance de tirs-au-but. Mais contrairement à ces deux victoires précédentes, le club est extrêmement bien géré et connaît une stabilité qui fait sa force. Je ne sais pas si le Racing va gagner samedi ; néanmoins, s’il s’impose à Lille face à Guingamp, il faudra faire attention à ce que les lendemains de fête se déroulent un peu mieux que par le passé. Pour que Strasbourg grandisse, pour que ses supporters rêvent encore plus grand et que la ferveur de la Meinau regoûte aux joies de l’Europe. Allez les Bleus et Blancs : ramenez la Coupe à la Meinau !