Selon une enquête de l’Insee paru en octobre dernier, un ménage sur dix vit sous le seuil de pauvreté dans les communes rurales. Pour toucher ces personnes éloignées des services publics et des associations, le Secours populaire du Bas-Rhin a mis en place un bus de la solidarité. Reportage.
Andlau, mercredi 8 novembre. Sur la place à côté de la mairie, le petit marché de la commune s’installe. Au milieu des échoppes de produits locaux, un gros camion blanc détonne. Sur la caisse, écrit en lettres bleues : Solidaribus. Autour, les bénévoles du Secours populaire du Bas-Rhin s’activent.
Antenne mobile de l’association, ce véhicule aménagé lui permet d’être présente dans toute la région, au plus près de ceux qui en ont besoin.
Créer du lien sur le territoire
Dilara Simsek Araiz est chargée de projets de solidarité au Secours populaire du Bas-Rhin, elle nous fait faire le tour du propriétaire. À l’avant un espace de rendez-vous avec table et chaises, à l’arrière une zone de stockage pouvant accueillir des denrées alimentaires ou du matériel.
« Avec le Solidaribus c’est le Secours populaire qui se déplace pour aller à la rencontre des habitant(e)s et des personnes aidées. L’objectif principal, c’est d’identifier les besoins qu’il y a sur le territoire pour y répondre avec de l’aide alimentaire, matérielle ou autre. »
Devant le camion, Sylvie termine la mise en place de l’étal des bouquins d’occasion. « Ils sont à prix libre, à partir de 1 euro », indique la bénévole à une personne qui commence déjà à feuilleter quelques ouvrages. Dilara Simsek Araiz explique : « On vient avec des livres pour créer du lien. Dans les petites villes, un Solidaribus ça peut faire peur, les gens n’ont pas forcément envie de montrer qu’ils viennent nous voir. Les livres, c’est une façon d’engager la discussion. »
Fracture numérique et isolement
Dans la caisse du camion, Roland Munch installe un ordinateur dans le petit espace de rendez-vous. Bénévole au Secours populaire depuis un an, il explique son engagement : « Je faisais de la politique, mais j’ai senti que tout était bloqué de ce côté-là. Je me suis dit qu’il fallait agir autrement. »
Aujourd’hui Roland conduit le Solidaribus et s’occupe de l’assistance informatique et administrative, proposant à ceux qui le souhaitent de les aider à réaliser leurs démarches en ligne. Pour lui, l’éloignement des services publics accentue l’isolement des personnes en difficulté en milieu rural. « En plus, il faut prendre les rendez-vous sur internet ! »
Une situation qui renforce la détermination du septuagénaire : « Il ne faut pas que les gens soient démunis face à la dématérialisation. En plus, à la campagne, il y a la question de la distance. En ville, il y a le tram, mais ici c’est plus compliqué. »
À Andlau, l’antenne de la Caf la plus proche est Obernai, soit à une quinzaine de kilomètres. Le secteur est, d’ailleurs, pointé comme « fragile » concernant l’accès aux services publics dans une récente étude de l’Insee sur la pauvreté.
Un projet solidaire encore en construction
Présente sur le marché pendant deux heures, la petite équipe du Secours populaire ne rencontre aucune personne en difficulté. Par contre, les échanges avec les habitants vont bon train.
Sarah, habitante d’Andlau, trouve l’idée intéressante. « Quand j’ai vu la proposition d’aide administrative, j’ai tout de suite pensé aux personnes âgées qui ne peuvent plus se déplacer », explique-t-elle, emportant quelques livres sous le bras. Vincent, lui, est venu en voisin. Il tient un petit stand. « Je me suis rendu compte que certaines personnes n’y arrivent plus financièrement. J’ai de plus en plus de clients qui font attention. »
Après quelques mois de pause, la démarche du Solidaribus se relance tranquillement en cette fin d’année. Pour Dilara Simsek Araiz, il est donc normal que peu de personnes en difficulté se présentent ce mercredi matin. « Le Solidaribus s’adresse aussi à ceux qui voudraient devenir donateurs ou bénévoles. »
L’association souhaite ainsi tisser des liens avec les habitants : « Idéalement, l’objectif serait qu’il y ait suffisamment de personnes motivées sur un territoire pour qu’elles puissent créer une antenne. Mais c’est une initiative qui doit venir du territoire. »
Pour construire son action sur la durée, le Secours populaire reviendra à Andlau tous les deuxième mercredi du mois et la chargée de projet travaille déjà à son déploiement dans d’autres communes du Bas-Rhin en 2024. Quant à l’offre de services, elle évoluera en fonction des demandes des habitants. « Il n’y a pas de modèle préconçu, il faut voir avec les différents publics. Tout ce que propose le Secours populaire à Strasbourg peut être porté par le Solidaribus. »