Il y a de ces métiers qui intriguent : nez, pyrotechnicien, modèle nu… ou encore, nail artist. Comment s’entraîne-t-on avant de pouvoir peindre les ongles d’une ribambelle de client(e)s ? Pourquoi le nail art rencontre-t-il aujourd’hui autant de succès ? Senn nous a accueilli dans son salon Before After, Rue des Veaux, pour répondre à toutes nos questions.
Vernis de toutes les couleurs suspendus au mur, statuettes, bambous et bureaux équipés, tout y est. Le lieu est cosy et on s’y sent tout de suite bien. Et voir un homme tenir ce type de salon, surtout en province, c’est peu commun. Pourtant, au bout de quinze ans de métier, des mains, on peut vous dire que Senn en a peint !
D’origine parisienne, il avait initialement pris une toute autre voie : il travaillait à la Française des Jeux, au PMU. Après une année compliquée, l’envie de changer d’air se fait ressentir.
Et parfois, une simple phrase, prononcée au bon moment, peut tout changer : « Si tu as envie de changer d’air, viens à Strasbourg. On va passer du temps ensemble et en même temps, je pourrais t’apprendre à faire les ongles », lui propose un ami styliste ongulaire et nail artist. Malgré ses doutes, Senn décide d’accepter l’invitation.
Finalement, Senn apprend tout en un mois à peine, en s’acharnant tous les jours. À l’issue de ce mois, il devient responsable. Il nous explique que dans ce métier, au début, on apprend tout ce qui est théorique. Une fois la formation terminée, il faut la mettre en pratique sur une vraie clientèle.
Et c’est justement les réactions et les compliments de cette clientèle qui l’ont motivé à rester dans ce secteur d’activité. Car ses client(e)s aiment ce qu’il fait et le font savoir : « La prochaine fois, je veux prendre rendez-vous avec toi ». De fil en aiguille, la clientèle augmente.
Après trois ans, Senn rentre à Paris pour sa famille, et y ouvre un salon pendant deux ans. Mais comme à Strasbourg, on y revient toujours… Le nail artist revient finalement s’installer dans ce local rue des veaux, juste avant le Covid.
La clientèle de Senn, à Strasbourg, est majoritairement féminine. Il remarque qu’à Paris, sa clientèle était beaucoup plus masculine qu’ici. Et le fait qu’il soit lui-même un homme en surprend plus d’un(e) : « À Paris, personne ne me connaissait. Ici, quand j’entends “Senn, c’est le premier homme à faire du nail art à Strasbourg”, je peux te dire que ça fait tout bizarre ! Il y a des gens étonnés de voir un homme, mais que ce soit un homme ou une femme, le résultat est le même, tant qu’on aime son métier ».
Un métier de technique, de pratique et de passion
Pour exercer ce métier, le parcours le plus classique est le brevet Professionnel Esthétique. Mais selon Senn, le hic dans cet apprentissage c’est que la partie ongles est survolée. On y apprend le b.a.-ba, mais ce n’est pas suffisant pour faire une vraie prestation et mettre des ongles en valeur.
Il existe aussi des formations privées créées par des prothésistes ongulaires plus expérimentés. Certains salons proposent également leurs formations à eux : « Si tu veux apprendre à faire les ongles, l’idéal reste de chercher le meilleur artiste pour te former ». Certain(e)s apprennent également sur Youtube, en autodidacte.
« De mon côté, J’ai eu la chance d’avoir un très très bon mentor qui ne m’a pas seulement appris toute la technique : il m’a aussi donné le goût d’aimer vraiment ce que je fais ». On le sait, c’est souvent ce qui fait toute la différence.
Métier de technique, de pratique et de concentration, chaque geste compte. D’autant plus que ces dernières années, le nail art s’est énormément démocratisé. Pour une fête, une soirée, un mariage, ou encore une remise de diplôme, aller “faire ses ongles” est devenu un réflexe assez commun, au même titre que s’habiller ou se maquiller.
Selon Senn, il y a deux gros moments de rush dans l’année : la période estivale, et les fêtes de fin d’année. En été, il finit souvent ses journées après 21h. En tout cas, quand on tombe sur un nail artist aussi passionné que lui, ça donne envie de se lancer, même quand on n’y avait jamais vraiment pensé.
"Tout est possible sur les ongles, tant que t’as les idées"
Le nail art est une spécificité du stylisme ongulaire, un moyen de s’approprier ses propres ongles. Et dans cet art, tout est possible : motifs farfelus, simple vernis rouge, french manucure ou encore baby boomer (un fondu qui fait de l’ombre à la french manucure ces derniers temps), « tout est possible sur les ongles, tant que t’as les idées. Si t’es un peu artiste dans l’âme, t’essaies de toi-même créer tes propres dessins, développer ton propre style ».
Certains vont plus être dans un style cartoon, d’autres plus techniques, géométriques. C’est un peu comme le tatouage, mais sur des ongles et en miniature. Et comme talent rime souvent avec précision, il faut des années de pratique, notamment sur des fausses mains au bout de faux bras, grâce à des doigts articulés, afin de maîtriser cet art au mieux.
Il faut également être à la page et connaître toutes les modes du moment. En hiver, les couleurs demandées sont souvent foncées et à l’inverse, en été, plutôt flashy ou pastelles. Chaque année, les modes changent, souvent en fonction des tendances des réseaux sociaux : « c’est bien, on ne s’ennuie jamais, on est obligé de s’adapter aux demandes de la clientèle par rapport à la mode, à ce qui se passe », complète notre styliste ongulaire.
Si, la plupart du temps, on lui demande des choses simples, réalisables, il arrive tout de même que des client(e)s au style excentrique souhaitent décorer tous leurs ongles : « Ça m’est déjà arrivé, sur une cliente, d’utiliser trente couleurs ». Certain(e)s trient en amont sur les réseaux, ont des idées très précises de ce qu’elles veulent. D’autres sont plus ouvert(e)s et n’ont pas peur de faire confiance à Senn. Encore une fois, tout est possible, tant qu’on a l’imagination… et la patience.
Manucure ou thérapie ?
Avec nos mains, on signe, on peint, on fume, on tapote, on parle même parfois. On les voit toute la journée, qu’on le veuille ou non. Et comme cet art est réalisable sur des hommes et des femmes de tout âge, ça tombe bien, tout le monde y a droit !
La cliente la plus jeune de Senn a quatorze ans et vient avec sa maman, et la plus âgée doit dépasser les quatre-vingts ans. Pour les clientes plus âgées, leur rendez-vous chez Senn est la sortie de la semaine.
Certain(e)s, avec l’âge, ont la tremblotte. Elles ne demandent pas forcément de vernis, ni d’extensions. Elles viennent parfois uniquement pour se les faire couper et limer, ou simplement embellir leurs ongles car elles ne peuvent plus le faire elles-mêmes : « C’est tout classique, mais elles repartent heureuses. C’est le fait de se faire chouchouter, de s’accorder un temps à soi qui fait du bien ».
Toutes celles et ceux qui viennent, même au bout de dix ans, ressortent toujours avec le même sourire aux lèvres. Comme on sort de chez un coiffeur choisi avec soin : « On voit les yeux du client ou de la cliente briller, c’est incroyable, c’est ce résultat qui fait plaisir ».
C’est même devenu une addiction pour certaines. Il y a plusieurs types de client(e)s : celles et ceux qui ont déjà l’habitude, ont déjà testé et été satisfaits, et celles et ceux déçus après une mauvaise expérience. Qui dit première fois dit souvent peur du résultat. Le rôle de Senn est de tout leur expliquer pour mieux les rassurer.
« Les potins, les chagrins… On me confie énormément de choses. C’est aussi touchant qu’enrichissant. J’ai l’impression de connaître les femmes plus que certains hommes. On a ce côté boulot, mais aussi ce côté psy, à la limite de la thérapie parfois. C’est drôle, ça fait plein d’anecdotes et surtout, plein de souvenirs », conclut Senn, aussi souriant que ses client(e)s à la sortie de son salon.
Ce n’est pas le seul institut où un homme exerce!
RV Nails place Broglie est tenu par un homme et qui plus est son équipe et lui ne travaillent qu’avec des produits végan 😁