Mardi 7 mars, environ 80 personnes ont bloqué les deux entrées de la plateforme logistique Amazon située rue Livio à la Meinau. Une action du collectif “on crèvera pas au boulot” qui fédère des militants écologistes et des Gilets jaunes strasbourgeois contre la réforme des retraites et la politique antisociale du gouvernement.
“La retraite à 60 ans, on s’est battus pour la gagner, on se battra pour la garder ! La retraite !” Devant les deux portails blancs, les slogans se succèdent joyeusement ce mardi matin glacial. Il est 7h et près d’une centaine de militant(e)s strasbourgeois(es) bloquent l’entrée des camions sur le site de la plateforme logistique Amazon située rue Livio, à la Meinau.
Né le 4 mars dernier à l’occasion d’une réunion organisée à la Maison des projets, le collectif “On crèvera pas au boulot” rassemble des membres d’Alternatiba Strasbourg, d’Extinction Rebellion, du groupe de Gilets jaunes Strasbourg République et d’organisations féministes ou antifascistes. “C’est un collectif qui vient de la base, pas des organisateurs, détaille Isabelle Wendling. Les gens y viennent en tant que ce qu’ils sont et non en fonction de leur appartenance par ailleurs.”
Convergence des luttes
Cette coalition s’est montée pour lutter contre la réforme des retraites, mais aussi “contre toutes les problématiques qui nous touchent depuis des années“, poursuit la militante. Avant d’évoquer l’inflation, la baisse du pouvoir d’achat, la réforme de l’assurance chômage, “la déliquescence totale des services publics” – au nombre desquels l’hôpital et l’éducation, et la hausse de la précarité.
“Pour nous, c’est une manière d’organiser la convergence des luttes“, poursuit Zoé Mary d’Alternatiba Strasbourg. Convaincue que la lutte écologique doit aussi œuvrer pour plus de justice sociale. “Nous sommes inquiets de cette réforme des retraites et de la destruction progressive de tous nos acquis sociaux alors que nous vivons crise sur crise.“
Sur la route, devant l’entrepôt, de nombreuses voitures, camionnettes d’artisans et poids lourds klaxonnent en passant. Certains conducteurs lèvent le poing en guise de soutien. Drapeaux tricolore et blanc en main, gilet jaune sur le dos, Louise Ferhati interpelle les véhicules avec énergie et bonne humeur. “Un coup de klaxon et vous pouvez passer !” Beaucoup s’exécutent gracieusement, quelques-uns, beaucoup moins nombreux, avec agacement.
Le long des portails, Bella Ciao retentit, porté par quelques voix. Suivent quelques morceaux de cumbia qui permettent aux militants de danser pour se réchauffer. Le chef de la sécurité hèle quelques membres du groupe pour annoncer que l’équipe de nuit a terminé son service et souhaite sortir. “Bien sûr qu’on les laisse passer ! On ne va pas bloquer les travailleurs !”, s’exclame une militante. Les camions restent à l’arrêt, mais les salariés peuvent circuler.
"Si tu fais grève aujourd’hui tu bosseras peut-être moins toute ta vie"
L’arrivée de l’équipe de jour au portail ouvre cependant le débat entre quelques militants. “Il ne faut pas les laisser passer ! On est là pour bloquer l’économie, pour la lutte, pas pour faire du social !” s’agace un militant. “Mais on a dit qu’on bloquait pas les travailleurs. Peut-être qu’il a besoin d’aller bosser !” répond un autre. “Tu as peut-être fait des blocages dans les facs quand tu étais étudiant… quand on bloque, tout le monde est pas toujours d’accord, y a du conflit, mais c’est comme ça qu’on fait bouger les choses !”, rétorque le premier.
Près du portail, toujours, une militante tente une autre méthode. “Tu viens travailler ?” demande-t-elle à un jeune homme ? “Ouais. Il faut bien. Tout le monde doit travailler.” “Rejoins nous ! Si tu fais grève aujourd’hui, tu bosseras peut-être moins toute ta vie. Au pire, tu vas pointer et tu reviens”, sourit-elle. “C’est important que les salariés d’Amazon ne se sentent pas ciblés eux, détaille de son côté Zoé Mary. C’est important qu’ils sachent qu’on se bat pour eux, contre un système, mais pas contre eux.“
Dans l’ensemble, les échanges sont rapides et plutôt paisibles entre les salariés et les militants. A 9h15, l’équipe de nuit sort enfin, en voiture, à pied ou à vélo sous une haie d’honneur riche en slogans et drapeaux. La coalition prévoit de lever son blocage à 13h pour pouvoir rejoindre le cortège de l’après-midi.