Le Strasbourg alternatif orphelin. Ancien squat réhabilité, occupé, autogéré et solidaire, la maison Mimir a été dévorée par les flammes dans l’aube du jeudi 9 février, puis démolie en fin de matinée pour des raisons de sécurité. Mobilisé, le collectif en charge du lieu s’interroge sur la suite du projet.
C’est dans un nuage de fumée que la Krutenau s’est réveillée jeudi 9 février au matin. Peu avant 7h30, les pompiers ont été appelés pour éteindre un incendie à la Maison Mimir, au 18 rue Prechter, à Strasbourg.
Avec une quarantaine de sapeurs-pompiers mobilisés toute la matinée, c’est avant midi qu’ils ont réussi à circonscrire le feu sous les yeux des passants et voisins ébahis. En quelques heures, les flammes parties du deuxième étage ont touché toute la maison ainsi que les combles, la laissant « fragilisée », précisent les pompiers, qui prévoient des « opérations de déblai de longue durée ». Personne n’a été blessé.
La Maison Mimir est bien plus qu’un simple lieu. Ouverte en 2010 par un groupe d’éducateurs désireux de créer un espace qui permette aux plus précaires de se rassembler, l’association est titulaire depuis 2012 d’un bail emphytéotique.
Elle loue les bâtiments du 18 rue Prechter à la Ville de Strasbourg pour 20 ans, en échange d’y effectuer des travaux de rénovation. « On était en train de poser le plancher du deuxième étage pour en faire un hébergement solidaire », explique Omar, 33 ans, l’un des co-présidents de l’association.
Après l'incendie, la démolition
Pour les mimiriens, c’est l’incompréhension : personne n’aurait dû être dans la maison lorsque l’incendie s’est déclaré, et l’hypothèse de l’accident leur semble improbable. L’association a porté plainte et attend que l’origine de l’incendie soit déterminée. « Il y [aura] obligatoirement une enquête pour déterminer les causes de l’incendie, avec l’aide d’experts en la matière », précise la Police Nationale à Pokaa : « S’il y a une source criminelle, il y aura poursuite de l’enquête pour tenter d’en trouver le ou les auteurs ».
Très vite après l’incendie, la démolition est annoncée : « La mise en sécurité du bâtiment implique sa déconstruction, en lien avec la police du bâtiment. Le nettoyage complet du site devrait prendre quelques jours pour trier et évacuer la totalité des gravats », confirme la Ville de Strasbourg dans l’après-midi.
Dès 13 heures, une pelleteuse a pris la place des camions de pompiers et entamé, étage par étage, le grignotage de la bâtisse. Un spectacle difficile pour certains habitués, bénévoles et membres de l’association rassemblés à la frontière dressée par les rubalises mises en place par les forces de l’ordre.
Un symbole de la solidarité à Strasbourg
Parmi les passants venus constater la démolition de la maison il y a Aurélie, 31 ans. Elle était là aux débuts, avant même que l’association signe le bail : « On avait fait un sitting pour qu’on ne nous expulse pas, c’est un symbole de la solidarité à Strasbourg, un lieu de partage », explique-t-elle dans un sourire.
« On a une bagagerie où les personnes sans-abri peuvent laisser leurs sacs, un bar à kawa à prix libre, on organise des évènements, on prête les salles à des associations… », énumère Omar : « C’est un lieu d’accueil des plus précaires, qui ont des besoins humains, on leur permet un petit espoir parfois juste en discutant ».
Une maison, véritablement : « Le but, c’est que tout le monde se sente et agisse comme s’il était chez soi », conclut Omar. Ils sont maintenant une vingtaine aux abords du périmètre de sécurité à regarder, la larme à l’œil, la pelleteuse démolir Mimir. « Ça fait mal au cœur », souffle-t-on.
Des craies sont distribuées et des messages de soutien et d’amour tracés au sol et sur un mur. Tout juste arrivée, Eline contemple le reste de la façade : « J’ai fait mon stage de première année en médiation citoyenne dans cette asso, c’est que de l’amour et de la coopération, c’est la famille », souffle-t-elle.
Sans subvention, le collectif porte son projet de rénovation et de lieu alternatif à bout de bras depuis maintenant 13 ans. À l’aide de bénévoles comme Coluche, par exemple, actif tantôt à la cuisine, tantôt à l’organisation de soirées loup-garou. « J’ai connu Mimir il y a neuf ans, c’est un symbole de liberté », assène-t-il.
À 56 ans, il assure qu’à travers les années et malgré la crise sanitaire, le lieu vivait. « C’était notre maison, un des derniers bastions de liberté à Strasbourg, c’est ça qui est parti en fumée aujourd’hui », souffle l’artiste.
De la tristesse et des questions pour la suite
En attendant, les mimiriens ne perdent pas espoir : « On va voir ce qu’on peut récupérer », explique Rémy, un autre membre de l’association, espérant que les bâtiments en arrière de la cour n’aient pas été touchés par les flammes.
Ce dont a peur Coluche, c’est de ne pas pouvoir récupérer le lieu une fois les bâtiments démolis. « C’est la grande guerre des réponses qui commence », estime Rémy. De son côté, la Ville assure que « les élu-es et services de la Ville restent en contact étroit avec l’association pour permettre la continuité de ses activités ».
La bagagerie par exemple sera déplacée à la T’rêve à Koenigshoffen – il n’en existera donc plus en centre-ville, provisoirement du moins. Interrogée sur la suite de la location du 18 rue Prechter à l’association Mimir, la Ville a indiqué ne pas être encore en mesure de répondre. Le soir même au Molodoï, un événement a été en partie transformé en hommage à la Maison Mimir.
Quand on sais que l’adjointe à la sécurité parlait hier d’une maison squattée !
Y a peu d’espoir que la ville propose quelque chose