Les fêtes de fin d’année se caractérisent par les nombreuses traditions qui les entourent. Afin de savoir à quoi ressemblait Noël à l’époque de nos grands-parents, nous nous sommes rendus à la maison de retraite médicalisée Les Pâquerettes à Schiltigheim. Sapin, bredele et cadeaux faits-maison… les seniors racontent.
C’est souvent avec impatience que petits et grands attendent chaque année l’ouverture des paquets. Déposés au pied du sapin le 24 ou le 25 décembre, leur découverte marque le point d’orgue de la fête de Noël. Pourtant, lorsque les années s’égrainent, que les souvenirs s’estompent, ce ne sont pas seulement les présents mais les moments partagés, les odeurs, les couleurs, les lumières, les émotions qui s’ancrent profondément.
Chez certains et certaines, les souvenirs sont plus difficiles à retenir, même en s’y agrippant très fort. Alors pour les garder précieusement, il est essentiel de les faire revivre. C’est ce que font Nathalie Davenne, psychologue et Camille Weidmann, animatrice à la Résidence Les Pâquerettes, à Schiltigheim.
Ce jeudi matin, une dizaine de résidentes et résidents s’est réunie au rez-de-chaussée de l’Ehpad. Une fois par mois, ils se retrouvent ici pour faire remonter à la surface les souvenirs de leur jeunesse. Alors que le froid a déjà happé toute l’Eurométropole, tous commencent à se replonger dans de lointains mois de décembre pour nous raconter à quoi ressemblaient les Noël d’autrefois.
“On ne fêtait pas Noël aussi joyeusement en France qu’en Alsace !"
“Avant, Noël, c’était merveilleux, c’était une grande fête”, débute André*, la discussion à peine entamée. “On ne fêtait pas Noël aussi joyeusement en France qu’en Alsace ! Ici, on commençait les bredele deux semaines avant, se souvient-il. Puis, chez nous, on faisait le Kouglof, un gâteau alsacien. Plus tard j’étais boucher, j’avais autre chose à faire que des bredele !”, raconte l’homme de 90 ans avec entrain.
Dans la salle, l’évocation des bredele fait écho. “J’en faisais de toutes les sortes, il y en avait à l’anis !” réagit Chantale suivie par Monique : “Des bredele j’en ai fait des kilos, je les connaissais tous. Ma maman avait deux plaques pour le four et on les emmenait à cuire chez le boulanger.” Les papilles de tous se souviennent. “On mangeait du Schiffala, de l’épaule de cochon fumé , avec de la choucroute”, témoigne André. “Chez moi, du pâté en croûte que ma maman faisait, puis de la dinde et de la bûche pâtissière“, poursuit Chantale.
“Le soir, c’était en comité réduit, raconte à son tour Marie. On mangeait de la salade de pommes de terre avec des knacks. Le grand repas c’était le lendemain. On faisait des nouilles qu’on laissait sécher sous le lit. On mangeait aussi du lapin, on mangeait tout, même la cervelle.”
Tous acquiescent. En revanche, le vin chaud “c’était pour le nouvel an”, corrige André.
Les préparatifs de Noël n’avaient pas lieu qu’en cuisine. C’est tout Strasbourg qui, déjà, vibrait au rythme des fêtes. Encouragés par des photos d’époque présentées par Camille, les résidentes et résidents se souviennent du sapin de la Place Kléber ou encore de la boutique Magmod, qui a aujourd’hui fait place aux Galeries Lafayette. “Autour de la place Broglie, il y avait les magasins de jeu. On n’avait pas le droit d’y aller”, se remémore Alain.
De véritables bougies dans le sapin
C’est aussi sur la place Broglie que certains allaient acheter le sapin qui trônerait dans leur maison. “C’était le charbonnier qui vendait les sapins”, précise Marie.
“Le vendeur de sapins passait dans le village”, se rappelle quant à lui Alain. “Nous on allait le chercher dans la forêt avec mon père. La forêt était à la sortie du village”, répond René. C’est aussi directement dans les bois que Christiane, qui a grandi en région parisienne -”ça ne fait que 60 ans que je suis à Strasbourg”, sourit l’ancienne boulangère-, allait chercher son sapin.
“On avait un vrai sapin. On allait en forêt chez ma tante !” L’espace d’un instant, Chantale revoit le sapin dans sa maison d’enfance. “Il allait jusqu’au plafond. Mon papa le décorait la veille puis fermait la porte à clef. On avait la surprise en le découvrant, le 25”. Une tradition partagée par Alain : “On découvrait le sapin à l’arrivée du Père Noël, on entrait dans la chambre où il y avait le sapin, on ne l’avait pas vu avant.”
Quant à la décoration du sapin, chacun avait ses habitudes. “On mettait des noix et des pommes de pin, relate Marie. Et on mettait de vraies bougies qu’on allumait”. Un souvenir qui ne manqua pas de faire sourire Serge. “Chez nous aussi, j’avais mis le feu au sapin !”. Chez Monique, “il y avait une lanterne en haut du sapin. Et il y avait une crèche, on en voit presque plus aujourd’hui“. “Ça se rapportait plus à la religion”, rebondit André.
D’ailleurs, pour beaucoup, le réveillon rimait avec messe de Noël. “Le 24, à minuit, il y avait les cloches qui sonnaient”, raconte Monique, suivie par Marie : “Depuis Illkirch, on entendait la cathédrale. On allait à la messe habillés “en dimanche”, ça veut dire qu’on mettait un costume plus ou moins neuf. Il fallait bien cirer ses souliers. Il y en a qui mettaient des chapeaux, moi je n’aimais pas ça.” Et René d’ajouter : “J’étais enfant de chœur. Dans certains patelins, c’était une obligation d’aller à la messe de Noël, avant l’occupation”.
“Ce n’était pas comme aujourd’hui, il y avait moins de sous”
“A la maison, on chantait “Douce Nuit”, “Mon beau sapin” et aussi des chansons allemandes”, se rappelle Marie. Puis, le soir, arrivait le moment des cadeaux. “Le Père Noël s’annonçait avec une cloche !”, se rappelle André. “Il neigeait, on regardait par la fenêtre et on voyait le Christ’kindler dehors”, se souvient Chantale, appuyée par Marie : “C’est l’enfant de Dieu. C’était souvent une femme, habillée tout en blanc avec un voile. Elle accompagnait le Père Noël.” Et Chantale d’ajouter : “Si on n’était pas sage, c’était le Père Fouettard, alors on avait peur et on se cachait sous la table.”
Quant aux cadeaux déposés par le Père Noël et le Christ’kindler, tous se souviennent : “Le plastique n’existait pas encore, tout était en celluloïde”. “Les baigneurs, c’était la mode”, se rappelle Chantale, suivie par Marie : “J’avais des habits pour ma poupée et mon papa lui avait fait une maison”.
“Moi, ma mère m’avait fait une poupée en tissu et mon père avait fait l’armoire”, enchérit Christiane. “Ce n’était pas des baigneurs comme aujourd’hui. Maintenant ils mangent, ils bougent, ils font pipi”, rigole Monique. Du côté des hommes on évoque des “petites voitures mécaniques, qu’il fallait remonter” mais aussi “des Meccano”.
“Ce n’était pas comme aujourd’hui, il y avait moins de sous”, conclut Marie.
*Tous les prénoms ont été modifiés
Bonjour camille et Nathalie
Je suis toujours émerveillé de voir de quoi nos résidents son capable.
Ils se souviennent de tellement de choses, il suffit de creuser un peu.
Ils sont toujours contents de partager leur souvenir.
Merci pour eux de ce que vous faites..
Bonne continuation
Isabelle