Cours depuis chez soi, difficultés financières, solidarité, ou apprendre à relativiser, on a parlé avec des étudiants strasbourgeois pour savoir à quoi ressemble leur vie actuellement. Et malgré une année particulière, on y a trouvé beaucoup d’optimisme.
La fac en visio
D’abord, il y a la vie à la fac, qui n’a plus quand chose à voir avec celle qu’ils connaissaient. Si ce n’est pas le cas de tous les étudiants interrogés, beaucoup assistent désormais aux cours depuis chez eux. C’est le cas d’Edmée, étudiante en dernière année de Master de design. “Pour le deuxième confinement on est un peu mieux préparés. On a nos cours sur une plateforme de la fac, aux horaires traditionnels. Mais ça fait un pincement au cœur de passer du Palais universitaire à ton petit bureau chez toi.“
Écouter les cours en visio met aussi à rude épreuve l’attention et la motivation de certains. “La console n’est jamais très loin“, rigole Anthony, étudiant en journalisme. Même chose pour Marie, étudiante en communication et marketing, “ Je décroche. Je ne participe pas, alors je me relâche. Ces derniers temps, je me réveille cinq minutes avant le début du cours et je reste dans mon lit, c’est déprimant.” Et Solyne, en deuxième année de musicologie, d’ajouter : ” Quand j’ai deux heures de visio, je fais le ménage dans mon appart’! “
Autre difficulté posée par la visio : les travaux de groupe. “Déjà, une visio avec la famille c’est compliqué, alors pour travailler ensemble, ça coince aussi, reconnaît Edmée. On a beaucoup moins cette dynamique de groupe, le dialogue est bouché.” Il en est de même pour Marie : “C’est beaucoup plus facile de se mettre d’accord quand on est face-à-face.” Alexis, étudiant en sociologie se réjouit malgré tout d’avoir fait sa rentrée en présentiel. “Ça m’a fait du bien de voir les nouveaux de la classe et les professeurs. Le feeling, c’est important. Ça me manque, cette énergie concrète et les discussions entre les cours.” Tous y voient quand même un maigre avantage : les examens à la maison.
Pour ceux qui se rendent en cours, le changement aussi se fait sentir. Il y a les masques toute la journée : “C’est moins chaleureux, tu vois plus les sourires, on rigole moins.“, regrette Anthony. “Et puis, les fenêtres sont ouvertes tout le temps. Du coup, 5°C en cours, c’est pas toujours sympa, même si je me suis habituée“, ajoute Typhanie, étudiante en comptabilité.
La vie sociale en stand by
Quand on pense à la vie étudiante, on pense aussi soirées, sorties et forcément, dans une année meurtrie par la crise sanitaire, la vie sociale en prend un coup. “Ça me manque de ouf ! On avait l’habitude de faire des soirées, d’aller en boîte, au trampo park, à la patinoire, toutes sortes de choses ! Avec le Covid, c’est devenu une galère !“, déplore Typhanie. Edmée aussi reconnaît : “On rêve de la vie d’étudiant où on sort le jeudi soir, on boit des bières ensemble. Cette année, ce n’est pas la même chose. Beaucoup d’amis en souffrent“.
“J’ai l’impression de passer à côté de ma vie étudiante“, regrette Solyne. C’est le moment où on a le plus de liberté, je me dis ça y est j’ai un appart’, je peux sortir quand je veux et il ne se passe plus rien. J’ai l’impression d’être sur pause, je ressens beaucoup de frustration.” “J’en ai marre de rentrer chez moi, en sachant ce qui m’attend. Il n’y a plus d’imprévu“, ajoute Séverine, étudiante au conservatoire.
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La galère financière et les projets qui tombent à l’eau
De nombreux étudiants ont également été affectés financièrement par cette crise sanitaire. L’une des principales raisons est sans doute la perte des jobs étudiants. “J’avais un boulot dans un bar“, raconte Typhanie. “Comme j’étais en extra, je n’ai pas de chômage partiel ni d’aides. J’arrive à m’en sortir en me serrant la ceinture, mais c’est compliqué. Je n’ai plus le même confort.” Solyne, elle, avait aussi prévu de chercher un job étudiant, ” pour ramener un petit salaire, pour payer les courses. Là, je suis rentrée un peu chez mes parents, ça me permet d’avoir moins de dépenses.“
D’autres s’estiment chanceux d’avoir conservé leur poste, comme Edmée qui travaille chez Ikea , Alexis, assistant d’éducation dans un lycée ou encore Marie, hôtesse de caisse. Quand ce ne sont pas les jobs étudiants qui se raréfient, ce sont les stages ou les échanges à l’étranger : “J’ai beaucoup galéré à trouver quelque chose, témoigne Edmée. J’ai dû envoyer une centaine de candidatures. Et pour l’instant, on n’a pas d’autre choix pour valider notre Master. ” Quant à Marie, c’est non seulement un stage mais aussi une alternance qu’elle recherche. “Ça m’angoisse”, reconnaît-elle.
“Je devais partir étudier en Argentine, puis aller à Londres ou encore Berlin mais tout est foutu, j’ai dû changer mes plans“, s’attriste Marie. Alexis devait lui partir au début de l’année dernière à Yaoundé au Cameroun, pour un projet universitaire. “Le Covid a tout planté, j’étais amer. Après, tu ne vas pas te morfondre. Ça a été un élément déclencheur, je me suis dit que j’allais me concentrer sur mes études.”
Du côté de Séverine aussi, les projets s’annulent les uns après les autres. “On monte des projets et on ne sait pas si ça sera faisable ou pas, résume la chanteuse lyrique. J’avais un concert au Palais Rohan, il est annulé pour la deuxième fois. Les projets, c’est la carotte qui me fait avancer et sans ça, c’est dur. J’ai une baisse de motivation.” Solyne aussi s’épanouit dans le monde culturel, alors cette année est un peu compliquée : “je devais chanter dans un festival, j’avais un projet de comédie musicale et même de court-métrage en tant que ingé son. C’est tellement incertain avec cette histoire de reconfinement, qu’on ne programme plus rien de peur que ce soit annulé “.
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La peur de l’avenir
Ces projets qui s’annulent, pourraient également pénaliser les étudiants pour leur avenir. “Tous ces projets auraient été dans mon CV, m’auraient fait progresser et m’auraient ouvert des portes“, déplore Solyne, la musicienne. Séverine ne s’inquiète pas pour la qualité de sa formation : “On est bien suivi au Conservatoire“. Ce qui l’inquiète, c’est “l’ouverture et les contacts. C’est maintenant qu’on doit se faire notre réseau et c’est compliqué.“
Edmée elle, tente de relativiser : “Je pense que le télétravail va se démocratiser. Je me dis que pour les entreprises, ça peut être un plus de savoir qu’on y a été habitués pendant nos études. On a acquis une autonomie qu’on pourra valoriser.“
Ce qui joue sur le moral des étudiants, ce n’est finalement pas la situation en elle-même, mais plutôt qu’elle n’en finisse pas. “Là je commence à craquer, raconte par exemple Séverine. Au début je ne le ressentais pas trop, mais c’est de plus en plus oppressant. On est en permanence dans le métro, boulot, dodo.”
Malgré tout, le besoin de rester optimisme
À voir comme ça, le tableau ne parait pas réjouissant. Pourtant, les étudiants s’attachent à chercher quelques points positifs. Plusieurs répètent :“Je ne suis pas le/la plus à plaindre” et tous semblent bien décidés à tirer le meilleur de leur année universitaire. “Ce que je retiendrai, c’est la solidarité entre les étudiants. Avec cette année pourrie, on s’est vraiment soudés, même si on ne se voyait pas. Je trouve ça beau, il y a un bel esprit malgré la distance“, relativise Edmée.
“Il faut être positive sinon on pète un câble, reprend Marie. J’essaie de me dire que les choses sont seulement retardées, que ce n’est pas grave. Je suis assez optimiste et me dis que tout le monde fait un effort.” Malgré la situation, elle en retire quelques avantages : “je me trouve de plus en plus responsable. J’ai pris une certaine maturité, ça a forgé quelque chose.“