Se pencher sur les problématiques liées à la santé mentale, est-ce d’actualité ? Si l’on en croit les chiffres du ministère de la Santé et de la Prévention, la réponse est claire : oui. Avec 13 millions de Français(es) touché(e)s par la maladie mentale et les troubles psychiques, le sujet s’impose comme un enjeu sociétal majeur. Et les jeunes Strasbourgeois(es) dans tout ça ? Loin de chercher à dresser un tableau exhaustif, on a recueilli les témoignages de personnes concerné(e)s.
Santé publique France dresse un constat clair : celui d’une hausse des épisodes dépressifs dans le pays, touchant principalement les jeunes adultes. La dépression est un des troubles les plus répandus et demande une prise en charge médicale rigoureuse.
Elle n’est toutefois pas le seul mal qui touche la jeunesse. Qu’il s’agisse de petites déprimes, d’anxiété, de problèmes de sommeil ou encore de burn out, on va s’intéresser ici à des troubles divers et variés – qui, on le rappelle, ne peuvent être définis que par un(e) professionnel(le) de santé.
D’ailleurs, il y a quelque temps, on vous a demandé si vous étiez concerné(e)s par ces sujets. Et plusieurs témoignages nous sont parvenus. Ils évoquent la crise du Covid, l’évolution de la vision sur la vie pro, l’actualité anxiogène, les comportements à risque…
Et si vous avez la flemme de lire ce qui suit mais que vous avez besoin d’une aide, direction la fin de cet article pour trouver plusieurs contacts qui peuvent s’avérer utiles !
« Mon corps m'avait complètement lâchée »
Julie* gère une petite entreprise locale. Début de la trentaine, énergique et sensibilisée à ces problématiques, elle ne s’attendait pas à y être confrontée. Et pourtant. L’entreprise grandit vite, Julie prend rapidement des responsabilités et se démène en cumulant plusieurs casquettes.
Elle décrit une sorte de frénésie qui, lorsqu’elle se calme à l’occasion de ses premières vacances depuis des lustres, lui coupe brutalement les jambes : « J’ai fini hospitalisée dans un pays étranger, mon corps m’avait complètement lâchée. »
Burn out, parfois à répétition, épisodes dépressifs, anxiété… les souffrances psychiques liées au travail sont des problématiques qui ne restent pas au bureau. Anna évoque ainsi les oublis répétés, la fatigue, une remise en question constante sur plusieurs choses. Yanis constate des troubles du sommeil, des crises d’angoisse à répétition : « Très vite, je réalise que quelque chose ne va pas, sans que je n’arrive à l’identifier. »
Quant à elle, Julia nous cite pêle-mêle insécurité, crainte de ne pas s’insérer dans la vie pro au terme de ses études, mais aussi la violence et l’horreur de l’actu sur la scène internationale. Ce dernier point est relevé à plusieurs reprises parmi les témoignages !
Fin du télétravail : ces Strasbourgeois qui ne veulent pas retourner au bureau
On l’a dit, au vu des chiffres, ce sont les jeunes qui sont principalement touché(e)s. Au Centre d’accueil médico-psychologique universitaire de Strasbourg (CAMUS), le nombre de consultations auprès des psychologues a pratiquement doublé entre 2020 et 2023. Un chiffre principalement dû à l’augmentation des possibilités de prises en charge.
Le docteur Aude Rochoux est directrice du Service de santé étudiante (SSE). Elle témoigne de la diversité de ce qui amène les étudiant(e)s à franchir la porte de son service ou du CAMUS : « Ce que l’on voit le plus, c’est le stress, l’anxiété. Mais on a aussi des épisodes dépressifs, des troubles du comportement, parfois liés à des conduites addictives, des problèmes d’adaptation à l’université, des troubles du comportement alimentaire ou du sommeil. »
Pour expliquer l’augmentation de ces épisodes, le Dr Rochoux reste prudente mais évoque des pistes de réponse : « Le Covid a perturbé tout le monde et on est de plus en plus dans une société anxiogène. On n’est pas tous égaux face au stress. »
Elle évoque aussi les facteurs économiques avec l’augmentation de la précarité, source d’anxiété et de plusieurs dépressions ; ainsi que l’augmentation des cumuls emplois/études qui peut aussi conduire à ces problématiques.
Par ailleurs, à Strasbourg, une enquête réalisée entre 2020 et 2021 a dressé le constat d’une augmentation des conduites addictives. « Là encore, on se heurte aux différences de chacun : certains ne deviendront jamais addict’ et d’autres peuvent faire une bouffée délirante avec un pétard. »
Le Covid a été vécu différemment selon les étudiants. Il a pu créer des situations financières complexes dans les familles […]. De façon générale, la société est anxiogène. Nous on ne se posait pas de question. C’est souvent l’avenir qui pose problème.
« Ce n’est pas évident de trouver la bonne thérapeute »
Le constat est dressé, alors comment réagir ? Selon Santé publique France, les jeunes de 18-24 ans se préoccupent moins de leur santé mentale et de leur bien-être que leurs aîné(e)s. Là encore, le Dr Rochoux le constate sur le terrain : « Les étudiants sont dans une prise de risque. On a un étudiant qui a une petite déprime, il va se dire c’est pas grave, ça va aller. »
Pour Claire*, 27 ans, c’est la question de la légitimité qui a été difficile à aborder : « Le plus dur, pour ma part, est de consulter un médecin. Comme si je n’étais pas assez légitime, comme si ce que je vivais n’était pas pire que ce que je voyais dans les faits divers. »
De son côté, Laure* craint, à travers le diagnostic, les conséquences de celui-ci : « Il va influencer ma vie, et il va y avoir des répercussions […] Sans le diagnostic, je peux me dire qu’un jour, ça disparaitra. »
Lorsqu’elle est diagnostiquée d’un burn out en mars 2021, Mélissa est suivie par sa généraliste. Sans grande conviction et sur conseil de cette dernière, elle voit ensuite une psychologue : « J’en avais vu un peu tout au long de ma vie et j’avais l’impression que ça n’allait servir à rien. »
Finalement, elle la voit toujours de façon hebdomadaire, même trois ans plus tard : « Ce n’est pas évident de trouver la bonne thérapeute, celle avec qui ça matche en termes de feeling et d’approche, mais avec elle ça a été tout de suite le cas. »
Enfin, et sur les conseils de deux autres professionnelles, elle complète son suivi avec un psychiatre : « Je l’ai vécu comme un échec monumental, mais finalement, j’ai compris qu’aujourd’hui on ne prescrivait plus des traitements comme ça, dans le vent, que ça faisait partie d’un réel processus global. » Mélissa souffrait d’une dépression en plus de son burn out, et a été diagnostiquée d’un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité.
Quels outils mis en place ?
Face à ces problématiques, les équipes du SSE prennent en charge les étudiant(e)s dans leurs locaux. Certain(e)s viennent pour un problème médical lambda et c’est au cours des consultations réalisées par les infirmiers/ères et médecins généralistes que peuvent se révéler des troubles psychiques.
Le docteur Rochoux évoque également l’entraide qui peut exister entre enseignant(e)s et services de santé, dans les cas où des professeur(e)s vont alerter son service à la suite de plusieurs inquiétudes liées à une personne. Enfin, les étudiant(e)s qui en ressentent le besoin peuvent également contacter directement le Camus.
Pour faciliter l’accès à un accompagnement psychologique, le gouvernement a mis en place le dispositif « Mon Parcours Psy ». Effectif depuis 2022, il permet le remboursement de huit séances par an chez un(e) psychologue agréé(e). Le dispositif fait pourtant l’objet de vives critiques de la part d’une partie des professionnel(le)s concerné(e)s.
Psychologue à Strasbourg, Emma pointe l’obligation d’une ordonnance médicale qui peut décourager certain(e)s patient(e)s et renvoyer à « une paramédicalisation de [la] profession». Elle évoque aussi les critères pour bénéficier du dispositif (jugés trop restrictifs) : le faible plafond de remboursement (impliquant une diminution du temps de consultation ou une division des honoraires) ainsi que le petit nombre de séances concernées.
Pour en savoir plus sur ce dispositif, ça se passe ici !
Et puis il y a celles et ceux qui transforment l’épreuve en outil au service des autres. Mélissa, dont on parlait précédemment, a ressenti le besoin de partager son expérience dans son podcast Parlons-Z’en. Par ce médium, elle transmet ce qu’elle aurait aimé entendre et essaie d’apporter des réponses, des éclairages ou des pistes de réflexion.
D’autres apportent une aide à travers les associations. On mentionne ici HelloDie : des patient(e)s venant en aide aux personnes touchées par les TCA (troubles du comportement alimentaire). Fondée par une Strasbourgeoise directement concernée, l’asso vise à prévenir et sensibiliser autour de ce sujet crucial.
Pour trouver de l'aide, plusieurs dispositifs existent
Service de santé étudiante (SSE) : ouvert du lundi au jeudi de 8h30 à 17h30 ; le vendredi de 8h30 à 17h.
- [email protected]
- 03 68 85 50 24
Centre d’accueil médico-psychologique de Strasbourg (Camus) : prise de rendez-vous par téléphone de 9h à 12h ou par mail.
- [email protected]
- 03 88 52 15 51
- + d’infos : www.camus67.fr
Et parce qu’il arrive que des étudiant(e)s aient davantage de facilité à évoquer leurs problèmes avec leurs pairs, d’autres dispositifs ont été mis en place :
- Étudiant(e)s relais rescue : ils/elles sont une quinzaine réparti(e)s sur les campus de la ville. Joignables par mail et formé(e)s aux différentes problématiques, ils/elles ont pour mission d’écouter, soutenir, informer et orienter les étudiant(e)s dans le besoin. Les contacts sont disponibles ici !
À Strasbourg, des étudiants viennent à l’écoute et à l’aide d’autres étudiants
- Étudiant(e)s relais cités : les étudiant(e)s relais cités sont présent(e)s dans les cités universitaires et sont des interlocuteurs/trices en cas d’idées noires, d’anxiété, de difficultés dans les études ou dans la vie perso, etc. Ils/elles sont formé(e)s pour écouter, aider et orienter. Les contacts sont disponibles ici et sur l’application My Résidence by Crous, rubrique « Contacts utiles »
- Étudiant(e)s relais addicto : les étudiant(e)s relais addicto sont formé(e)s par l’association Ithaque et le SSE. Leur rôle est d’accompagner les étudiant(e)s dans les problématiques liées à la consommation de drogues et aux addictions. Les contacts sont disponibles ici et sur Instagram.
Encore quelques numéros utiles :
- Numéro national de prévention du suicide : 3114 (24h/24)
- Fil santé jeunes : 0 800 235 236 (9h-23h)
- SOS amitié : 09 72 39 40 50 (24h/24)
- Phare enfants-parents : 01 43 46 00 62 (lun-vend 10h-17h)
- Drogues info service : 0 800 23 13 13 (8h-12h)
Comme pour tout sujet médical, vous pouvez également en parler à votre médecin traitant.
En cas d’urgence, contactez le 15 !
Très bon article