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Strasbourg (in)accessible : on a passé un après-midi avec Johanna et son fauteuil roulant

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À quoi ressemble la capitale alsacienne pour celles et ceux qui ne peuvent pas s’y déplacer en marchant ? Pour le savoir, nous avons parcouru Strasbourg avec Johanna Elter et redécouvert notre ville avec son regard.

Sur le quai de l’arrêt Futura Glacière, à Schiltigheim, Johanna Elter regarde le tram arriver avec un peu d’appréhension. « Et voilà le début de la galère », glisse-t-elle au moment d’entrer dans la rame avec son fauteuil électrique. Il est environ 14h30 et le tram n’est pas spécialement bondé, mais la jeune femme peine à se frayer un chemin jusqu’à l’espace dédié aux personnes en situation de handicap.

Handicap fauteuil roulant Strasbourg accessibilité
© Adrien Labit / Pokaa
Handicap fauteuil roulant Strasbourg accessibilité
© Adrien Labit / Pokaa
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« Pardon », tente-t-elle une première fois. « Vous êtes sur l’endroit réservé aux fauteuils », insiste-t-elle, pour que bougent enfin les passagers/ères adossé(e)s à la vitre. Une fois installée, Johanna explique avoir l’habitude de donner de la voix pour se faire une place. « Il y a des espaces réservés pour les fauteuils à l’avant du tram, au milieu, et à la fin. Mais il y a souvent des gens qui se tiennent debout à ces endroits. On me voit entrer, et on ne se pousse pas. »

À sa hauteur, un bouton lui permet de signaler au conducteur qu’elle souhaite descendre au prochain arrêt, de manière à ce qu’il s’assure qu’elle est bien sortie avant de redémarrer. « Mais il ne fonctionne pas toujours », regrette la Schilikoise, qui explique avoir parfois du mal à s’extraire des rames bondées. « Il arrive que je descende un arrêt plus loin. J’essaie d’avoir toujours un quart d’heure vingt minutes de large quand je dois me déplacer. »

Handicap fauteuil roulant Strasbourg accessibilité
© Adrien Labit / Pokaa

Une accessibilité de façade

Quelques minutes plus tard, nous descendons place de l’Homme-de-Fer. Un secteur très fréquenté que Johanna évite autant que possible. « J’ai un peu peur de la foule depuis que je suis handicapée, explique la jeune femme qui souffre d’une hémiplégie du côté gauche. Avant de me déplacer en fauteuil, je me suis déjà écroulée dans la rue sans que personne ne vienne m’aider. »

Nous nous frayons un chemin à travers le croisement traversé par les rails du tram et les voitures, où les bords de trottoir abaissés ne sont pas faciles à trouver pour un fauteuil, avant de nous engager dans la rue du Vieux-Marché-aux-Vins en quête d’un café. Johanna nous entraîne vers un établissement où elle a ses habitudes et appuie sur le bouton d’appel dédié aux personnes à mobilité réduite. Sans réponse. « Eux non plus ne fonctionnent pas toujours », plaisante-t-elle.

Un serveur nous repère finalement en passant une tête dehors par hasard. Quelques instants plus tard, il déploie une rampe sur les quelques marches du perron pour permettre à Johanna d’entrer. Un lieu accessible aux fauteuils ? Pas complètement. « J’aime bien cet endroit, les serveurs nous trouvent toujours une place adaptée, mais je ne peux pas aller aux toilettes. » Ces dernières se situent en effet au bas d’une volée de marches.

« Je ne vais jamais dans le centre juste pour me balader »

Selon la Schilikoise, ce genre de mauvaises surprises n’est pas rare. Même lorsque les établissements affichent le pictogramme bleu et blanc signalant un endroit accessible aux personnes à mobilité réduite. Une fois entrées, ces dernières sont souvent confrontées à des espaces qui n’ont absolument pas été pensés pour elles. Allées trop étroites pour un fauteuil, tables hautes et tabourets, salles sur plusieurs étages sans ascenseur… les exemples ne manquent pas. « C’est une accessibilité de façade. Ils ont juste une rampe et s’imaginent que ça suffit. »

À chaque sortie, « il faut tout prévoir », explique Johanna, qui parle même de « stratégie ».  Exemple récent : « Pour mon anniversaire, j’ai voulu m’offrir des chaussures, se souvient-elle. J’ai choisi un magasin et regardé l’itinéraire pour y aller plutôt que de faire plusieurs boutiques au hasard. De manière générale, je ne vais jamais dans le centre juste pour me balader. »

Pavés mal jointés et trottoirs encombrés

Une fois n’est pas coutume, Johanna a cependant accepté de se promener dans le centre historique avec nous. En passant près de l’arrêt Alt Winmarïk, la jeune femme tique sur une bouche d’égout plus basse que le pavage. Nous ne l’avons pas remarqué en marchant, mais cette irrégularité aurait pu la bloquer.

Plus généralement, la Schilikoise peste contre le pavage. « Mon mari est, lui aussi, handicapé. Il se déplace en fauteuil à main et il s’accroche parfois au mien pour avancer sans se fatiguer. Lorsqu’une de nos roues se coince entre deux pavés, cela peut nous faire tomber tous les deux. » Même sans accident, ce type de dallage reste peu adapté pour les personnes à mobilité réduite.

La jeune femme se souvient notamment d’une période, après une opération, où elle les évitait, parce qu’ils secouaient son fauteuil et lui faisaient mal à la cheville. Ils sont également fatigants pour son mari, qui doit davantage pousser sur ses bras pour avancer.

Arrivé(e)s au bas de la Grand’Rue, nous empruntons la rue Adolphe-Seyboth en direction de la Petite France. Les trottoirs sont trop étroits pour un fauteuil : nous poursuivons sur la chaussée avant de déboucher sur le quai Turckheim en direction des ponts couverts. Sur le parking près de l’écluse, Johanna évalue la situation : où passer pour ne pas avoir à gravir un bord de trottoir ? La jeune femme se faufile sur un rebord étroit, ralentit et gratte un peu le mur avant de passer.

Handicap fauteuil roulant Strasbourg accessibilité
© Adrien Labit / Pokaa

« Au quotidien, chaque balade est un parcours du combattant »

Direction le square Louise-Weiss puis le pont tournant avant de revenir vers l’hypercentre et la cathédrale. « Je ne suis jamais passée par là », reconnaît Johanna, qui note chaque changement de dallage sur la chaussée. De quoi nous faire envisager autrement nos balades dans le quartier. Au croisement de la rue de la Division-Leclerc et de celle des Serruriers, nous cherchons le bateau, c’est-à-dire l’abaissement du trottoir, qui permet à Johanna de traverser les rails du tram. Il est décalé par rapport au passage piéton.

Handicap fauteuil roulant Strasbourg accessibilité
© Adrien Labit / Pokaa

Ce qui nous étonne constitue l’ordinaire de Johanna, car « au quotidien, chaque balade est un parcours du combattant ». Rue des Serruriers, la voilà arrêtée par une voiture mal garée sur le trottoir. « Ça, ça arrive tout le temps », soupire celle qui a « explosé » l’un des phares de son fauteuil à force de taper contre des obstacles de ce type. La jeune femme manœuvre serrée pour faire demi-tour et trouver un nouveau bateau pour changer de trottoir. Toute une opération.

Handicap fauteuil roulant Strasbourg accessibilité
© Adrien Labit / Pokaa
Handicap fauteuil roulant Strasbourg accessibilité
© Adrien Labit / Pokaa

La promenade se termine place de la Cathédrale. Un autre endroit qu’elle évite, tant en raison de la foule que des pavés. Puis direction le tram, à Grand’Rue, pour aller chercher son mari à la sortie du travail à Rivetoile. Il est 16h30 et les trams sont bondés. Là encore, il faut donner de la voix, expliquer qu’il existe un emplacement réservé. Johanna se retrouve coincée par une poussette d’un côté et la foule le long de la porte.

Son stress est palpable. À Étoile Bourse, il lui faut un moment pour s’extraire de la rame. C’est bon pour cette fois. Mais dans un couple d’heures, il faudra faire le chemin inverse jusqu’à Schiltigheim.

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© Adrien Labit / Pokaa

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Commentaires (3)

  1. Le problème en France, c’est qu’ils disent mettre en place des choses pour les personnes handicapées, mais c’est de la foutaise. Même les nouveaux logements sont soi-disant faits pour des personnes en fauteuil, mais la douche fait à peine 80 cm. Les gens se réveillent maintenant parce qu’il y a eu le film *Un truc en plus*… Mais toutes ces personnes existent depuis longtemps ! Cela ne fait qu’à peine 20 ans que la loi sur l’accessibilité est sortie…

  2. Toute ma compassion pour Johanna ! Et si vous êtes intéressé.es par la version de Strasbourg (in)accessible au quotidien en situation de handicap invisible (malvoyance), je vous embarque bien volontiers sur une journée !

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