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De 1746 à 2024 : voyage dans le temps à travers les friches de l’usine textile DMC de Mulhouse

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Souvent taquinée par les autres villes alsaciennes, Mulhouse a pourtant une grande place dans l’histoire de l’Alsace. Ses riches activités industrielles dans les domaines de la chimie, du papier peint, et surtout du textile ont amplement participé au rayonnement du savoir-faire de la région dans le monde. Témoin de cette activité, les friches de l’ancienne usine DMC, véritable colosse de briques rouges, fascinent aujourd’hui encore visiteurs/ses et habitant(e)s.

Située en plein centre de Mulhouse, l’usine, que l’on connaît depuis plusieurs décennies sous les initiales DMC, est née du génie de trois jeunes mulhousiens : Jean-Henri Dollfus, Jean-Jacques Schmalzer, et Samuel Koechlin. Dès 1746, ils ont l’idée de créer une entreprise commune pour mettre sur le marché du tissu indienne. Ce tissu léger, peint ou imprimé, est à l’époque une innovation dans le milieu du textile.

En parallèle, les Anglais sont déjà installés sur une partie du territoire des Indes, et ramènent en Europe, dans les cales de leurs bateaux, une fibre nouvelle : le coton. Jusque-là, la laine, le lin ou le chanvre étaient les tissus en usage. Le coton va révolutionner le monde du textile et ses techniques. L’impression sur étoffe [technique de sérigraphie qui vise à imprimer des motifs sur tissus par couches successives, ndlr] se développe à Mulhouse, et fait la fortune de la bourgeoisie. C’est le début de la révolution industrielle et de l’expansion de cette ancienne petite bourgade.

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Mulhouse, ville à la renommée internationale

Pourquoi DMC ? Car ce n’est que le 21 mars 1800, que la Dollfus-Mieg et Compagnie (DMC) est créée par Daniel Dollfus-Mieg, fils de Jean-Henri Dollfus. C’est aussi à cette période, et sous l’impulsion de la nouvelle génération, qu’apparaît le fil à coudre – qui a fait la renommée de l’entreprise – et surtout le filage mécanique, qui va révolutionner la manière de produire, permettant à DMC de briller dans le monde entier.

Friches DMC Mulhouse
© Charlie Picci-Claude / Pokaa

Employant jusqu’à 30 000 salarié(e)s dans les années 1960, les usines DMC sont surtout, jusque dans les années 1990, un modèle économique et social. Face à la concurrence asiatique, elle connaît ensuite un rude déclin, avant d’être liquidée puis « recréée » grâce à une reprise sous une nouvelle entité. Aujourd’hui, la société est gérée par le fonds d’investissement britannique Lion Capital, mais n’est plus installée dans la commune alsacienne. 

De plus, DMC a aussi légué à la Ville de Mulhouse un trésor inestimable : un patrimoine bâti de 750 000 m2, avec des cheminées qui semblent surveiller les habitant(e)s, et protéger le passé de celles et ceux qui y ont un jour travaillé.

Une usine qui a grandi au fil des siècles

De nos jours, il ne reste que quelques traces des premières bâtisses de l’usine DMC, où on travaillait notamment le coton, à la main. Certaines sont visibles depuis la rue de Thann, et parfois, il ne reste que des vestiges, comme ceux des anciennes filatures aux murs blancs détruites dans les années 2010. Ces bâtiments appartenaient à la première partie de l’histoire des lieux, et ont ensuite été rejoints par ceux en briques rouges.

Friches DMC Mulhouse
© Charlie Picci-Claude / Pokaa

Ces immenses colosses ocre, autour desquels il est encore possible de déambuler aujourd’hui, appartiennent en effet à la deuxième grande phase de l’histoire de DMC.

Une période durant laquelle (de la fin du 19e siècle au début du 20e), la filiale adapte par exemple ses usines à l’arrivée massive de la mécanisation. Elle construit d’énormes bâtiments en briques, plus fonctionnels, pour contenir ses machines, mais aussi les centrales à charbon et à vapeur qui alimentent alors turbines et rouages, pour tourner à plein régime, avec l’aide d’hommes, et surtout de femmes.

Friches DMC Mulhouse
© Charlie Picci-Claude / Pokaa

En 2017, la Ville de Mulhouse a d’ailleurs décidé de rendre hommage à ces femmes qui ont fait, et font toujours briller, la ville dans le monde entier, en changeant les noms de certaines rues. On trouve la rue Lily Ebstein (une dessinatrice de mode juive déportée et décédée au camp d’Auschwitz pendant la Seconde Guerre mondiale), la rue Jeannette Bell (une militante associative), la rue des Brodeuses, et enfin la rue Thérèse de Dillmont, une brodeuse viennoise reconnue.

Concernant cette dernière, Jean Dollfus-Mieg a le plaisir de la rencontrer à Paris lors de l’Exposition universelle de 1878. Il lui fait alors une proposition audacieuse : quitter Vienne et venir s’installer à Dornach (commune rattachée à Mulhouse au XXe siècle) pour y ouvrir une école de broderie. Contre toute attente, Thérèse de Dillmont accepte, et commence alors une collaboration fructueuse. DMC, visionnaire, vient de prendre un siècle et demi d’avance en faisant appel à une influenceuse pour promouvoir ses produits.

Vers l'avenir et au-delà

Parmi les bâtiments qui ont fait la notoriété des friches DMC de Mulhouse, on peut citer l’immense réfectoire dans lequel les ouvriers/ères venaient se restaurer, ou se reposer entre deux services dans l’usine. Construit dans les années 1880, le bâtiment en bois et briques rouges pouvait accueillir jusqu’à 600 couverts. Inscrit depuis 2015 au titre des Monuments historiques, il témoigne de l’ampleur du nombre de personnes qui travaillaient chaque jour sur le site mulhousien, mais aussi de l’importance du bien-être ouvrier chez DMC.

Car oui, bien loin de l’image zolienne que l’on peut se faire de la vie en usine, chez DMC, dès les années 1870, Frédéric Engel-Dollfus (le gendre de Daniel, le fondateur de DMC), s’était consacré corps et âme aux droits et au bien-être des ouvriers/ères.

Le réfectoire était pensé pour que les travailleurs/ses puissent déjeuner tranquillement, à l’intérieur ou sur la terrasse aménagée. Ils et elles pouvaient ensuite se reposer le long du canal de Steinbaechlein, avant de reprendre leur service.

Pour le réfectoire comme pour les autres bâtiments, la Ville de Mulhouse se pose depuis quelques années la question du réemploi de ces constructions. À l’instar de Strasbourg avec le quartier de la Coop, la municipalité souhaite mettre en valeur ce patrimoine bâti inestimable, et en faire un modèle économique, social et écologique dans le paysage français.

Depuis 2007, le quartier est en pleine reconversion. Des entreprises émergentes y ont installé leurs locaux. On y trouve aussi Motoco, un immense espace dédié à la création, réunissant 140 artistes, toutes disciplines confondues. Plus surprenant, et pour les plus courageux/ses, on y trouve le CMC (Climbing Mulhouse Center), le plus haut mur d’escalade indoor en France. Les fêtard(e)s ne sont pas en reste, puisque les usines DMC sont aussi le lieu des mythiques soirées Bass Couture, qui font désormais partie intégrante du paysage techno alsacien. 

Friches DMC Mulhouse
© Charlie Picci-Claude / Pokaa

Dans les prochaines années, les friches DMC vont normalement changer de visage, avec des appartements, des magasins, des hôtels, ou encore des parcs, et autres îlots de fraîcheur. Un quartier vert et résilient, dédié aux mobilités douces, et dont les toits seront habillés de panneaux photovoltaïques. Une belle manière de penser le futur en habitant le passé.

Envie d’en voir plus ? Il est possible de déambuler gratuitement et librement dans les friches DMC (mais uniquement à l’extérieur). Laissez-vous étourdir par l’immensité du lieu, pour toucher du doigt une grande histoire. 

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