L’automne s’est définitivement installé à Strasbourg. Les feuilles jaunissent, la lumière s’éteint plus vite et à peine Halloween passée, les regards se tournent désormais vers Noël. Les plaids et les grosses chaussettes sont de sortie, accompagnant comme il faut le combo chocolat chaud/marshmallows. Dans quelle ambiance infusera ce nouvel épisode de notre série politique préférée ? Douce comme une matinée d’automne ou brûlante comme le froid hivernal ? La réponse tout de suite, avec le récap’.
Ce lundi 4 novembre, l’ordre du jour était plutôt léger avec seulement 14 points retenus à l’ordre du jour. Heureusement, ou pas selon d’où l’on se place, les textes additionnels sont venus le garnir, telles les branches remplumant notre grand sapin de la place Kléber. Au nombre de 16, ils se divisent entre 2 résolutions, 3 motions, 10 questions orales ainsi qu’une dernière question d’actualité.
Un programme réduit, comme souvent lors des conseils de novembre, mais varié : cimetière arboré, écuries Gruber, avenir des médiathèques ou encore création de tiny houses pour les familles à la rue. Nos élu(e)s ont également reparlé du budget, mais comme ils et elles le font tous les deux mois, l’intérêt de la séquence était plutôt réduit. Enfin, les sujets politiques et polémiques sont également revenus dans la villa municipale, faisant monter les débats (et les octaves) dans les tours.
Le sujet chô : 5 à 7 tiny houses pour loger des familles à la rue avec enfants scolarisées
Ce 4 novembre, un sujet a été le plus chaud de tous : le projet d’acquisition de 5 à 7 tiny houses pour héberger des familles à la rue avec des enfants scolarisés à Strasbourg. Une initiative dans un contexte de précarité importante à Strasbourg et dans le Bas-Rhin, où chaque semaine dans le Bas-Rhin entre 800 et 900 personnes font appel au 115.
Achetées par la Ville, ces petites maisons d’au moins 22m2 de valeur de 40 000 € chacune seront installées jusqu’à 2026 sur le terrain de la Carpe Haute situé à la Robertsau. Après cette date, elles pourront être déplacées et remployées sur un autre site, laissant la place à un projet immobilier où il y aura des logements sociaux. Niveau budget, la Ville compte débourser 480 000 €, avec une convention de mécénat par le groupe KS, qui soutient le projet à hauteur de 70 000 €.
Pour l’opposition, un coup de com’ qui manque d’ambition
Pour des petites maisons, elles ont accouché d’un gros débat, aussi chaud que show. Toujours le premier à réagir lorsque cela concerne son canton de la Robertsau, Jean-Philippe Vetter (LR) dénonce un problème de méthode, mais également un plan com’ : « Vous souhaitez planter un étendard dans un secteur résidentiel pour avoir un beau papier dans l’Humanité et faire de la communication ». Pour bien appuyer son propos, il répète « communication politique » une bonne dizaine de fois.
De son côté, Pierre Jakubowicz (Horizons) se lamente d’un « nouveau projet éphémère sans stratégie de rénovation de logements vacants ni de constructions pérennes », tandis que Rebecca Breitman (Modem) déplore « une réponse pas à la hauteur ni sur le fond ni sur la forme » avant de déclarer : « On découvre une nouvelle facette de votre mandat, celle de Mme. Bricolage ». En cause également : l’absence de toilettes et de douches dans chaque tiny house.
Catherine Trautmann (PS) regrette de son côté un « manque de transparence » : « On n’a jamais pu débattre sur ce projet et son montant, qui n’a fait l’objet d’aucune approbation de notre part ». Céline Geissmann (PS) fustige un manque d’ambition : « Vous n’arrivez pas à assumer ce genre de projets. Vous donnez l’impression d’avoir la tiny house honteuse ». Elle tance alors un projet qui ne doit pas être un gadget au service d’une communication politique, rejoignant les arguments de Jean-Philippe Vetter et de Pierre Jakubowicz.
Pour la majorité, sortir au moins temporairement les personnes de la rue
Ce n’est pas la première fois que l’opposition de LR au PS s’allie contre la majorité écologiste et communiste. Une « nouvelle coalition de droite jusqu’à une partie de la gauche, à droite » que tance Syamak Agha Babaei, qui ajoute : « Que de jeux de dupes ! Assumez le fait d’être contre. Nous assumons d’accueillir, parce que c’est être fidèle à Strasbourg et sa tradition d’accueil ».
Il critique également le colportage de fausses informations et les doubles discours de l’opposition, jamais satisfaite quel que soit le projet présenté. Enfin, il ajoute que des sanitaires seront mis à disposition des familles et que ces tiny houses vont pouvoir voyager : « Il faut que tous les quartiers de la ville soient hospitaliers ».
Pour Marc Hoffsess (Les Écologistes) : « Cela fait un an que ce débat a lieu : dans cet hémicycle, dans la presse, dans le quartier avec certains mails que je réserve d’ailleurs à la justice ». Des propos qui tomberaient sous le coup de la loi, également entendus par Jeanne Barseghian : « Marc Hoffsess parlait de la « honte » d’entendre des propos xénophobes. Je peux citer: « On ne veut pas de ça chez nous. Ils vont voler nos voitures, ils vont violer nos femmes ». Ce genre de paroles nous font honte ».
La maire concède que le projet de tiny houses n’est qu’une goutte dans un océan, mais elle met en avant le volontarisme de la démarche : « C’est un maillon d’une stratégie globale. La première brique : sortir les personnes de la rue. Oui, ce n’est peut-être pas optimal, mais l’alternative, c’est la rue. Elle vous paraît plus digne ? C’est la question, au fond, qui vous est posée ».
La fin de débats est houleuse, avec Catherine Trautmann accusant la majorité de piéger politiquement son opposition en liant le projet global des tiny houses à la convention de mécénat. Le projet est finalement adopté à 47 voix pour, 4 contre (LR) et 8 abstentions (macronistes et socialistes). Un bel exemple de ce que pourraient être les forces en présence pour les élections de 2026.
Le moment « on souffle fort du nez » : drama politique réchauffé dans la villa
Démission de Soraya Ouldji : saison 2 du conseil municipal à la sauce Gossip Girl
En septembre dernier, le conseil municipal avait pris des airs de Gossip Girl en évoquant le sujet de deux adjoint(e)s démie(e)s de leur fonction, Soraya Ouldji et Hervé Polési, et remplacé(e)s par Marina Lafay et Salah Koussa. La première n’est d’ailleurs pas présente en ce lundi 4 novembre, tout comme le second, qui lui a donné une procuration de vote.
Marina Lafay est désormais chargée de l’accueil du jeune enfant en établissements ou en accueil individuel et du soutien à la parentalité des parents et futurs parents d’enfants de 0 à 3 ans. Salah Koussa s’occupe lui de l’accueil du public, les services municipaux de proximité assurés au sein des mairies de quartier et au centre administratif et de la coordination de la propreté urbaine des espaces publics de la ville de Strasbourg.
Les nouvelles fonctions ayant été communiquées, on pouvait raisonnablement penser que l’intérêt était passé mais non ! Car ce lundi 4 novembre, on a malheureusement assisté à une saison 2 du drama politicien, où l’intérêt des élu(e)s, et notamment de l’opposition, pour les coulisses de la politique municipale a pris le dessus.
Une navrante cacophonie municipale
Le sujet cette fois-ci ? La désignation de représentant(e) de la ville de Strasbourg au sein de divers organismes. Car si elle a été démise de ses fonctions d’adjointe, Soraya Ouldji a également été démise de toutes ses fonctions de représentation de la Ville, la maire évoquant « de graves problèmes de comportement, vis à vis de l’administration ». De son côté, Hervé Polési en conserve quelques unes.
Ce choix de démettre Soraya Ouldji de toutes ses fonctions passe particulièrement mal du côté de Catherine Trautmann, qui dénonce « un vote qui entache votre mandat comme la délibération qui avait mis fin aux fonctions d’adjointes de Céline Geissmann ». Sur sa lancée, l’ancienne maire de Strasbourg passe même la 5e dans le virage de la nuance, affirmant sans sourciller que Jeanne Barseghian aurait un problème pas « des femmes de caractères qui ne lui sont pas soumises » (sic).
Se faire les porte-paroles d’une élue absente sans connaître le fond du dossier, c’est grave, et vous relayez un certain nombre de mensonges.
« Des propos outranciers » qui laissent « sans voix » Jeanne Barseghian, qui ajoute, visant toute l’opposition : « Vous parlez sans connaître la situation, qui d’ailleurs ne vous regarde pas ». Benjamin Soulet (Les Écologistes) évoque « des décisions propres à notre groupe politique » et dénonce les contrevérités évoquées par l’opposition. Enfin, en direction de l’ancienne maire de Strasbourg, Syamak Agha Babaei attaque : « Ce que vous portez ce n’est pas à la hauteur de ce qu’a été la gauche à Strasbourg ».
Débute ensuite un tête-à-tête musclé entre Jeanne Barseghian et Catherine Trautmann, ponctué d’éclats de voix d’élu(e)s socialistes et écologistes au fur et à mesure des remarques. On verse rapidement dans une navrante cacophonie municipale, inévitablement suivie d’une suspension de séance. Les débats s’enlisent et l’on arrive péniblement au vote, où les nouvelles fonctions sont votées à 44 voix pour… mais sans les votes de l’opposition. Comme de nombreuses séries, la saison 3 sera ici superflue.
Ce qui va changer pour les Strasbourgeois(es)
Sépultures arborées et naturelles : deux nouvelles façon de se faire enterrer à Strasbourg
Fidèle à sa politique arborée, la Ville a voté quelques points concernant les arbres, certains plus insolites que d’autres. Alors que deux micro forêts vont être plantées au Neuhof et à Cronenbourg, sur le modèle de celle du collège Louis Pasteur, les Strasbourgeois(es) pourront désormais bénéficier de deux nouvelles options pour leur inhumation. La Ville a en effet décider de développer deux nouvelles formes de sépultures, plus écologiques :
- Les sépultures arborées, qui permettront l’inhumation des cendres des défunts en pieds de massifs arborés spécifiquement équipés de colonnes de grès.
- Les sépultures naturelles, qui permettront l’inhumation de défunts en cercueils et en urnes cinéraires éco-certifiées, enterrées et sous couverture végétale.
Pour débuter, la Ville a décidé d’exploiter une première section de 20 ares au Cimetière Ouest à Cronenbourg, à partir du premier semestre 2025. Les arbres plantés auront deviendront des sépultures arborées et les sépultures arborées et naturelles pourront par la suite être déployées dans les autres cimetières strasbourgeois, comme les cimetières Nord et Saint-Gall.
Les débats sont relativement apaisés sur le sujet, avec Marc Hoffsess mettant en avant le « travail engagé depuis 15 ans dans les cimetières strasbourgeois ». Pour l’opposition, Pernelle Richardot estime que cette délibération est une bonne chose, rappelant par ailleurs les avancées réalisées en 2008. Néanmoins, elle s’inquiète de « l’effacement perceptible du service public funéraire au fur et à mesure des documents transmis en annexes », remplacée selon elle par la coopérative funéraire Akène [mentionnée trois fois dans les annexes, ndlr]. En somme, elle craint la disparition « d’un service public accessible à tous » et appelle à ce que la municipalité fasse attention à « ne pas faire s’envoler les prix ».
Une intervention qui a surpris Marc Hoffsess, mais également Jeanne Barseghian qui répond qu’il est « un peu difficile à comprendre votre positionnement par rapport à la délibération ». La maire rappelle par ailleurs que c’est une bonne chose qu’il puisse y avoir d’autres acteurs qui émergent sur le sujet, et que la Ville ne fait ici que renforcer l’offre de sépultures pour les Strasbourgeois(es). Le point est finalement adopté à l’unanimité.
Un nouveau rebondissement dans la saga de la démolition des écuries Gruber ?
Lors du dernier conseil municipal, le sort des écuries Gruber semblait scellé : à cause d’un permis de démolition déposé au coeur de l’été et l’état catastrophique des anciennes écuries, la fin de l’aventure semblait proche pour un bâtiment patrimonial auquel les habitant(e)s du quartier sont attaché(e)s. Sauf que, par un retournement de situation digne d’une série de grande qualité, la Ville a été contactée par le propriétaire pour reprendre les écuries.
Par une question d’actualité de Catherine Trautmann, Pierre Jakubowicz et Jean-Philippe Maurer (LR), « un trio d’unité » gentiment raillé par Jeanne Barseghian, le sujet est revenu sur la table. La première demande : « Quel est le plan d’action, comment la collectivité va procéder pour mettre en valeur ce site ? ». Quant au conseiller LR, il se félicite que « la participation citoyenne a porté ses fruits ; on redevient en capacité d’être acteur pour que l’avenir du site soit intéressant ».
Le plus intéressant reste néanmoins les réponses apportées par Suzanne Brolly (Les Écologistes), adjointe à l’urbanisme. Elle rappelle que contrairement à ce qui a été rapporté dans la presse locale, le propriétaire n’a pas proposé de vendre les écuries pour 1 € à la Ville, mais un bail de 99 ans. Il demande également une participation de la collectivité pour la mise aux normes des parties privées de la partie sud du parc et des travaux de mise en état de réseaux, pas réalisés depuis les années 60. Enfin, il souhaite modifier le Plan local d’urbanisme, afin de construire des logements.
Un point qui ne passe pas pour la majorité, qui réaffirme son souhait de garder un parc d’activités qui ne soit pas ouvert aux logements. Suzanne Brolly explique : « Les discussions permettent de dégager un consensus dans le respect du patrimoine. D’autres options sont ouvertes comme le rachat et des scénarios qui doivent être affinés. Mais cela ne change pas l’état réel et les risques d’effondrement du bâtiment ». Dernière information : un arrêté préfectoral protégeant l’ancienne Brasserie Gruber au titre des monuments historiques a été publié… sans toutefois concerner les anciennes écuries. Suite au prochain épisode.
Vers la future gratuité des médiathèques ?
Alors que la Ville de Strasbourg a récemment refondu le système de tarification solidaire, permettant à plus de Strasbourgeois(es) de bénéficier de services publics à moindre coût, elle engage un projet scientifique, culturel, éducatif et social pour ses médiathèques. Comme l’affirmait déjà dans nos colonnes Syamak Agha Babaei, la Ville et l’Eurométropole réfléchissent à aller vers une gratuité étendue des médiathèques.
Au-delà de cette action pour favoriser l’accès à la culture pour tous/tes les Strasbourgeois(es), il est également prévu de mener 20 actions, dont mettre en place un pôle mobile qui intègrera un dispositif de portage à domicile ou encore créer un centre de ressources contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations, en lien avec la pétition citoyenne portée par la ville de Strasbourg, comme cela avait été présenté le 23 mai dernier. Le point a été adopté à l’unanimité.
L'instant polémique du soir : l'extinction de la cathédrale, décision politique non assumée ou erreur technique ?
Forcément, le conseil municipal n’allait pas s’empêcher de revenir sur le sujet qui a agité les dernières semaines, et comme on pouvait s’y attendre, les débats sont montés dans les tours, et les octaves. Pour débuter, Pernelle Richardot s’engouffre dans la brèche et critique la communication de la majorité sur toute la séquence : « Un jour, un média, une vérité ».
Elle est rejointe par Jean-Philippe Vetter, qui rappelle avoir interrogé la municipalité écologiste lors du dernier conseil municipal, et que cette décision avait alors été justifiée par des raisons d’économie d’énergie et de respect des animaux nocturnes.
Une polémique qui ne laisse personne vraiment convaincu
Visé par l’opposition, Pierre Ozenne prend la parole, et il attaque fort : « L’aplomb de certains dans notre hémicycle pour réécrire l’histoire est stupéfiant ». Néanmoins, il a tout de même semblé gêné aux entournures durant toute cette séquence, se contentant d’évoquer l’extinction de la flèche n’est pas le résultat d’une volonté politique mais d’un incident technique. Aucun retour sur ses déclarations aux DNA ou France Bleu Alsace, où il assurait que l’extinction entière de la cathédrale à 23h était désormais la norme.
Forcément pas convaincue, l’opposition continue avec Pernelle Richardot évoquant que le débat ne porte pas sur la flèche mais sur l’extinction globale, ce que Pierre Ozenne n’a effectivement pas évoqué. Jean-Philippe Vetter ne se prive lui toujours pas d’enfoncer la porte ouverte, attaquant frontalement l’adjoint à l’espace public et Jeanne Barseghian. Et c’est à ce moment-là que la maire rentre en jeu.
Je ne ferai pas de mea culpa sur des positions qui ne sont pas les miennes.
Passablement agacée, elle rappelle l’origine des décisions prises au sein d’un plan de sobriété décidé au pire de la crise énergétique. Elle dénonce les « insinuations extrêmement graves » de la part de Jean-Philippe Vetter, et rappelle que les décisions d’éclairage ne concernaient pas la cathédrale et qu’elles venaient de sa propre décision politique. Enfin, elle assure aussi qu’au 30 septembre, la Ville n’avait aucune connaissance de l’incident technique sur la flèche.
Néanmoins, elle ne revient pas sur les déclarations effectivement prononcées dans deux médias locaux par son adjoint, qui parlait bien de la cathédrale dans son ensemble, et non pas juste de la flèche. Ainsi, si quand elle dit qu’elle n’a pas reculé sur sa décision prise en 2022, cela est vrai, le gouffre entre les explications d’un incident technique et d’une véritable volonté politique assumée reste toujours grand. Et personne ne sort plus convaincu de cette séquence.
Après 11h de débats, le conseil municipal touche à sa fin. Une session plus animée que la précédente, qui a vu nos élu(e)s repartir dans les tours et dans des débats aux saillies acerbes. Quelques grosses décisions ont été prises, on a assisté à un drama politicien bien de chez nous et on est revenu sur une polémique concernant la cathédrale… Finalement, ce conseil municipal représente fidèlement notre série politique préférée. On se retrouve le 9 décembre prochain pour le dernier conseil municipal de l’année [le jour des 30 ans de l’auteur de cet article, ndlr]. En attendant, bon début de marché de Noël à tous et toutes !