Festival de musique contemporaine et de musique expérimentale, Musica rythme la rentrée strasbourgeoise depuis 1982. S’il en est à sa 42e édition, il se réinvente toujours plus, et depuis 2019, accompagne les artistes – comme le public – « vers de nouveaux horizons ». Pour cette édition : une vingtaine de créations, des expositions et même un Mini Musica pour vivre la musique dès 18 mois. Pour les plus grand(e)s : un focus sur la création néerlandaise, et des invitations à explorer l’univers, questionner le monde, notre histoire, nos frontières… À découvrir à Strasbourg puis à Metz, du 20 septembre au 6 octobre.
Au « carrefour de l’Europe » depuis sa genèse en 1982 à Strasbourg, Musica met en valeur les « grandes figures du XXe siècle » comme les plus récentes. Les programmations du festival proposent à chaque fois une large diversité esthétique : « De la musique instrumentale au théâtre musical, en passant par les musiques électroniques ou l’art sonore. »
Vivre avec son temps : faire commun
Et si le festival en est à sa 42e édition, Musica vit quand même avec son temps.
La programmation 2024 a d’ailleurs été influencée par l’actualité, notamment, comme l’explique son édito, « [par] la détérioration de la situation internationale et la nécessité d’affirmer plus que jamais l’idée de liberté artistique et culturelle par-delà les frontières », ainsi que face au « repli sur soi dans la société […] l’égoïsme démocratique (revendiquer la politique pour servir les intérêts d’une minorité, notamment sur le plan financier) » menant à « la croissance d’une extrême-droite née sur les débris des fascismes du XXe siècle ».
Et puis : quelle place donner à la musique contemporaine ? Dans un monde comme le nôtre, et face aux enjeux des intelligences artificielles ? Quel est son public « sinon une minorité relativement identifiée, tendanciellement âgée ou retraitée, blanche et éduquée », s’interroge Musica, et le « milieu musical européen ».
C’est avec cela en tête que s’ouvre cette nouvelle édition, avec comme toujours l’envie de « mettre en valeur des propositions et prototypes artistiques de tous horizons » et « contribuer aux enjeux de société et faire commun ».
Le programme en bref
Pour ce faire, c’est avec une œuvre « rarement donnée en concert » que se lancera Musica (le vendredi 20 septembre au Maillon) : De Staat (L’État de musique), du compositeur néerlandais Louis Andriessen.
Une œuvre qui s’appuie sur La République de Platon, et invite à explorer « les liens entre musique et politique », à s’interroger sur comment « écouter et lire notre monde ».
De plus, cette édition permettra une coopération inédite : celle entre le Performing Arts Fund NL et des acteurs/rices de la création musicale néerlandaise (compositeurs/rices, ensembles…) dont le festival Rewire de La Haye qui se voit « déterritorialisé » pour deux soirées.
En parallèle, Musica fera un focus sur le travail du compositeur, metteur en scène et plasticien français François Sarhan. On découvrira dans Les Murs meurent aussi « l’impact des frontières sur la vie et l’identité des personnes en s’appuyant sur le conflit en Ukraine », au moyen de nombreux témoignages recueillis par l’artiste.
Dans Log Book (en compagnie de l’ensemble berlinois Zafraan), c’est « un étonnant journal intime […] sur la vie ordinaire d’un artiste aujourd’hui » qui nous sera présenté le dimanche 29 au matin, entre speech music et spoken word.
Pour aller plus loin, n’hésite pas à faire un crochet par l’exposition Épicerie Solitaire qui sera dédiée au travail plastique de Sarhan (pendant toute la durée du festival, dans le QG de Musica, face à la cathédrale).
Quant au programme complet, il comptera 7 créations mondiales et 16 françaises (et 16 nouvelles pièces), qui se verront réparties en une vingtaine de lieux (Cité de la Musique et de la Danse, Le Maillon, TNS, Hear, TJP, POLE-SUD, La Pokop, le TAPS…), et même deux villes : Strasbourg et – pour la première fois – Metz.
En effet, comme un aparté et comme clôture du festival, Musica s’invitera à Metz du 4 au 6 octobre. Une première coopération régionale qui rassemblera la Cité musicale et le Centre Pompidou-Metz, autour de l’exposition La Répétition.
On y verra d’une part des projets musicaux et pluridisciplinaires en lien avec la notion de répétition, et de l’autre, des productions du festival ou d’éditions précédentes (comme le concert pour quatre pianos autour de la musique de Julius Eastman, Gay Guerilla et les 100 Cymbals de Ryoji Ikeda).
La chorégraphe belge Anne Teresa De Keersmaeker y présentera également sa célèbre pièce Rosas danst Rosas (de 1983) sous une forme participative avec le public.
Comme il serait difficile de faire une présentation exhaustive du programme, voilà notre petite sélection coup de cœur :
Nos crushs
On te l’annonçait plus haut : le festival Rewire de La Haye se décale à Strasbourg pour deux soirées.
Et le programme de sa soirée d’ouverture nous plaît bien : avec Rewire#1, le vendredi 20 septembre, Le Maillon passera « en mode clubbing le temps d’une soirée » de 22h à 2h, afin d’« explor[er] les nouvelles frontières des musiques électroniques ».
Au programme : « La figure montante du power ambient hexagonal Aho Ssan, le duo électronique queer néerlandais No Plexus, l’odyssée audiovisuelle de Ziúr en compagnie de la chanteuse Elvin Brandhi et de l’artiste visuel Sander Houtkruijer », ainsi qu’« un pilier des dancefloors londoniens, le DJ et producteur britannique Kode9 (aka Steve Goodman) ».
On reste sur l’électronique avec Lisel (ou Eliza Bagg) qui enchantera Strasbourg le 25 septembre, avec son dernier album Patterns for auto-tuned voices and delay.
Mêlant voix et électronique, elle y a « projet[é] une grammaire ancienne issue du chant médiéval et de la Renaissance dans un univers minimaliste et ambient », et y invite des effets de transformation vocale (comme l’auto-tune). Le résultat ? « Une polyphonie solitaire à l’ère de la multiplicité dans l’un. »
Autre coup de cœur : Havre De Grace to Le Havre de la musicienne, poétesse et activiste étasunienne Moor Mother. « Une figure de la création alternative » qui « explore l’histoire et les conséquences de l’esclavage et de la colonisation ».
Elle livrera à l’église Saint-Paul le 28 septembre une performance inédite, prolongement de son travail, en y associant le chœur LGBTQIA+ alsacien Pelicanto. Pour aller plus loin : la rencontre avec l’artiste au Wagon Souk, le jeudi 26.
Mais les curiosités ne s’arrêtent pas là, comme avec le « concert intergalactique » Sirius, une œuvre de 1977 du compositeur Karlheinz Stockhausen, dans « une dramaturgie de space opera proche de la science-fiction contemporaine ». Ou encore avec Some notes on martian sonic aesthetics vols. I & II (2034-2051), une performance de Jennifer Walshe qui nous parlera de… colonisation de l’espace.
Citons également – parmi tant d’autres – All right. Good night., spectacle de théâtre musical dans lequel le collectif Rimini Protokoll fera le pont entre la disparition mystérieuse du vol MH370 de la Malaysia Airlines (en 2014) et celle de la mémoire d’un père.
Pour les plus jeunes : alerte mims, avec le Mini Musica. Un « temps fort du festival » qui en est à sa 5e édition. Pendant deux week-ends (les 21, 22, 28 et 29 septembre), les kids (et les parents) auront leur propre programmation avec : des spectacles, des concerts, des ateliers, des performances et installations autour de la création musicale… parfois même dès 18 mois !
On peut aussi noter le poétique Luna de Frisse Oren (les 21 et 22), où la percussionniste nous invite à imaginer la face cachée de la Lune, au moyen d’une caméra dans sa grosse caisse et un jeu d’ombre et de lumière. Un voyage accessible dès 3 ans.
Expos et musique, maestro !
Outre celle consacrée à François Sarhan ou celle à Metz dont nous te parlions plus haut, Musica s’exportera aussi en plusieurs expos. La première – Mode d’emploi, en partenariat avec le MAMCS (Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg) se penchera sur l’art protocolaire, des années 1960 à nos jours (à découvrir du 27 septembre au 1er juin 2025).
Mais qu’est-ce qu’une « œuvre à protocole » ? C’est lorsqu’un artiste donne « une instruction […] – écrite, orale ou graphique – pouvant être réalisée (potentiellement) par quiconque ». On pense ainsi à Marcel Duchamp du côté des plasticiens, ou John Cage, pour la musique contemporaine.
Et enfin, à la Chaufferie (Hear), place à We insist ! du 20 septembre au 6 octobre, de Zorka Wollny.
D’Eviction Songs, « un ensemble de nichoirs à oiseaux transformés en haut-parleurs pour dénoncer la gentrification urbaine » à ses performances et installations, l’artiste polonaise « concentre [dans son travail] toute son attention sur la défense du “commun” dans l’espace social ».
Pour le reste, on te laisse piocher tes favoris dans une programmation bien fournie, à retrouver par ici.
Événement
Musica – 42e édition
Quoi ?
Festival de musique contemporaine et de musique expérimentale
Quand ?
Du 20 septembre au 3 octobre à Strasbourg
Du 4 au 6 octobre à Metz
où ?
Dans 20 lieux à Strasbourg et Metz
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