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Strasbourg : une pinte de bière à 15,50€ dans un bar, comment en est-on arrivé là ?

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Il y a quelques semaines, en allant siroter notre bière du mercredi soir dans un bar du coin, nous sommes tombé(e)s sur un prix qui nous a surpris. Dans cet établissement strasbourgeois, on trouvait une pinte affichée à 15,50€. Après le choc, nous nous sommes demandé(e)s comment un tel prix pouvait être applicable. Pour avoir des réponses à cette grande question, on a interrogé les équipes de trois bars strasbourgeois qui nous ont parlé de coûts, de marges, de la conjoncture et de tous les éléments qui entrent en compte pour fixer un prix.

Comment le prix des bières est-il fixé ? Est-ce que les marges sont plus élevées sur une bière artisanale que sur une bière industrielle ? Qu’est-ce qu’un prix « juste » ?

Ce sont ces questions-là, entre autres, auxquelles on va tenter de répondre dans cet article. Pour cela, on a laissé la parole aux dirigeants et gérants des bars L’Établi, du Café des Sports et de la brasserie Roue Libre. Ils vont nous donner un état des lieux de leur façon de fixer les prix dans le contexte actuel.

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biere
© Bastien Pietronave / Pokaa

Les prix de vente des bières ont augmenté ces dernières années : pourquoi ?

Pol est le gérant de L’Établi, un bar à bières artisanales situé sur la place d’Austerlitz. Comme la plupart de ses confrères interrogés, il a ressenti plusieurs phases d’augmentation du prix d’achat des bières chez ses fournisseurs/ses. Notamment après les confinements, au début de l’année 2021.

« Les brasseurs qui n’ont pas voulu augmenter leurs prix pendant le Covid, l’ont fait juste après. Lorsque l’activité a vraiment redémarré, et que la fréquentation des bars est remontée en flèche, les prix ont grimpé significativement, et d’un seul coup. Pour certains gérants, il a également fallu rembourser le PGE (Prêt garanti par l’État) contracté pendant le Covid, et la plupart des charges ont également augmenté. Mais c’est vrai qu’avant cette période, je n’avais pas vu de changements aussi forts dans les prix. »

Du côté du Café des Sports, dans le centre-ville, Geoffray, Xavier et Pierre ont aussi observé les conséquences du Covid :

« Quand les bars ont rouvert, le prix des pintes a augmenté pour compenser les pertes ou les dettes accumulées lors du Covid, et certaines brasseries, qui fournissent les produits, ont un peu surfé sur cette augmentation des prix, qui ne sont d’ailleurs jamais vraiment redescendus. Nous, à ce moment-là, on a arrêté de bosser avec certaines d’entre elles, justement à cause de ça. Et pour être honnête, parfois, on n’a pas vraiment compris les vraies raisons de ces hausses. »

bar à vins café des sports
Le Café des Sports. © Bastien Pietronave / Pokaa

Dans cette même période, entre 2022 et début 2023, les bars ont également dû faire face à d’autres problématiques qui ont influé les prix. Stéphane et David, gérants de la brasserie Roue Libre, située dans le quartier Nolistra, évoquent cette situation :

« Il faut déjà préciser que nous, on produit la grande majorité de nos bières sur place, ce qui nous permet de limiter les coûts par rapport aux bars “classiques” qui achètent l’intégralité de leurs marchandises. Mais du côté des fournisseurs, c’est vrai que le tarif des bières, achetées chez nos confrères, a augmenté. Covid, énergie, loyer, contexte international, inflation, transport, stockage, conditionnement, tous ces éléments ont fait grimper les prix. La conséquence chez nous ? Les bières des brasseries amies sont forcément un peu plus chères sur notre ardoise que celles produites sur place, puisque que celles-ci doivent également faire leur marge. »

La Roue Libre poursuit l’explication : « En interne, nos coûts de production ont également augmenté pour différentes raisons. L’une d’entre elles, c’est le droit d’accise. C’est une taxe sur le degré d’alcool des bières : plus la bière est forte, plus tu payes de taxe. C’est un très petit coût, mais quand tu l’ajoutes au reste, ça fait beaucoup… Et puis ça augmente tous les ans, comme tout le reste. »

Du côté des matières premières, là aussi les hausses de prix n’ont pas aidé selon l’équipe de la brasserie : « Quand on a ouvert le bar en 2021, le malt était à 60 centimes le kilo, là, il est à 1€. Les levures ont également augmenté, et les fruits ou légumes que l’on met dans nos bières ont pris jusqu’à 60%. Le loyer augmente également de 2 à 3 fois par an, le coût de l’électricité a été multiplié par 2,5 entre 2020 et 2023… Ça commence à chiffrer », résument Stéphane et David.

Bière
© Bastien Pietronave / Pokaa

Pour L’Établi, des éléments similaires sont avancés par Pol : « Pour la partie restauration, je me souviens qu’on achetait 90 centimes le litre d’huile de tournesol. Par la suite, il nous a coûté jusqu’à 2,20€… Et bien sûr, il n’y a pas que ça. Les softs ont pris entre 10 et 12%, et c’est un exemple parmi tant d’autres. »

Le patron évoque également la question des salaires. « En 2018, le Smic horaire brut de l’heure était à 9,82€, aujourd’hui, on est à 11,72€, donc on a 2€ de l’heure en plus pour chaque salarié. Au niveau de la masse salariale, c’est donc 20% de coût supplémentaire, si tout le monde est payé au Smic bien sûr, mais chez nous ce n’est pas le cas donc c’est encore un coût à ajouter. »

Bière
© Bastien Pietronave / Pokaa

Du côté du Café des Sports, qui, comme L’Établi, ne produit aucune bière, l’augmentation du prix d’achat des bières pour les consommateurs/trices se justifie de plusieurs manières.

« Forcément, les bières que l’on propose ont un coût plus élevé que les bières industrielles. Elles sont plus chères à produire pour les brasseries à cause du coût des matières premières, de la main d’œuvre, du temps pour les produire, et en plus, on achète en petite quantité, ce qui ne permet pas forcément de négocier les prix sur les volumes. Et comme toutes les brasseries avec lesquelles on travaille sont des PME, elles ont toutes des difficultés financières qui leur sont propres, et qui au bout du compte s’ajoutent à la facture. Dans notre situation, c’est-à-dire en bout de file, tous les coûts accumulés en amont nous sont imputés. Et puis, chez nous aussi, en interne, les coûts augmentent. »

Geoffray, Xavier et Pierre concluent : « Pour te donner un chiffre, rien qu’en coût de fonctionnement pour le bar, en 2023 on doit être à 15% de plus qu’en 2022, donc forcément ça bouge au niveau des prix sur l’ardoise. »

apéro bière planchette
@ Bastien Pietronave / Pokaa

Comment est fixé le prix de vente final des bières ?

L’équipe du Café des Sports évoque l’importance des marges, et selon elle, les prix finaux pour les client(e)s ne disent pas tout :

« Il faut bien comprendre que ce n’est pas parce que l’on vend une bière à un prix haut que l’on fait une forte marge. On peut décider de vendre des bières exceptionnelles à un prix élevé : 10, 12 voire 13€, mais les client(e)s ne commandent pas en majorité ces bières-là, ce n’est donc pas là-dessus que l’on fait des sous. Par contre, proposer ces bières si particulières, c’est le coeur de notre métier, c’est ce qui nous plaît, alors même si on fait moins de marge sur une craft que sur une pils allemande, on continuera à les mettre en avant. »

Pour poursuivre sur cette idée, l’équipe du Café des Sports nous explique qu’elle cherche à avoir 75% de marge sur ses ventes (comme la plupart des bars), mais elle n’y arrive pas toujours :

« Si on appliquait les marges souhaitées sur ses bières artisanales, elles seraient bien trop chères pour le consommateur final, donc on réduit une partie de notre marge. »

Bière
© Bastien Pietronave / Pokaa

Même son de cloche pour Pol du côté de L’Établi :

« Comme la plupart des bars, on cherche à avoir une marge de x4 (ou 75%), c’est-à-dire que globalement un produit qui nous coûte 1€ sera revendu 4€, mais ce n’est pas possible de marger de la sorte sur tout. Alors, pour que la carte respecte cette moyenne de 75%, il faut que tu lisses cette marge sur l’ensemble des produits vendus. Mais les bières artisanales sont tellement chères à l’achat pour nous qu’on sait qu’on va moins marger dessus, il faut donc que l’on rattrape ce manque à gagner sur la restauration par exemple, ou sur d’autres bières. »

« Concrètement, sur notre bière pils, on est plutôt à 78% de marge, et sur la plupart de nos crafts, on est plutôt à 68% ou à 65%. Si on prend l’exemple de la bière Groovy Bird, que l’on propose à 11,50€, on ne peut pas faire une marge pleine, sinon on devrait la vendre 14 ou 15€. »

Bière l’établi
L'Établi. © Bastien Pietronave / Pokaa

Selon Le Café des Sports, en 2022, leur marge a été de 69%, et cette année (2023), elle devrait être de 63%. Geoffray, Xavier et Pierre résument la situation.

« Cette année, c’est vrai, on rencontre plus de difficultés que précédemment, mais on ne se plaint pas. L’an passé, on n’a pas eu d’autres choix que d’augmenter un peu nos prix pour rester dans les clous. Concrètement, l’équilibre est fragile, car si on arrive à des prix trop élevés pour les consommateurs/trices, on a ce risque que les gens ne viennent plus, et crois-moi, on y pense tout le temps. Mais quoi qu’il arrive, on continuera à proposer des produits de qualité, même s’ils ont un certain coût, c’est notre philosophie, si on devait arrêter ça, on fermerait. »

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© Bastien Pietronave / Pokaa

Du côté de L’Établi, Pol achète des bières en direct à de petites brasseries, mais aussi à certain(e)s distributeurs/trices, le tout de manière très aléatoire, ce qui, selon lui, complique un peu la logistique et la décision tarifaire finale à appliquer au bar. Il ajoute : « Étant donné qu’on ne peut pas acheter nos bières avec un gros volume, on peut difficilement avoir des tarifs préférentiels, ce sur quoi les bars plus classiques jouent beaucoup pour réduire les coûts. »

Comme ses confrères, Pol évoque également la notion de marge : « Il faut savoir que sur ces bières crafts que l’on propose (quasi exclusivement), on fait beaucoup moins de marge que sur une bière de grande distribution. Leur coût de fabrication est évidemment plus élevé pour les brasseurs, et elles coûtent forcément plus cher à l’achat pour nous, et la différence avec une pils de soif est significative. »

boire bières
© Bastien Pietronave / Pokaa

« Mais le problème, c’est que toutes les bières ont augmenté, de la pils de soif à la craft la plus spécifique, ce qui nous amène à faire un vrai choix pour fixer les prix de nos bières au bar. Par exemple, on a une bière de soif à la carte qui est la Meteor, et même pour celle-ci, le prix d’achat a augmenté, selon moi de 16 à 17% (entre 2021 et aujourd’hui). Si demain, j’annonce que j’augmente le prix de la pinte de Meteor de 17%, le client pétera un câble, il ne comprendra pas. Alors, soit on répercute toutes ces augmentations que l’on subit sur nos prix de vente finaux, soit on rogne une partie de notre marge et on ajuste, c’est ce qu’on est amené à faire en ce moment. »

équipe Roue libre
La Roue Libre. © Bastien Pietronave / Pokaa

Le juste prix pour le bon produit ?

Finalement, est-ce que les prix élevés de certaines bières crafts sont justifiés ? Pour Le Café des Sports, la réponse est claire : « On propose des bières très particulières qui nécessitent un travail fou. Ce sont des produits qui peuvent s’apparenter parfois à du vin dans leur conception, mais dans la tête des gens, “c’est que de la bière”. Certains s’en fichent de payer un verre de vin 9 ou 10€, mais par contre une pinte à 9€ ça les fait souffler, c’est quand même étonnant. »

Les gérants rajoutent : « La bière, ce n’est pas seulement de la pils, je pense qu’il faut le comprendre. Et puis c’est con, mais chez nous, on a un vrai service qui accompagne le produit. On t’explique les spécificités et la provenance de chacun d’entre eux, on te parle de celles et ceux qui les produisent. Alors oui, certains produits ont un prix, mais lorsque l’on voit le travail qu’il y a derrière, on comprend pourquoi. Par exemple, en ce moment, on bosse avec une nouvelle brasserie qui fait une bière avec des levures très particulières. C’est une bière rare, difficile à produire et à trouver, alors forcément elle a un coût. On est fier de proposer ces produits-là, c’est pour les dénicher et les faire goûter au public que l’on fait ce boulot ! »

Ce travail fastidieux, nécessaire à la création de bières artisanales de qualité, semble parfois méconnu des consommateurs/trices, comme le raconte l’équipe de la brasserie Roue libre :

« Quand tu vas dans des bars plus grand public ou des restos, personne n’a de scrupule à payer des pintes dégueulasses industrielles à 7 ou 8€, et là-dessus, les marges sont délirantes. Nous, on est des producteurs de bières, des artisans, et on aime ce qu’on fait, c’est pour ça qu’on continuera à proposer des bières de qualité qui nous font kiffer. Et puis, à quelques exceptions près, on a presque réussi à garder nos prix d’avant, alors vraiment, on n’a pas à se plaindre. »

Au-delà de la notion de travail et d’artisanat, pour les gérants interrogés, la qualité a un coût.

« Tu vois ce gigantesque bar près des Halles où ils ont 90 tireuses, dont je ne citerai pas le nom. Là-bas, ils bossent qu’avec de gros industriels. Ils achètent des milliers de litres à des grosses marques internationales dont le coût de production est ridicule, ils font des économies d’échelle folles car ils achètent en gros volume, et finalement les prix de vente au bar ne sont pas beaucoup plus bas qu’une bière artisanale, mais personne ne trouve ça trop cher », explique Pol de L’Établi, avant de poursuivre :

« De l’autre côté, tu as Bendorf par exemple. Ils font tout en local, ils ont des coûts de logistique et de production élevés, ils mettent des matières premières de qualité (et en quantité), ils produisent en petits volumes… ça chiffre ! Alors oui, forcément, les coûts sont plus élevés chez l’artisan, mais c’est au service d’une chose primordiale : la qualité ! C’est l’artisanat contre les grosses industries, et il y a encore du chemin à faire pour les consommateurs/trices. »

Bière
© Bastien Pietronave / Pokaa
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© Bastien Pietronave / Pokaa

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Commentaires (11)

  1. C’est triste. Cette inflation que l’on subi depuis 2019 est injustifiée. C’est juste que les premiers sur la chaîne du commerce veulent plus d’argent tout le temps sans raison. Le système économique est mort depuis longtemps.

  2. Tant qu’il y a des clients prêt a payer ce prix …pour ma part , y a de très bonnes bière , indus ou craft beaucoup moins cher ….a ce prix je consomme pas.

    C est surtout la vague bobo strasbourgeois qui fait grimper les prix 🤣

  3. Je ne sais pas où vous avez trouvé vos taux de marge… tu achètes à 1€ et tu vends à 4€ ça fait 400% et certainement pas 75% 🤥

    • @ Nicolas Kaspar, donc ce n’est pas un taux de marge. C’est bien une taux de marque ou la part de la marge. Beaucoup de gens font cette confusion et cela est dangereux dans la gestion des entreprises. Mais le lien est très clair.

    • Pour ce qui est du taux de marge, il est de 300%. Mais ce n’est pas le bon indicateur ; là on parle bien de la marge réalisée sur le prix, avec un taux de 75%. Donc le taux donné reste correct 🙂

    • Le taux de marge c’est la marge/prix d’achat
      Le taux de marque c’est la marge/prix de vente
      Lequel de ces deux indicateurs est le plus pertinent ? Aucun car ils ne sont utiles que si l’on considère la marge globale sur toutes les bières servies ce qui permet de faire varier les prix en offrant une plus grande variété de produits par expl : en cas de hausse des charges limiter une hausse sur une bière très demandée et peu chère et du coup ne pas augmenter une bière plus rare et plus chère pour faire évoluer le clientèle. C’est le principe de substitution : il définit à terme la spécificité du bar /concurrence.

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