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« C’était irréel » : retour sur un week-end historiquement tendu dans le centre-ville de Strasbourg

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Strasbourg s’est embrasée ce week-end suite à la mort du jeune Nahel, 17 ans, tué par un tir de policier après un refus d’obtempérer lors d’un contrôle routier à Nanterre. La tension entre les jeunes et la police est montée, notamment dans le centre-ville strasbourgeois qui était encore méconnaissable dimanche soir, entre commerces fermés et habitant(e)s sous le choc. Récit de trois jours complètement inédits à Strasbourg. 

Ce vendredi 30 juin vers 14 heures, plusieurs groupes de jeunes, composés en grande majorité de mineurs, ont investi le centre-ville de Strasbourg. Plusieurs centaines d’entre eux se sont retrouvés devant le centre commercial Les Halles, suite à un appel qui tournait sur les réseaux sociaux depuis la veille. Par craintes de dégradations, le centre a fermé entièrement ses portes en plein après-midi.

Des policiers sont rapidement déployés devant le bâtiment et la tension monte entre les jeunes présents et force de l’ordre. Ce sont les premiers tirs de gaz lacrymogènes qui lancent le début des hostilités.

Le jeu du chat et de la souris commence et les jeunes effectuent des aller-retour entre la place des Halles et l’arrêt Langstross, en passant par la place Kléber. Entre tirs de mortiers et vitrines brisées à coup de pavés d’un côté, gaz lacrymogène et tirs de LBD de l’autre.

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© Mathilde Cybulski

On assiste alors à de nombreuses scènes de panique chez les passants, des mouvements de foule créés par les jeunes fuyant les gaz lacrymogènes. Tout le monde court un peu dans tous les sens. Certains s’éloignent prudemment, d’autres s’abritent sous l’auvent d’une boutique fermée, histoire d’observer avec curiosité la suite des événements.

Comme nombre de ses voisins, Stefano, étudiant de 23 ans, dégaine son smartphone : “Je filme parce qu’on ne sait jamais ce qui peut arriver, une bavure, ou quoi. On a vu que c’était crucial de filmer aujourd’hui“.

La boutique Apple de la place Kléber est vandalisée. Après avoir brisé la vitre, plusieurs jeunes s’engouffrent dans le magasin et repartent avec un iPhone ou un Mac : Je comprends la colère, ce petit n’aurait pas dû mourir comme ça, commente Axelle, Strasbourgeoise de 42 ans, en tenant fermement la main de son fils de 6 ans, pendant que résonnent des pétards quelques rues plus loin. Mais pourquoi s’en prendre à ceux qui n’ont rien à voir avec ça ?” 

D’autres commerces à proximité sont eux aussi dégradés et pillés, comme l’enseigne Zara, le Footlocker, la boutique Lacoste. À l’arrêt près de la place Kléber, une voiture de police est même vidée de son contenu. Sur leur passage, certains détruisent également les bornes CTS de la station de tram Homme de Fer.

Plus loin, un homme interpelle une bande. “Pourquoi vous faites ça ? Répondez-moi, pourquoi ?” Les premiers, plus jeunes, l’ignorent et continuent leur chemin. Le dernier, la vingtaine, se retourne et lui rétorque :

“‘- Vous êtes pas au courant Monsieur ? Ils ont tué un jeune !

– Oui, je sais, et croyez moi je comprends bien votre colère mais pourquoi..

– Monsieur, vous avez peur que vos enfants se fassent tuer par la police à chaque fois qu’ils sortent ? 

– Non, mais je ne vois pas en quoi…

– Alors vous comprenez pas.

Deux heures plus tard, la place Kléber, où la majorité des échanges de projectiles entre jeunes et policiers ont eu lieu, est quasiment désertée. Des débris de mortiers jonchent le sol. Un feu de poubelle est allumé rue des Francs-Bourgeois, mais semble marquer la fin des hostilités. La situation retourne plus ou moins à la normale vers 18 heures.

Le soir : un rassemblement en hommage à Nahel malgré l'interdiction

Suite à ces scènes de violences en plein centre-ville, la Préfecture annonce l’interdiction de manifestation dans une large zone comprenant l’ensemble de la Grande Île. Alors qu’un rassemblement en hommage à Nahel était prévu à 20h place Kléber, celui-ci est de fait, annulé. 

Pourtant vers 20h, ils sont nombreux à se retrouver comme prévu sur la place. Au bout de quelques minutes, la foule amoncelée autour de la statue du général Kléber entend les grésillements d’un haut-parleur. Environ 300 personnes sont déjà présentes, mais, au fur et à mesure, la foule grossit encore.

Dans le haut-parleur, un policier prend la parole depuis l’autre bout de la place : Mesdames et Messieurs, je vous informe que la préfecture du Bas-Rhin a interdit les manifestations sur le secteur depuis 19 heures. Je vous invite à vous disperser puisque vous formez un attroupement”. La réaction du groupe ne se fait pas attendre : huées et chants hostiles à l’encontre des policiers. “On ne bougera pas d’ici !”, “Justice pour Nahel !” 

Les manifestants tiennent tête. De chaque côté de la place, une centaine de policiers s’alignent et se préparent à intervenir.

L’action des policiers se déroule dans un certain calme. Les contestataires seront plus ou moins dispersés dans les rues du centre. Ne subsistera qu’un groupe d’une centaine de personnes place d’Austerlitz, lui aussi dispersé dans le calme environ une heure plus tard. La soirée aura finalement été largement moins tendue que la journée.

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© Mathilde Cybulski

Un week-end troublé et des commerçants prudents et en colère

Multiples incendies, notamment sur des établissements scolaires, voitures renversées et brûlées, dégradations : le week-end n’a pas été de tout repos à Strasbourg. Dimanche matin, la Préfecture comptabilisait 24 véhicules incendiés et 13 interpellations dans la nuit entre samedi et dimanche. Moins que la nuit précédente, durant laquelle 54 voitures avait été brûlées et 22 personnes interpellées.

C’est donc dans un état un peu second et complètement inédit que Strasbourg a passé le week-end. Beaucoup d’habitant(e)s se disent choqués.

Elisabeth Meyer, 63 ans, raconte par exemple être restée “barricadée” chez elle, au 3e étage d’un immeuble de la rue. “Ça fait 45 ans que je vis dans mon appartement et je n’ai pas souvenir d’avoir vu Strasbourg dans cet état. Ni entendu : toutes les 5 ou 10 minutes, une explosion de pétards, des cris après les gaz lacrymo. C’était irréel. Et l’ambiance aujourd’hui est bizarre, j’ai l’impression que personne n’ose se remettre à vivre normalement.”

Sans tram ni bus dès la mi-journée, et traversée de hordes de policiers, la ville était loin de son foisonnement habituel un samedi d’été.

De leur côté, les commerçant(e)s ont également été fortement secoués par les évènements de ces derniers jours. À l’image de Cetim Kocer, marchands de sacs à main sur la place Kléber, beaucoup d’entre eux sont partagés entre l’urgence de mettre leurs produits en sécurité, l’incrédulité et surtout, la colère :

Ça fait trois ans que je suis ici, il y a toujours des manifestations mais le business peut continuer, retrace-t-il tout en rangeant des piles de porte-monnaie en hâte dans son camion. Là, c’est impossible. Personnellement je n’ai pas eu de dégâts, pas encore, mais la clientèle s’enfuit, les gens ont peur. C’est très mauvais pour le chiffre d’affaires.” 

Samedi, l’association les Vitrines de Strasbourg avait recommandé à ses adhérents du centre-ville de ne pas ouvrir “par précaution”. Certains cafés ont ouvert tout en gardant leur rideau métallique fermé, tandis que des enseignes comme Zara ou Apple se sont barricadées à l’aide de cartons ou de planches de bois. 

Si la journée de samedi fût finalement moins tendue que la veille, l’impact sur les commerçant(e)s reste conséquent. Il s’agissait en effet du premier jour des soldes d’été, traditionnellement l’un des plus dynamiques de l’année pour les boutiques du centre-ville.

Dans un communiqué envoyé le 30 juin, la Maire de Strasbourg incite à l’apaisement : “Si je comprends l’émotion vive, la colère et l’indignation qui traversent le pays suite au décès du jeune Nahel, en revanche, aucune violence n’est acceptable. Le calme doit revenir. Je réitère mon appel à l’apaisement, à manifester pacifiquement en soutien et solidarité aux proches de Nahel.” De son côté, la Préfecture continue de renforcer son dispositif de sécurité. Pour l’instant, la suite des évènements est difficile à prédire. 

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© Mathilde Cybulski

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