Impossible de passer à côté du révolutionnaire Chat GPT dans le système éducatif. L’Université de Strasbourg a été forcée à s’emparer du sujet après que 135 étudiants de la fac ne trichent à l’aide de cette intelligence artificielle pour un examen et soient démasqués. Que pensent les lycéen(ne)s et leurs enseignant(e)s de ce nouvel outil ? On est allés leur poser la question.
Chat GPT comptabilisait 4 milliard de visites en avril 2023 depuis son lancement en novembre 2022, selon les données de Similarweb pour Les Echos. Son succès s’explique en partie par la quantité de connaissances de cette intelligence artificielle. Elle puise son savoir dans les livres, internet, des articles de presse… Au total, elle a été entraînée sur 500 milliards de mots selon Pierre-Carl Langlais, Docteur en sciences de l’information et de la communication.
Pour apprendre à connaître cette intelligence conversationnelle et (une infime partie de) ses facultés incroyables, il suffit de lui demander de se présenter :
« Au lycée, tout le monde utilise les intelligences artificielles »
Clara, Célia et Louna, sont toutes trois élèves en classe de première dans le Bas-Rhin, respectivement en filière générale pour la première et technologique pour les deux autres.
« Dans mon lycée, je crois que je ne connais personne qui n’utilise pas Chat GPT. Ça s’est répandu à fond. Avant l’affaire des étudiants de la fac qui avaient triché en février 2023, on était déjà assez nombreux à connaître l’IA. » constate Clara.
Célia et Louna utilisent elles aussi très fréquemment l’outil, couplé à My AI, l’intelligence artificielle développée par Snapchat. Louna explique : « ça m’aide à répondre à des questions, ou même, ça me fait mes devoirs. Ça me le fait assez rapidement, quand j’ai la flemme ça m’arrange beaucoup. ». Célia, elle aussi confie l’utiliser « surtout quand mes idées sont floues et que je ne sais pas de quelle manière les rédiger, mon temps de travail est divisé au moins par deux. »
Ce n’est pas vraiment une surprise pour Hélène, enseignante en Physique-Chimie au Lycée Fustel de Coulanges « J’ai connu l’existence de Chat GPT assez tôt, je suis sur un groupe d’enseignants sur Twitter qui suit de près les évolutions technologiques. C’était tout de suite assez évident que les élèves allaient commencer à l’utiliser. ». Selon elle « Le monde change et depuis un moment déjà, la connaissance n’est plus uniquement apportée aux lycéens par les profs. »
« On peut utiliser Chat GPT de façon très intelligente, comme un outil parmi d’autres »
Les intelligences artificielles permettent à Clara de booster ses notes et grappiller des points en plus sur sa moyenne : « Je lui fais reformuler certaines phrases ou même ajouter des références littéraires. » C’est aussi un gain de temps considérable : « Une dissertation que tu faisais en 2 heures, tu pourrais maintenant la faire en une demi-heure. Tu lui demandes de rédiger un plan, l’intro et la conclusion, et tu n’auras plus qu’à reformuler, retravailler la structure et rédiger l’intérieur de la dissert’ ».
Clara utilise parfois un dérivé de Chat GPT, Bot Nation, qu’elle a eu à mettre en pratique récemment « J’ai du créer un exposé sur un journaliste influent et son article le plus célèbre. J’ai choisi de le faire sur Hugo Clément et j’ai décidé de poser la structure de base avec une intelligence artificielle. »
Le résultat est bluffant, la syntaxe est bonne, l’orthographe l’est tout autant. Sauf que… L’intelligence artificielle a attribué cet article à tort à Hugo Clément. L’abattoir d’Alès a fermé ses portes en octobre 2015. Et le journaliste n’a pas travaillé pour Society. Compliqué donc de vouer une confiance aveugle à ces outils.
Quand on présente à Delphine, prof d’anglais en Alsace, la façon dont les lycéennes interviewées utilisent les IA, elle semble étonnée. Elle concède cependant qu’ « on peut utiliser Chat GPT de façon très intelligente, comme un outil parmi d’autres. Comme pour les sous-titres sur les séries. Si lorsqu’on lit un mot, on comprend la façon dont il se traduit à l’oral en anglais, on a tout gagné ! »
Mais Chat GPT n’a pas encore remplacé le travail des lycéens. Hélène argumente : « pendant les examens, les élèves n’ont pas internet à priori, donc ils ne peuvent pas utiliser tout le temps les IA en cours. »
« C’est plus grand que moi, je ne sais pas comment réagir »
Delphine reconnait que nombreux enseignants qu’elle croise en salle des profs craignent les conséquences que peuvent avoir de tels outils sur leur travail : « C’est difficile de discerner sans recul s’il s’agit d’une bonne ou d’une mauvaise chose. On se croirait un peu dans Independance Day, quand l’ovni débarque sur la terre. » Les profs se disent : « C’est plus grand que moi, je ne sais pas comment réagir ».
Hélène argumente : « Chat GPT ne me fait pas craindre pour les élèves, je trouve que l’école a plus de mal à s’adapter aux changements de la société qu’eux. Je trouve ça tant mieux s’ils arrivent à les utiliser pour obtenir leur orientation avec Parcoursup, par exemple. »
Les deux enseignantes n’ont pas reçu de formation ni de consignes de la part du Ministère de l’éducation. Delphine déplore que sur cette question de société, « les profs ne sont pas accompagnés pour faire un pas de côté, ni même formés pour faire face au à ces changements »
Chat GPT et ses dérivés n’ont donc pas fini de questionner dans le milieu éducatif. Interdire son utilisation, ou au contraire, accompagner les élèves pour une maîtrise plus raisonnée ? Sciences Po s’est officiellement emparé du sujet et a annoncé l’interdiction d’utiliser cette technologie pour la “production d’évaluations écrites ou orales”, dans le cadre de sa charte anti-plagiat” en février 2023.
