Il y a quelques jours, on s’est rendu dans la cave du Fat pour assister à une soirée du Plato Comedy Club, l’un des rendez-vous stand-up les plus courus de la ville. Après Fanny Ruwet, Baptiste Lecaplain, Julien Santin ou encore Roman Frayssinet, c’était au tour d’Alexandre Kominek, un pilier de la scène comique parisienne, d’être à l’affiche de cette soirée et de nous faire marrer. Après son show, il nous a accordé une petite interview.
Alexandre Kominek, c’est l’un des jeunes cadors de l’humour francophone. Un humour cinglant et pas très catholique qui n’épargne personne, surtout pas lui, et c’est ce qui fait toute la différence.
Originaire d’un pays frontalier de la France où le SMIC est à 4 400 euros, le jeune humoriste de 33 ans au rire si reconnaissable a gravi à l’ancienne les marches du stand up, en se produisant d’abord dans de petites salles locales, jusqu’à arriver sur les planches du Montreux Festival puis du Jamel Comedy Club en 2017.
Un an plus tard, en 2018, il lance son spectacle Bâtard Sensible, puis il apparaît dans la mini série 6 Fois Confinés sur Canal+ aux côtés de Vincent Cassel et de Ludivine Sagner.
Depuis, Alexandre Kominek s’est produit dans plusieurs théâtres parisiens, et il est également devenu l’un des humoristes chroniqueurs incontournables de La Bande Originale, l’une des émissions phare de France Inter que l’on retrouve toute la semaine à partir de 11h.
Après son spectacle dans la cave encore moite du Fat, où le public du Plato était un poil trop chaud, il nous a accordé une mini discussion étonnamment intime.
Le public était sacrément impliqué ce soir, comment tu as vécu ta soirée ?
Franchement, c’est déjà la troisième fois que je joue à Strasbourg, et je trouve que le public est très chaud. Déjà hier soir, pour la première représentation, on était moites, mais ce soir, les gens étaient encore plus chauds, même un peu trop chauds par moment ! Dans le fond, ça s’agitait pas mal, et ça faisait des allers-retours au bar, mais même si c’est parfois bien casse-couille, il faut le gérer.
Quand tu joues dans des lieux comme celui-ci, tu as un maximum d’intimité, alors forcément, certains se permettent de t’interpeler pendant que tu joues ou de circuler comme chez eux, chose qu’ils ne feraient pas au théâtre, mais c’est le jeu.
Et puis, c’est toujours un plaisir de venir ici, j’ai commencé dans ces endroits-là, donc c’est forcément important pour moi… Même si ça me fait dire que ma carrière n’a finalement pas trop évolué.
Tu peux nous décrire ton humour en quelques mots pour celles et ceux qui ne te connaissent pas ?
Un humour énergique et érotico-pornographique.
Est-ce que tu peux me dire un truc qu’on ignore sur toi, un truc mignon par exemple ?
Je sais qu’après avoir vu mon spectacle, on peut en douter, mais je suis un putain de grand romantique. En fait, dans mes spectacles, j’utilise un personnage de dominant-dominé, je joue un personnage macho qui fait le malin, mais à la fin c’est toujours moi qui me prend une carotte, et ça rebat les cartes.
En fait, je pense qu’on comprend vite que je ne suis pas réellement comme mon personnage, et plus on le comprend rapidement, plus ce côté arrogant qui ressort beaucoup dans mes spectacles passe au second plan. Bien sûr, j’ai eu quelques personnes au début qui n’accrochaient pas trop avec ce que je racontais, et elles me faisaient des réflexions sur des sujets graves, mais je pense que ça arrive à tous les humoristes.
Mais si tu écoutes attentivement, et que tu fais attention à tous les aspects de mon spectacle, tu te rends compte que tout le monde en prend pour son grade, et surtout moi, alors ça détend.
Les hommes, les femmes, les machos, les féministes, je parle de tout le monde, et chacun prend des taquets, alors au final personne n’est vexé, enfin en principe. Par contre, dans mon spectacle, quand je dis qu’un mec me retourne et m’embrasse de force, tout le monde s’en tape, surement parce que je parle de moi, alors personne ne crie au scandale, faudrait se pencher là dessus je crois.
Mais ce qui est certain, c’est que l’on peut évoquer tous les sujets, même les plus difficiles, tant que c’est pas totalement gratuit, et il faut que ce soit au service de l’humour et pas de la moquerie. Mais évidemment, il faut que ce soit dans un cadre.
Dans mon spectacle, il y a toute une construction en amont qui me permet de dire de la merde à des moments précis. Si j’inverse le déroulé de mon spectacle, et que je mets les sketchs de la fin au début, le public va se dire que c’est vraiment chaud. Il faut les amener doucement là où j’ai envie de les amener.
Comment tu expliques que ton humour remporte un tel succès aujourd’hui ?
Parce que les gens en ont marre de la bienveillance ! À la base, l’humour n’est pas fait pour être bienveillant. Les mecs qui ont commencé le stand-up il y a très longtemps, comme Lenny Bruce dans les années 60, créaient plus de malaises que de rires, ça choquait, mais il y avait tellement de violence dans ce monde que ça leur faisait du bien.
Il y a encore quelques années, je pense que le stand-up était un peu plus léger, et le public venait beaucoup pour cette légèreté là. Mais aujourd’hui, pour ma part en tout cas, je suis devenu le plaisir coupable d’un public qui veut se lâcher. C’est marrant, des fois, des mecs rentrent dans mon théâtre le col relevé, comme à l’époque des vidéos clubs lorsqu’ils venaient chercher une cassette de cul, je suis vraiment devenu leur plaisir coupable.
Ton spectacle s’appelle Bâtard Sensible. Est-ce que le fait de se déclarer "sensible", justement, ne te permet pas d'aller encore plus loin dans le "bâtard" ?
C’est trop facile d’être juste un enculé, vraiment. Je trouve ça trop gratuit d’être simplement le gros bâtard qui vient juste sur scène pour tailler. Moi, j’ai justement recherché l’entre-deux. Quand tu viens me voir, j’ai envie que tu te dises “ohlalaaa le gros bâtard”, et que quelques secondes plus tard, tu comprennes que je ne suis pas le gros con que tu imaginais.
Mon perso parait au départ très fier et très sûr de lui, mais justement ce côté dominant dominé dont je te parlais brouille les pistes et me donne finalement une très bonne excuse.
C’est quoi ton plus gros kiff sur scène ?
C’est lorsque le public chiale littéralement de rire, quand les gens enlèvent leurs lunettes pour s’essuyer les yeux, ça me procure des sensations de fou et j’ai envie que ça continue et que les gens soient morts de rire. J’aime tellement ça que généralement, quand je joue dans de petits théâtres, je dis au revoir à chaque personne en partant, juste parce que j’ai envie de voir leurs têtes.
Et en plus, j’ai un public très éclectique, des gens de 20 ou de 70 ans, et quand les gens sortent, ils semblent vraiment heureux et ce sont à chaque fois des émotions différentes. Ils me disent parfois merci et c’est un tel kiff ! J’ai une dame de 65 ans à Lyon récemment qui m’a dit qu’elle avait l’impression d’avoir 20 ans, et ce genre de chose me procure énormément de plaisir.
Tu as commencé il y a dix ans : qu’est ce qui te rend le plus fier aujourd’hui ?
Le fait de ne pas avoir lâché, d’avoir pris des risques et d’avoir été jusqu’au bout, chose qui n’était vraiment pas gagnée d’avance. En fait au départ, je me suis foutu dans une sacrée galère.
En Suisse, on a beaucoup de frais, et au fil des années, j’ai emmagasiné beaucoup de dettes, comme l’assurance-maladie à 500 balles par mois, j’ai donc dû faire des choix. Est-ce que je prends un billet de train pour Paris, est-ce que je paye mon assurance ? J’ai accumulé beaucoup de stress aussi et c’était pas facile.
Aujourd’hui, quand je pense à tout ça, même s’il y avait des moments difficiles, je suis fier de moi parce que je n’ai rien lâché. Quand on se lance dans un truc mon gars, il faut pas le faire à moitié, et moi je me suis pas menti. Au départ, je ne me trouvais pas légitime, je pensais qu’il fallait que je trouve un taff normal, et à 23 ans, j’ai eu un déclic, je me suis dit : mais putain arrête de te mentir, vas-y !
Tu te souviens de ce déclic ?
J’ai eu un stress avec la vie. Ma mère est artiste peintre, elle travaillait en Pologne où elle a fait les Beaux-Arts, et quand elle est arrivée en Suisse, elle a du travailler comme une ouf pour se mettre en sécurité et nous avec.
Je voulais pas de sa vie, et là je me suis dit que si je donnais pas tout pour éviter ce genre de schéma, j’allais finir à 45 balais avec une meuf et deux gosses à me dire : aller, je plaque tout, je commence l’impro. Moi cette motivation, je l’ai eu il y a dix ans et, je me suis bougé pour de vrai.
Petit clin d’œil : il y a quelques mois, un humoriste que l’on aime beaucoup, Julien Santini, était à ta place ici au Plato. Lorsque je lui ai demandé « Quel est l’humoriste francophone qui te fait le plus kiffer ? », il m’a répondu Alexandre Kominek. Est-ce que tu as un petit mot pour lui ?
Je l’adore, je l’aime pour de vrai et il le sait. C’est un véritable OVNI, et en plus de ça, c’est une crème, et je ne dis pas ça parce que le métier…machin. C’est le GOAT, vraiment, il a besoin de rien pour faire rire, et ça le rend encore plus talentueux.
Ce qui est fou avec Julien, c’est qu’on a deux personnalités complètement différentes. Il est tout chou, tout gentil, que ce soit dans la vie ou à côté, et avec moi, vu que je suis un peu son opposé, il se permet de faire sortir son petit diable et je trouve ça génial. C’est sincèrement un mec que j’adore et j’espère qu’il ira loin, très loin.