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Créer du lien en marchant : on a participé à une rando interculturelle dans les Vosges

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Chaque week-end, l’association Respir organise des randonnées sportives, interculturelles et solidaires au départ de Strasbourg.  En sillonnant les Vosges, les participants créent du lien : qu’ils soient réfugiés, étudiants précaires ou “personnes-ressources”, tous rentrent chez eux certes courbaturés, mais forts d’une expérience hors-norme.

En ce samedi de novembre, le rendez-vous est fixé à huit heures vingt à la gare de Strasbourg. Il fait frais et pour ne pas mentir, l’horaire pique un peu après un vendredi soir sous le signe du Riesling. Mais le sourire et la motivation des randonneurs présents sont communicatifs, donc on se dit que ça va bien se passer.

Parmi les participants -une vingtaine ce jour-là-, plusieurs viennent pour la première fois. Après un trajet en train et un autre en car, on arrive à Niederbronn-les-Bains. C’est le point de départ de la randonnée. Brigitte, l’organisatrice, réunit le groupe en cercle tout en prenant soin de placer ce petit monde sous un rayon de soleil bienvenu. Chacun se présente et le moins que l’on puisse dire, c’est que le groupe est varié.

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Tandis que Brigitte introduit la randonnée du jour, la traduction s’organise : Hamza se porte volontaire pour traduire aux arabophones ; Borhan, tourné vers les Afghans, parle pachtoune ; Liliia retranscrit tout à sa mère en ukrainien. Lorsque Hamza bloque sur un mot qui diffère selon les dialectes arabes, Ly arrive à sa rescousse et termine la traduction en anglais. Tout le monde comprend vite le principal : la rando fera dix-sept kilomètres, on reste en groupe, on ne jette rien par terre et on prête toujours attention aux autres. La marche peut commencer.

randonnée solidaire
© Martin Savail

“Ce projet permet de déconstruire des préjugés et de connaitre la situation d’autres gens”

Brigitte  est étudiante lorsque, fraîchement débarquée de la capitale, elle s’installe à Strasbourg. Très vite, ses amis lui font découvrir le vaste terrain de jeu que sont les Vosges et elle développe une passion pour la rando. Plusieurs années plus tard, alors qu’elle donne des cours de français dans une asso qui aide les demandeurs d’asile, elle se rend compte que les usagers partagent un vrai besoin de lien social et que l’isolement des réfugiés se traduit aussi par une absence quasi-totale d’activités.

En septembre 2019, elle convie alors des amis et quelques réfugiés à partager une journée de randonnée dans les Vosges. L’expérience est une réussite. En 2021, elle fonde l’association Respir qui a pour but de faire perdurer ce projet.

Aujourd’hui, l’association compte quelques 300 adhérents et est soutenue par le Crous ainsi que la Ville de Strasbourg. Parmi ses adhérents, beaucoup de réfugiés bien-sûr, mais aussi des étudiants isolés et/ou précaires, des habitants de quartiers prioritaires, et ce que Brigitte appelle des “personnes-ressources”. Ce sont ceux qui ne sont pas dans une situation de difficulté particulière. Elle explique : “Pour ces personnes, ce projet permet de déconstruire des préjugés et de connaitre la situation d’autres gens. Cela permet de créer du lien et d’être ainsi dans une démarche d’inclusion et d’intégration.”

Et la réussite du projet réside dans l’équilibre numéral – toujours maintenu depuis le début- entre participants en difficultés et personnes-ressources : réciprocité dans l’échange et enrichissement mutuel sont ainsi garantis. Aussi, l’aspect sportif bouscule les relations qui peuvent se développer entre les participants : “Au fur et à mesure de la rando, les places vont changer : des gens qui ne le sont pas d’habitude vont se retrouver à une place d’aidant, vont encourager les autres. Ça développe aussi le sens de l’effort et de la réussite collective pour l’ensemble du groupe. Avec la rando on est tous à la même place, face aux mêmes difficultés. Dans ce projet, on casse un peu les places sociales habituelles de chacun.

“On a compté, il y a six langues différentes aujourd’hui”

Dès le début de la randonnée, les participants se mélangent spontanément. Liliia, à l’aise en français, discute avec Guillaume. En avril dernier, elle a quitté l’Ukraine avec sa mère, Iryna. Lui, il est Alsacien et n’a jamais habité plus loin que Nancy, le temps de deux années d’études. Tandis qu’ils appréhendent ensemble la montée du Grand Wintersberg, elle lui raconte son ancienne vie : son métier d’artiste marionnettiste, le début de la guerre et la fuite.

A un moment, elle s’arrête net : sa mère – qui marche quelques mètres devant – est en pleine discussion avec Yousif, un Soudanais arrivé en France il y a tout juste deux mois. “Mais comment ma mère peut-elle parler avec un Africain ? Elle ne parle que l’ukrainien et le russe.”

randonnée solidaire
© Martin Savail

Lors d’une première pause, Hamza interrompt sa discussion avec un des Afghans et se tourne vers Brigitte : “On a compté, il y a six langues différentes aujourd’hui”. Brigitte émet quelques doutes : beaucoup d’arabophones ont d’autres langues et dialectes propres à leur pays. Hamza, c’est la première fois qu’il participe à ces randonnées. Venu de Tunisie pour des raisons professionnelles, il est à Strasbourg depuis le mois de mars.

Pour lui, c’est surtout un moyen de rencontrer du monde : “Je suis arrivé à Strasbourg en ne connaissant personne. Je faisais beaucoup de randonnées en Tunisie, mais tout seul. Je me suis dit que c’était l’occasion d’essayer en groupe. Et puis je parle trois langues, donc je peux aider en traduction !”.

Vient ensuite le moment où l’on se dit que Brigitte ne rigolait pas du tout lorsqu’elle insistait sur l’aspect sportif : la montée se poursuit et les cuisses commencent à chauffer bien comme il faut. Tout à coup, Liliia rit bruyamment. Elle se tient aux côtés de Yousif et de sa mère : “Il avait passé quelques années en Russie, je comprends mieux !”. Guillaume sourit. Le mystère est donc résolu.

randonnée solidaire
Iryna et Liliia © Martin Savail

Des randos... mais pas que !

Depuis les premières randonnées, ce sont environ 600 personnes qui sont passées par l’association pour marcher ensemble. En plus des sorties hebdomadaires, Brigitte organise un week-end tous les deux mois : “On dort en refuge, ça donne vraiment l’impression de partir en voyage. Pour beaucoup de personnes c’est la seule chose qu’ils ont qui se rapproche de vacances.”

Mais l’association propose aussi d’autres activités occasionnelles : canoé, escalade, accrobranche ou encore sorties culturelles. Et chaque année, à l’occasion de la semaine des réfugiés à Strasbourg, elle expose les plus beaux clichés pris lors des randos : “des photos des randonneurs par les randonneurs”.

Si Brigitte souhaite inviter davantage d’étudiants à rejoindre l’association, Marie-Aude, une des personnes-ressources, attire notre attention sur la proportion femmes-hommes dans le groupe. Toutes deux rapportent leur désir de voir grandir la part de femmes au fil des randonnées.

En plus de créer du lien, Respir favorise l’insertion dans la société : “En cas de besoin, on peut mobiliser notre réseau pour y répondre : ce peut être administratif, juridique, relatif aux soins, à hébergement, à des cours de français, des formations, etc”. Quant à lui, Yousif voit dans ce projet une opportunité pour progresser en français : “Ça m’aide beaucoup. Je suis en France depuis seulement deux mois donc je débute en français, mais ici je peux parler avec les autres”.

“Marcher dans la nature c’est tellement universel que tout le monde s’y retrouve"

La pause déjeuner (tant attendue) est un nouveau prétexte à la rencontre. Iryna fait un tour du groupe avec un sachet de madeleines et Matthieu propose du thé. Ce quinqua, cadre d’une grande entreprise, participe aux randos depuis 2019. Aujourd’hui, il est venu avec son fils, Simon. Pour lui, c’est en grande partie le cadre vosgien dans lequel le groupe évolue qui aide à transcender les différences : “Marcher dans la nature c’est tellement universel que tout le monde s’y retrouve, qu’on soit Strasbourgeois ou Afghan. Et puis c’est une activité dynamique, on passe d’une personne à l’autre sans contrainte”.

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© Martin Savail

A quelques pas de là, Borhan détaille le périple qui l’a amené jusqu’aux randonnées interculturelles. Son arrivée en métropole en 2016 est l’aboutissement d’un long voyage… à l’image de Marwan, qui, après avoir quitté la Palestine pour le Brésil, est passé par la Guyane pour atteindre l’Europe. Borhan, lui, a fui l’Afghanistan. Il nous raconte la traversée de l’Iran, les passeurs en Turquie qui l’ont lâché un jour, tout seul sur une aire d’autoroute. Et évidement la Méditerranée, les vagues et le bateau bien trop rempli. A Paris, il se retrouve dans un centre et apprend un jour qu’il va devoir bouger à Strasbourg : “J’ai regardé sur internet, j’ai trouvé ça joli”. Et depuis, il participe à presque chaque randonnée.

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Borhan © Martin Savail

De leur côté, Simon et Guillaume répètent “Châtaigne !” à Iryna, qui en a ramassé pas mal. Et visiblement, elle aime beaucoup les châtaignes, Iryna, et elle a bien envie d’en cuisiner en rentrant. Alors assez spontanément durant la descente de la montagne, chacun lui ramène les châtaignes qu’il trouve sur le chemin. La barrière de la langue n’entrave rien lorsqu’il s’agit de telles intentions.

Il y a ainsi quelque chose de très pur et universel à voir l’un des gars du groupe, qui a pris un des derniers avions au départ de Kaboul lors de la prise de pouvoir des Talibans, se retrouver un samedi de novembre sur les hauteurs de Niederbronn-les-Bains, à farfouiller les feuilles mortes pour qu’Iryna, qui a fui les bombes russes, puisse s’enfiler des marrons chauds au dîner.


Pour participer à une randonnée sportive, solidaire et interculturelle :

Prise de contact sur Instagram ou par mail : [email protected]


Martin Savail

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