L’immobilier à Strasbourg continue de s’accélérer. Le résultat d’un marché qui s’affole et qui va trop vite. Un marché que des gens subissent et dont d’autres cherchent à tirer profit. Après les arnaques à la location visant les étudiant(e)s, on évoquee le sujet des dérives de l’immobilier strasbourgeois, qui prennent de plus en plus pied.
Appartements de 7 ou 8m2, biens vendus sans toilette, prix exorbitants… Difficile de croire qu’à Strasbourg, où la réputation d’un « bien vivre » perdure, que des logements de 9m2, et parfois moins, se vendent, ou se louent, comme des petits pains. Pourtant, ce que l’on pensait réservé à la vie parisienne commence doucement à s’implanter dans notre ville.
À Strasbourg comme ailleurs, le prix de l’immobilier augmente
En premier lieu, revenons aux bases : l’augmentation des prix. Dans notre ville, le prix de l’immobilier n’a pas manqué de suivre la tendance nationale. En d’autres mots : il a sérieusement augmenté, et le prix des loyers avec. Si l’on se fie au Baromètre LPI-Se Loger de juillet 2022, les prix de l’immobilier à l’achat des appartements neufs a augmenté de 5,5 % par rapport à 2021. Selon le même baromètre, cette fois en juillet 2021, les mêmes prix avaient augmenté de 4,1 % par rapport à 2020.
À Strasbourg, comme on vous l’avait expliqué ici, il devient de plus en plus difficile d’acheter un appartement, même ancien. Et ce, même si la hausse des prix a baissé sur l’année 2022. En effet, alors que les prix au m2 d’un appartement dans l’ancien à l’achat avaient augmenté de 15,8 % entre juillet 2020 et juillet 2021, selon le dernier baromètre, ils n’ont augmenté « que » de 2,1 %, s’établissant à 4 082 €/m2. Le tout, dans une situation où l’accès au crédit immobilier va devenir plus difficile, après que la BCE ait relevé ses taux directeurs en juillet.
Des loyers qui augmentent également, avec celui des petites surfaces qui grimpe encore plus vite
Dans le même temps, les prix des loyers augmentent également. Alors qu’il y a trois ans, on s’inquiétait de voir Strasbourg devenir le nouveau Paris, force est de constater que les loyers en prennent doucement le chemin. Si l’on se fie aux chiffres de l’Observatoire des loyers du Bas-Rhin, on remarque que pour l’Eurométropole de Strasbourg, le prix médian d’un loyer d’appartement en 2016 était de 576 euros, soit 9,9 €/m2. En 2021, ce prix médian passe à 590 euros, soit 10,6 €/m2. Soit une augmentation de 2,43 % en cinq ans.
Bien entendu, cette augmentation cache certaines disparités, et non des moindres. Parmi elles, le fait que les plus petites surfaces, généralement les plus abordables pour notamment les étudiants qui viennent à Strasbourg, voient le prix au m2 augmenter plus vite que les autres types d’appartements. Dans notre ville, toujours en parlant du prix médian, il fallait débourser entre 350 et 400 €, soit entre 13,3 et 15 €/m2, pour un loyer dans un T1. Cinq ans plus tard, il faut désormais débourser entre 356 et 414 €, soit entre 13,6 et 17,3 €/m2.
Exemples de nombreux excès strasbourgeois sur le marché immobilier
Le prix d’achat d’appartements augmente à Strasbourg. Dans le même temps, les loyers augmentent également, encore plus vite dans les plus petites surfaces, occupées généralement par les personnes les plus précaires. Conséquence ? On arrive à des situations parfois ubuesques, où les prix ne veulent plus rien dire. En allant chercher sur des plateformes comme Se Loger ou Le Bon Coin, on retrouve des annonces qui ne manquent pas de piquant. Aux prémices de la rédaction de cet article, on a par exemple aperçu une offre de vente d’un appartement 1 pièce de 8m2 secteur Saint-Maurice, à 48 600 €, soit 6 075m2, mise en ligne le 1er juin par Immoval. Elle a depuis trouvé preneur, et on félicite le futur propriétaire, puisqu’on rappelle que la loi interdit de louer des biens dont la superficie est inférieure à 9m2 et 20m3.
D’autres exemples ont par la suite montré les dérives du marché strasbourgeois. La plus marquante reste une annonce pour un studio à vendre situé au 7ème et dernier étage. Superficie ? 6,8m2. Cette mansarde est proposée par Neha Immobilier, sans photo au préalable, et l’annonce promet au futur propriétaire des w.c. et salle d’eau dans les communs, en plus de la possibilité de créer une douche dans la chambre. Mais surtout, énormément de travaux de rénovation à prévoir. Prix total ? 32 000 €. D’autres surfaces inférieures à 9m2 sont également mises en vente, comme une chambre de 7m2 au dernier étage avec ascenseur d’un immeuble quartier des XV. 42 000 € pour un bureau ou un pied à terre, miam miam.
Par ailleurs, il ne faut pas se leurrer. Les petites surfaces, c’est bon pour les louer, pas pour y vivre. C’est pourquoi il n’est pas étonnant que, lorsqu’on s’intéresse aux annonces de ce type, la phrase « opportunité investisseur » revient souvent. C’est le cas pour cet appartement 1 pièce, entre la rue de Rome et celle de Palerme à l’Esplanade. Définie opportunité « Spécial Investisseurs » par l’agence, elle propose la studette à la vente à 78 480 €, soit 8 720 €/m². Tout simplement 2,25 fois plus cher que le prix moyen au m2 selon Se Loger. Un défi de rentabilité. Même volonté d’insister sur le rendement pour cette annonce d’un studio de 9m2 dans l’hyper-centre pour 71 900 € labellisée « IDEAL INVESTISSEUR avec bonne rentabilité » ou encore ce studio de 9m2 à 58 900 € avec salle de bain et wc communs, labellisé « idéal investisseur ».
Dernier, et plus absurde, exemple : encore une « opportunité investisseur », cette fois-ci proposée dans une double annonce de My Home Schilitgheim sur Le Bon Coin. Celle-ci présente 2 chambres de bonne contiguës de 7m2, au rez-de-chaussée d’un immeuble avenue des Vosges. Deux annonces, mais le texte est le même à chaque fois : « 14,91 m2 au total – dont une louée (240 euros + 30 euros charges) – possibilité de créer un passage entre les deux chambres – meublées – douche dans chaque chambre – WC sur le palier – une des deux chambres est à rafraîchir »… 98 000 euros au total, et aucune possibilité de savoir si l’on peut acheter seulement l’une des deux chambres. Ou bien le m2 de chaque chambre ; puisqu’une est louée, elle devrait dépasser les 9m2. Pourtant, aucune n’est annoncée au-dessus de 7m2. Finalement, qui ne sauterait pas sur une telle occasion ? Sûrement une personne qui ne posséderaient pas le goût du risque.
La face émergée de l’iceberg ?
Après avoir vu quelques exemples des débordements du marché immobilier qui peuvent exister à Strasbourg, il reste une question : quid de la partie que l’on ne voit pas ? En effet, ce que l’on voit là ne sont qu’annonces de particuliers ou d’agences possédant pignon sur rue. Il existe néanmoins tout un marché que l’on ne voit pas. En mars dernier, on vous racontait en documentaire l’histoire d’un homme vivant dans une box de parking à Strasbourg. De quoi regarder d’un autre oeil les multiples annonces de location de box parking ou de caves que l’on peut voir fleurir sur Le Bon Coin.
Cette tendance, qui n’a pas l’air d’aller en s’améliorant, ne semble d’ailleurs pas préoccuper la Ville outre mesure. En effet, sollicitées de nombreuses fois à ce sujet, comme cela avait été le cas pour les arnaques immobilières étudiantes, ni Suzanne Brolly, adjointe à l’urbanisme, ni l’ADIL n’ont donné suite à nos demandes.