À Strasbourg comme ailleurs, les prix augmentent. On pense bien entendu au prix de l’essence, qui coûte désormais plus de 2 € le litre, ce qui pénalise de nombreux Strasbourgeois et Strasbourgeoises. Mais il y a aussi le prix des matières premières, du gaz ou de l’électricité. Plus globalement, cette augmentation des prix s’accompagne ainsi mécaniquement d’une baisse du pouvoir d’achat. Ce phénomène a un nom : l’inflation. Pour bien le comprendre, dans cette période compliquée où le mot va souvent revenir dans la sphère publique et politique, on est allé se renseigner auprès d’une doctorante strasbourgeoise.
Le 15 mars dernier, l’INSEE publiait une étude sur les prix à la consommation sur le mois de février. Spoiler : ils augmentent, et plutôt fortement. En effet, les prix ont connu une augmentation de 0,8 % sur un mois, après + 0,3 % en janvier. Sur un an, ils augmentent même de 3,6 %. En somme : les prix augmentent, et continuent de le faire. Résultat : nous nous trouvons dans une situation d’inflation.
Qu’est-ce que l’inflation ?
Concrètement, qu’est-ce que l’inflation signifie ? De prime abord, on pense à une augmentation des prix. Une intuition confirmée par Élise Kremer, doctorante en économie vivant à Strasbourg : « L’inflation est une hausse générale, persistante et auto-entretenue des prix ». Cette définition se nuance ensuite : « Tout d’abord, la hausse des prix doit concerner l’ensemble de l’économie, pas juste un secteur, même si la hausse de prix dans ce secteur est spectaculaire. Ensuite, cette hausse des prix doit durer dans le temps. Si la hausse concerne toute l’économie mais ne dure pas longtemps, on ne parlera pas d’inflation. Enfin, lorsque l’inflation s’enclenche, des mécanismes font qu’elle engendre sa propre hausse ». Ainsi, même si l’essence augmente fortement depuis plusieurs semaines, cela ne suffit pas pour affirmer qu’il y a inflation.
Pour l’affirmer, il faut plutôt regarder les prix dans l’ensemble de l’économie. Un outil bien utile fait alors son apparition : l’Indice des Prix à la Consommation (IPC), calculé par l’INSEE. Selon Élise Kremer : « L’INSEE détermine un panier de biens et services représentatifs de la consommation du Français moyen. Elle s’adapte aux évolutions de la société : elle a par exemple ajouté les masques chirurgicaux depuis le COVID ». L’INSEE calcule ensuite un prix moyen pour chaque bien ou service (énergie, loyer, produit frais…) en les pondérant selon l’importance que chacun a dans la consommation. On obtient donc l’IPC, qui « permet à l’INSEE d’évaluer approximativement le prix moyen dans l’économie. Ainsi, en regardant comment l’IPC évolue, on peut calculer son taux de variation qui correspond au taux d’inflation, appelé dans le langage courant « inflation ». Pour faire plus simple : lorsqu’on dit que « l’inflation » est de 3%, c’est que l’IPC a augmenté de 3%.
Quel est l’effet de l’inflation sur les Strasbourgeoises et Strasbourgeois ?
Armé d’une nouvelle compréhension du phénomène de l’inflation, passons au deuxième problème : l’impact sur les ménages. Si l’INSEE ne calcule pas l’inflation localement, l’augmentation des prix est à peu près la même à Strasbourg ou à Lorient. Ainsi, elle possède plusieurs effets. Le premier, évidemment : le pouvoir d’achat. Selon Élise Kremer : « L’inflation rogne le pouvoir d’achat des salaires. Lorsque les prix augmentent mais que les revenus ne suivent pas, les ménages peuvent acheter moins de biens et services ». Pour le dire autrement : pour un revenu qui n’augmente pas, les mêmes dépenses pèsent plus lourd dans le budget des ménages. De la même manière, l’inflation rogne sur le pouvoir d’achat de l’épargne : « Si un ménage a 1 000€ de côté sur son livret A, ces 1 000€ permettent d’acheter moins ».
L’inflation incite également les ménages à acheter certaines choses plutôt que d’autres : « Sachant que les prix vont augmenter, on peut être incité à acheter dès maintenant pour éviter de payer plus cher. Par exemple, les gens qui commandent du fioul en masse pour se chauffer. C’est notamment pour ça que la hausse est auto-entretenue, car ces achats précipités auto-entretiennent l’augmentation des prix ». Dans la colonne des choses « positives », l’inflation permet de diminuer le poids des dettes de certains ménages. En effet : « Si un ménage s’endette pour 10.000€ à taux fixe de 1,5% il va rembourser 150 € par an. Or, ces 150€ ont de moins en moins de valeur dans le temps avec l’inflation ». Enfin, l’inflation permet également la hausse automatique du SMIC. Ce qui risque d’arriver dans les prochains mois, si on en croit Les Échos. Une hausse qui interviendrait quelques mois seulement après la dernière augmentation.
Quels prix ont le plus augmenté en un an ?
Dans la publication de l’INSEE du 15 mars, l’IPC a connu une augmentation de 0,8 % au mois de février. Mais surtout, une augmentation de 3,6 % en un an. Une augmentation causée par un déséquilibre entre l’offre et la demande. La hausse la plus impressionnante concerne évidemment les prix de l’énergie et des produits pétroliers. Les premiers ont décollé sur un an (+21,1 % après +19,9 %), tout comme les seconds (+26,9 % après +24,3 %). Pour ces derniers, l’augmentation se fait en lien avec les prix du gazole (+26,3 % après +23,9 %), de l’essence (+22,4 % après +20,7 %) et des combustibles liquides (+43,4 % après +37,8 %). Enfin, les prix de l’électricité augmentent également (+4,9 % après +3,9 %) et ceux du gaz voient leur augmentation légèrement ralentir (+47,1 % après +50,9 %).
Dans le même temps, la hausse des prix des services de transports s’accentue (+6,1 % après +3,9 %). La raison ? Une augmentation conjointe du transport routier (+6,6 % après +4,9 %), du transport ferroviaire (+10,1 % après +6,8 %) et du transport aérien (+6,6 % après +3,6 %). On note également une progression des prix des loyers, eau et enlèvement des ordures ménagères avec +1,8 %, comme en janvier.
En outre, selon Élise Kremer : « Maintenant que la crise économique du Covid est globalement derrière nous, la consommation est repartie massivement à la hausse ». Ainsi, pour les prix des produits alimentaires, la hausse générale sur un an (+5,9 % après +4,0 %) cache quelques disparités. En effet, les prix des légumes frais augmentent énormément (+5,8 % après +0,6 %), tout comme ceux des poissons frais (+10,3 % après +9,5 %). En revanche, les prix des fruits frais ralentissent (+4,8 % après +5,3 %). Les prix de l’alimentation augmentent également de 1,4 %, après +1,1 % en janvier. Les prix de la viande (+2,2 % après +2,0 %), du pain et des céréales (+2,7 % après +2,4 %), du lait, du fromage et des œufs (+0,8 % après +0,5 %) et des boissons non alcoolisées (+0,6 % après +0,3 %) accélèrent.
Enfin, la mauvaise nouvelle supplémentaire dans tout cela reste le fait que l’inflation incarne un mécanisme auto-entretenu. Pour le dire autrement : « Une fois que les prix commencent à augmenter, une spirale se met en place et les prix augmentent, même pour d’autres produits pour lesquels il n’y a pas forcément de déséquilibre offre-demande. Car les ménages se jettent dessus, ou parce que les entreprises cherchent à conserver leurs marges et augmentent les prix ».
Est-ce que cette inflation est forcément une mauvaise nouvelle ?
Pour terminer, posons une question quelque peu contre-intuitive : l’inflation pourrait-elle ne pas être une mauvaise nouvelle ? Le Figaro pose la question, et pour Élise Kremer, la réponse est nuancée. Tout d’abord, l’inflation « n’est pas quelque chose d’inédit et on a connu bien pire, près 60% pendant la Seconde Guerre mondiale, et d’autres pays ont même connu de l’hyperinflation, l’Allemagne pendant l’entre-deux guerres ». Par ailleurs, l’inflation est justement un phénomène économique connu : « Nous ne sommes pas impuissants face à l’inflation. On la comprend et on sait comment enrayer. On a déjà connu ça, et on s’en est sorti. Mais l’enrayer a des coûts. La BCE doit remonter ses taux directeurs, et cela aura des effets négatifs sur a croissance, l’investissement et l’emploi ».
En outre, au niveau européen, l’inflation incarne la conséquence du choix de ne pas abandonner l’Ukraine, mais également une piqure de rappel pour l’Union européenne. Cette dernière se décide en effet à ré-industrialiser, rapatrier des chaines de production, développer une indépendance énergétique.
Néanmoins, l’inflation reste tout de même nocive pour les ménages les plus précaires. Si elle représente une baisse de pouvoir d’achat qui affecte tout le monde, certaines personnes le seront en effet davantage que d’autres. Et notamment celles qui dépendent beaucoup de leur voiture les personnes à bas revenus. Et alors que, selon la Banque de France, les prix augmenteront de 4,4% en un an en France, il faudra trouver des solutions pour ne pas laisser du monde sur le carreau.