Si dans l’Hexagone, le rap parisien et le rap marseillais se démarquent souvent, quelques rappeurs alsaciens commencent aussi à se faire une place dans le milieu, faisant de notre région un vrai vivier de talents. On ne présente plus Abd al Malik, plume affûtée ayant fait ses armes dans le quartier du Neuhof, ou Larry, un rappeur de l’Elsau signé chez Sony Music qui sortait l’année dernière Petit Prince, son premier album. Parmi ces artistes, on compte aussi les sept membres de Zengang. On est allés à la rencontre de trois d’entre eux, JKDR, Shema et Yun Poq, pour parler de musique, influences et travail collectif.
Le Zengang, c’est cinq rappeurs : JonSpi, RobaDub, Shema, YunPoq et JKDR. “À la base c’est un groupe de rap créé en 2017, qui s’appelait la 4ème Roue,” raconte Yun Poq. “On voulait juste faire du son. On faisait souvent des freestyles en soirée, c’est parti de là. Par la suite, en 2018, on est devenus le Zengang, parce que ça sonne bien, et qu’on cherchait la dualité entre nos vieilles dégaines, et le fait que parfois on fasse des trucs qui sont connotés un peu violents“.
Après la sortie de deux EP en septembre 2018 et en décembre 2019, le Zengang se prépare pour l’enregistrement d’un premier album dans les prochaines semaines.
Un mélange de styles et de saveurs
Avec autant de voix et de parcours dans un seul et même groupe, il est impossible de ranger dans une case précise le style du Zengang. Tantôt chill, tantôt agressif, nonchalant, engagé, les personnalités et les influences se croisent, et créent un style très hétéroclite qui se nourrit surtout de la passion de la musique, quel que soit le style. “On mélange les saveurs. On n’écoute pas que du rap, on écoute de tout. Il n’y a vraiment pas de règles” raconte JKDR. “On n’a pas vraiment de style prédéfini en fait […] on teste plein de choses, c’est de là que viennent des touches latinos, de two-step, des trucs plus mélancoliques, plus pop…” poursuit Shema.
Cet assemblage, c’est pour le Zengang, une manière de ne jamais se laisser embarquer dans la routine : “Nous, ça nous déprime de toujours faire la même chose”, raconte Yun Poq. Mais c’est aussi une façon de se démarquer sur la scène strasbourgeoise, qui est riche et prolifique, pour mettre en avant les multiples casquettes du rap de la capitale alsacienne : “On veut montrer que Strasbourg est une pu**** de ville pour le rap !” balance JKDR.
Le manque d’étiquette n’enlève rien au fait que le Zengang maîtrise tous les styles de manière harmonieuse. Les morceaux construits sont fluides, avec des refrains chantés et une bonne répartition de la parole. Chaque timbre de voix est discernable, chacun apporte sa force, sa touche et sa plume.
L’amuseur-public et le poète maudit
Autre particularité de la musique de Zengang : l’humour. Pour la sortie D’embrasse ta mère de ma part, leur EP sorti à l’été 2021, le groupe n’a pas hésité à parodier une bande de geeks un peu paumés, qu’ils nous faisaient découvrir au fil des semaines, dans l’attente de la release party qui avait lieu en juillet 2021. Les personnages, que l’on retrouve dans leur dernier clip Pas les Mères, sont drôles et plutôt attachants.
Une manière de se marrer et d’extérioriser, nous explique Yun Poq : “C’est aussi une manière de faire accrocher au public de ne pas se prendre au sérieux […] on ne veut pas tomber dans une case, ne pas être des rappeurs comiques, mais pas non plus être des moralisateurs. Parce que c’est comme ça qu’on aime écouter la musique : équilibrée. On aime le rap pour sa science, pour les textures sonores, pour le rire… On aime bien les savants dosages”.
Le Zengang abat donc toutes ses cartes y compris celle de la fiction et de l’autodérision. C’est bien cette binarité qui fait qu’il ne faut pas se fier à la couverture parodique et colorée du dernier EP du groupe. Derrière cet amas de niaiseries pastelles, se cachent des textes de qualité, des lyrics de mecs qui ont des choses à dire. “Les gens nous disent que ça se sent, et qu’on a de la plume, même si on dit des conneries”, plaisante Shema.
L’actualité du Zengang promet d’être mouvementée dans les prochains temps, avec la sortie prochainement de leur premier album et la carrière de Yun Poq qui se trouve sur la pente ascendante depuis qu’il a gagné la demi-finale du BuzzBooster en Alsace. Une belle évolution depuis les soirées freestyles entre potes des débuts, qui donne envie de suivre de près l’ascension de ce groupe local, en pleine professionnalisation.
En tout cas, après des longs mois de léthargie et d’incertitude en matière de concerts, le groupe est chaud bouillant à remonter sur scène. Un bal qui s’est ouvert en grande pompe, puisque ce vendredi 4 mars, le Zengang était en première partie de Josman à la Laiterie.
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Un groupe qui détone de dynamisme, des textes bien travaillés, une musique toujours bien choisie et de la bonne humeur !
ils sont vraiment incroyable en concert