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À Strasbourg, on étudie les moules pour créer des pansements connectés

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En s’inspirant du comportement des moules qui se greffent aux coques de bateaux, des chercheuses strasbourgeoises collaborent pour créer des pansements connectés qui pourraient bien révolutionner la prise en charge de certains patients comme les grands brûlés ou encore soulager le quotidien de personnes diabétiques. Et tout ça, c’est peut-être aux moules qu’on le doit…


Alors qu’elle commence à travailler sur la Chimie click – Ndlr. qui consiste à clipper des molécules ensemble, en s’inspirant des mécanismes déjà présents dans la nature. – Fouzia Boulmedais découvre que les étonnantes propriétés des moules pourraient bien faire avancer ses recherches. La physico-chimiste des polymères parvient alors à créer une colle permettant de lier des enzymes à une surface métallique.

Deux ans plus tard et rejoint par Anne Hébraud, chercheuse au sein de l’ICPEES (L’Institut de chimie et procédés pour l’énergie, l’environnement et la santé), le projet prend forme et pourrait mener à la création de pansements connectés, capables de communiquer des informations essentielles sur la plaie qu’ils protègent.

Fouzia Boulmedais Remy Savin et Anne Hebraud chercheurs au CNRS
Fouzia Boulmedais, Rémy Savin et Anne Hébraud travaillent ensemble sur le projet de pansements connectés.
© Caroline Alonso / Pokaa


Qu’est-ce que la moule vient faire dans cette histoire ?

Il y a quelques années, Fouzia Boulmedais tombe sur les travaux d’un chercheur américain qui s’intéresse aux moules et plus précisément, à la façon dont celles-ci parviennent à s’accrocher aux coques de bateaux. Le scientifique remarque qu’une unité se répète particulièrement dans cette composition chimique produite par les mollusques : la L. Dopa. Une découverte qui ne va pas manquer de mettre la puce à l’oreille à la chimiste strasbourgeoise, qui espère bien tirer profit des propriétés de la moule et les appliquer à ses travaux. 

Son objectif ? Parvenir à coller une enzyme sur une surface, le plus solidement et rapidement possible. Et ça tombe bien, parce que grâce à ce mécanisme, les moules ont la capacité de se coller aux coques de bateaux métalliques en un temps record. “C’est de l’ordre de millisecondes. Au niveau de la moule, des protéines sont secrétées et dès qu’elles sont au contact avec l’environnement extérieur, elles subissent une transformation chimique qui les colle à la surface. C’est comme un revêtement. Et il y a aussi beaucoup de points d’accroche, donc c’est très solide.” explique Fouzia Boulmedais. La chercheuse reproduit donc la L. Dopa, cette unité répétitive présente dans les protéines « collantes » de la moule et la synthétise en laboratoire. Autrement dit, elle la place au sein d’une chaîne macromoléculaire, un polymère.

Remy Savin chercheur au CNRS
© Caroline Alonso / Pokaa


Comment ça marche et quoi ça sert ?

Cette substance à base de L. Dopa va se transformer à la surface d’une électrode par oxydation, obtenue par l’application d’un potentiel électrique, pour se coller à une surface et pouvoir immobiliser en même temps une enzyme, la glucose oxidase. La glucose oxidase est une protéine capable de transformer le glucose en libérant des électrons et donc, du courant. Fouzia Boulmedais détaille : “On va donc pouvoir lire le courant et connaître la concentration en glucose pour savoir si le patient est sain ou non en quantité de glucose. 

En dehors du suivi de la santé des patients diabétiques,  le glucose est également un indicateur important pour le suivi de plaie chronique, c’est-à-dire qui ont du mal à cicatriser. Elle poursuit : “Mon idée est d’utiliser un réseau de plusieurs mini-électrodes pour localiser une enzyme différente sur chaque électrode et ainsi doser différents composés présent dans la plaie.” Grâce à ce procédé, on pourrait non seulement connaître le taux de glucose, mais aussi le pH, qui diminue en cas d’infection, ou encore la quantité d’acide urique :“Elle est produite au moment de la cicatrisation et sa  quantité chute lorsqu’il y a une infection bactérienne.” complète Anne Hébraud.

pansements connectés
© Doc remis / Fouzia Boulmedais et Anne Hébraud
pansements connectés
© Doc remis / Fouzia Boulmedais et Anne Hébraud

Mais encore faut-il parvenir à assembler les différents éléments nécessaires sous la forme d’un pansement tel qu’on le connaît. Et pour Fouzia Boulmedais, l’enjeu, c’est surtout de s’assurer que son enzyme reste bien collée : “Si l’enzyme est libérée, je perds mon capteur. Alors l’équipe a imaginé un pansement constitué de trois couches : une première protectrice en contact direct avec la plaie, une deuxième qui lit les informations (la couche d’enzyme obtenu par le procédé inspiré des moules) et une troisième qui transmet les informations. Et c’est notamment sur la troisième couche, qu’Anne Hébraud travaille.

La chercheuse tente de fabriquer une membrane fibreuse de polymères : “Ce sont des fibres de polymères environ 500 fois plus petites que la taille d’un cheveu. C’est un matériau intéressant parce qu’il reste poreux mais les pores sont tout petits.” Pour que les fibres de cette membrane conduisent l’électricité, l’équipe dépose notamment dessus des carbones conducteurs. Anne Hébraud parvient à fabriquer en laboratoire des membranes allant jusqu’à la taille A4 grâce aux machines qui sont à sa disposition.

pansements connectés
Anne Hébraud et son équipe développe une membrane composée de fibres polymères. © Caroline Alonso / Pokaa


Quelles applications dans le futur ?

Pour les patients diabétiques par exemple, qui souffrent souvent de plaies chroniques qui ne se referment pas, ces pansements pourraient largement faciliter leur prise en charge.C’est une plaie qui peut s’infecter. Ça peut mettre plusieurs mois à se refermer par exemple, donc il faut la surveiller. Les infirmières doivent passer et contrôler régulièrement sans savoir dans quel état elles vont trouver la plaie en enlevant le pansement.” explique Anne Hébraud. Avec leur pansement connecté, les deux chercheuses imaginent qu’une application pourrait être développée et téléchargée par le patient. En connectant l’application par Bluetooth au pansement, il accéderait ainsi à l’analyse qui indiquerait si une infirmière doit passer ou non pour changer le pansement. 

pansements connectés
C’est dans cette machine, que la membrane de fibres polymères prend forme.
© Caroline Alonso / Pokaa

Mais avant que le projet finisse sur le téléphone de tout à chacun, Fouzia Boulmedais reconnaît qu’il serait en premier lieu expérimenté à l’hôpital. Pour les personnes alitées, qui développent souvent des ulcères suite aux escarres, ou encore les grands brûlés, l’idéal est de changer le pansement le moins souvent. Avec cette surveillance constante de l’évolution de la plaie sans même avoir à soulever le pansement, ce serait un confort non négligeable pour les patients comme pour le personnel soignant. Par ailleurs, le projet est soutenu par l’Institut Carnot MICA, un regroupement de différents laboratoires du Grand Est qui met en lien les chercheurs et les industriels et a donc de grandes chances d’aboutir à une réalisation concrète.

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