Dans un monde de plus en plus digitalisé, informatisé, quel est notre rapport à l’intelligence artificielle et à la technologie ? Pendant trois semaines, du jeudi 20 janvier au samedi 5 février, Le Maillon – Théâtre de Strasbourg-Scène européenne organise « Paranoid Androids : des robots et des hommes », un temps fort qui fera se rencontrer l’humain et la machine, l’art et la science, entre fantasme et méfiance. À l’affiche ? Des spectacles dérangeants ou poétiques, des conférences, des ateliers et même des projections, avec le classique Blade Runner. …Vous ne verrez plus votre aspirateur-robot du même œil.
Tantôt fascinante, tantôt troublante, que l’on repense à HAL 9000 de 2001, l’Odyssée de l’Espace, aux trois lois de la robotique (d’Isaac Asimov et John W. Campbell à VIKI de I, Robot), l’intelligence artificielle a nourri nombre de récits – souvent dystopiques – depuis le début du XXème siècle, de la littérature au cinéma. D’autant plus lorsqu’elle prend les traits des humains.
Mais le futur d’hier est devenu notre présent : les robots sont désormais bien parmi nous. Alors quelle est la place de l’être humain quand les robots s’immiscent dans nos intérieurs, nos hôpitaux, nos quotidiens ? C’est en partant de là, que le théâtre du Maillon consacre un Temps fort de trois semaines sur les rapports qu’ils entretiennent les uns aux autres.
À travers des spectacles, des projections, des ateliers et des conférences, le théâtre strasbourgeois cherche à créer des espaces de rencontres, mêlant réflexions scientifiques et expériences artistiques, pour toutes les générations. « Un temps fort riche pour cheminer ensemble à travers la « vallée de l’étrange », selon l’expression du roboticien japonais Masahiro Mori pour décrire le vertige, entre malaise et empathie, que déclenche la rencontre avec l’humanoïde. », écrit à ce propos Barbara Engelhardt, la directrice du théâtre, en préambule.
Un face-à-face avec l’autre : 5 spectacles qui ne vous laisseront pas indifférent
Si le cinéma – aidé d’effets spéciaux – regorge de robots, le théâtre ne manque pas de moyens pour « provoquer la rencontre entre l’être humain et son double pour lui donner une forme à la fois plastique et imagée ».
En ouverture de ce Temps fort, on ira ainsi explorer La Vallée de l’Étrange de Stefan Kaegi (collectif Rimini Protokoll). Une performance qui prend les traits d’une étrange conférence animée par… Un robot humanoïde : double ou copie parfaite de l’écrivain allemand Thomas Melle, créé en collaboration avec le metteur en scène. Le robot, qui prend un temps la place de celui qu’il imite, s’interrogera sur ce que son existence-même réveille chez l’humain : empathie, crainte, méfiance ?
Dans Contes et Légendes (Compagnie Louis Brouillard), Joël Pommerat, qui aime à créer le trouble des spectateurs dans ses créations, proposera une autre vision de ce que peut faire naître la rencontre de l’humain et de la machine. Ici, dans un monde futuriste mais familier du nôtre, créatures artificielles et adolescents se côtoieront dans une succession d’histoires brèves. « Une forme de tâtonnement scientifique et poétique, une fine exploration d’une génération numérique et des questions qui l’animent ».
Autre rendez-vous, et cette fois-ci dans la rue : Happiness. Une installation du néerlandais Dries Verhoeven, accessible gratuitement aux badauds curieux. L’espace d’une semaine, la Place Saint-Pierre-le Vieux accueillera une pharmacie pas comme les autres. Un cube de béton habité par un robot humanoïde, qui nous vantera les mérites et bienfaits de médicaments et drogues en tout genre, visant à « augmenter nos performances [et] pallier nos faiblesses ». Une rencontre qui ne risque pas de vous laisse indifférent.
Notons également deux premières françaises de créations européennes : Man Strikes Back de la compagnie belge Post uit Hessdalen, et TANK de Doris Uhlich. Le premier mêlera théâtre et musique : un jongleur et un percussionniste rentreront en contact avec cinq boîtes-robots prenant petit à petit vie. Un drôle de dialogue entre l’humain et la machine, questionnant les rapports de force de l’un sur l’autre.
Dans TANK, portée par la musique techno de Boris Kopeinig, la chorégraphe et danseuse autrichienne Doris Uhlich exécutera un fascinant solo sur les effets de la technologie sur nos corps, dans un tube de verre « évoquant tant l’éprouvette dans laquelle d’étranges liquides bouillonnent et entrent en réaction, qu’un objet de musée offert au regard des visiteurs ». Et si la musique du spectacle vous plaît, vous pourrez retrouver Boris Kopeinig dans le hall du Maillon, à l’issue de la représentation du samedi 5 février, dans un set électro qui éveillera les corps.
Des rendez-vous hors scène
Pour son Temps fort, le Maillon tendra également le micro à des scientifiques, des chercheurs, et fera se rencontrer les artistes des différentes productions présentées (« Ce que nous pourrions être »). D’« Intelligence, artificielle et complexe » avec l’éminent Dirk Baecker, professeur en sociologie et management à l’Université de Witten/Herdecke (Allemagne), à « Empathie avec une machine ? » ; en passant par une table ronde sur les liens entre la médecine et la robotique avec « Soignant.e, soigné.e et robot ».
Pour compléter cet agenda déjà bien chargé, toutes les générations seront invitées à participer à des ateliers, en passant, par exemple, par le biais du théâtre pour interpréter un robot en adoptant ou inventant ses gestes, son parler…
En parallèle, pour permettre à tout un chacun d’assister aux spectacles comme aux conférences, Le Maillon mettra en place les samedis une Garderie créative ouverte aux 6-10 ans. Le bon plan pour les parents qui souhaiteraient occuper leurs enfants, pour venir à ces rendez-vous.
Les plus cinéphiles ne seront pas en reste : seront programmés deux films en partenariat avec la BNU. Tout d’abord, le cultissime Blade Runner de Ridley Scott (1982), diffusé en VOST. Un chef-d’œuvre du cinéma d’anticipation mettant en scène Harrison Ford, un agent spécial – un blade-runner – dans un monde où des androïdes servent d’esclaves aux humains dont ils sont des copies quasi-identiques : les répliquants, devenus hors-la-loi.
Et enfin Petit ami parfait de Kaori Kinoshita et Alain Della Negra, relatant l’histoire de trois adultes, au Japon, qui tombent sous le charme d’un personnage de jeu vidéo, où chacun tente de devenir son « petit ami parfait ». Une avant-première Arte en présence de l’équipe du film.
« Paranoid Androids – des hommes et des robots »
Du jeudi 20 janvier au samedi 5 février
Avec le Maillon – Théâtre de Strasbourg Scène Européenne
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