Moutons, bovins et parfois même chevaux commencent à faire leur apparition dans certains espaces verts strasbourgeois. Une alternative à la tonte et au débroussaillage mécanique mais qui peine encore, parfois, à s’installer.
Comme une à deux fois par semaine, Lucas vient rendre visite à ses moutons, installés au pied de l’observatoire astronomique de Strasbourg. Et si ces Thônes et Marthod ont pris leur quartier dans l’herbe verte rue de l’université le 7 juillet dernier, ce n’est pas seulement pour profiter de la compagnie des passants. Ils sont bel et bien investis d’une mission : l’éco-pâturage. “D’une manière toute bête, il s’agit d’utiliser les moutons pour tondre le gazon, au lieu d’utiliser des engins mécaniques. C’est ça le principe de base”, explique Lucas, berger de la Bêle Équipe.
Si différents animaux peuvent participer à l’éco-pâturage, Lucas n’a lui que des moutons :“Les moutons ne sont pas très sélectifs, ils mangent un peu de tout. Les chèvres, elles, sont presque des débroussailleuses, elles peuvent enlever toutes les ronces et de jeunes arbres, éclairer un chemin. Mais pour l’instant, je n’ai que des moutons”.
Techniquement, Lucas met à disposition environ un mouton pour 1000 m², chargé d’entretenir le terrain. Il les bichonne et les change d’enclos régulièrement pour permettre un pâturage progressif de la verdure. Et pour le berger, les avantages sont multiples. Pour la biodiversité déjà. “Ça permet d’entretenir sans que ça devienne une forêt, mais ce n’est pas non plus un green de golf. Pour les insectes c’est également mieux, ça crée une grande diversité d’habitats, puisqu’on a plusieurs hauteurs. Il y a aussi des plantes qui vont sécher sur pied, ce qui permet de donner de la nourriture aux vers dans le sol”, explique le berger.
L’autre avantage, concerne notamment les terrains escarpés où le travail mécanique peut être rendu plus difficile. “C’est aussi plus pratique quand ce sont des terrains accidentés, en pente, les moutons peuvent aller un peu partout”. Et d’ajouter : “Il y a parfois des appréhensions avant leur arrivée mais ensuite les gens se rendent compte que ça ne sent pas mauvais et que ça ne fait pas de bruit”. Le projet ne semble, en tout cas, pas déplaire aux travailleurs de l’observatoire astronomique donc certains prennent le café au bord de l’enclos. “Ça les change, ils sont toute la journée devant des PC”, sourit l’un d’eux en évoquant ses collègues.
Aujourd’hui, La Bêle Équipe possède une soixantaine de moutons, répartis sur les terrains de communes de l’Eurométropole et d’entreprises. “On a de nouveaux clients chaque année alors on augmente notre cheptel”, constate Lucas qui explique avoir, aujourd’hui, atteint un équilibre économique.
À la Ville, l’idée fait son chemin
À la Ville de Strasbourg aussi, le sujet de l’éco-pâturage fait son chemin. Un cheptel de bovins prend soin de terrains à proximité du château de Pourtalès, en partenariat avec le parc national des Vosges du Nord. Les animaux appartiennent alors à un agriculteur privé. Plus récemment un cheptel, là aussi de bovins, est arrivé sur l’île du Rohrschollen, dans le cadre d’une opération conduite en régie par la Ville. Les animaux ont alors été achetés par la Ville et ce sont les agents du service espaces verts qui en prennent soin. Marc Hoffsess, adjoint à la Maire de Strasbourg en charge de la transformation écologique du territoire, y voit lui aussi des avantages certains à cette opération permettant de “remettre des animaux dans l’espace urbain.”
“C’est un système d’entretien des prairies qui demande peu de moyens, d’accompagnement au quotidien et d’investissement. Surtout la fauche ou le gyrobroyage ont un impact écologique car c’est une dépense énergétique et on ne peut pas sélectionner, on tond uniformément. C’est donc ici, c’est moins cher, avec un intérêt écologique et paysager”, détaille Marc Hoffsess qui n’oublie pas : “Il y a aussi un intérêt social. À Pourtalès, le lieu de pâturage est devenu un lieu de promenade.”
Afin de développer la pratique, encore utilisée avec parcimonie, la Ville mène actuellement une étude, “pour savoir si et à quels endroits, on pourrait développer l’éco-pâturage”, poursuit l’élu. 81 parcelles auraient ainsi été identifiées. Un travail effectué dans le sillage de la municipalité précédente. “Il y a une sorte de continuité républicaine sur le sujet”, sourit Marc Hoffsess.
Pourtant, malgré les avantages largement vantés de l’éco-pâturage, sa mise en place ne semble pas si évidente et les terrains soumis à l’éco-pâturage font encore figure d’exception. “Il y a des questions de sécurité et d’organisation qui peuvent se poser, reconnaît l’adjoint à la Maire. Tous les sites ne s’y prêtent pas. Il faut trouver mettre les animaux dans des conditions acceptables mais aussi trouver un mode de gestion, avec un candidat qui accepte de gérer un système qui n’est pas très rentable économiquement. Ce n’est pas si évident à mettre en œuvre et il faut y aller avec quelques certitudes quand même”. Aucune nouvelle installation de cheptel n’est d’ailleurs prévue dans les prochains mois par la Ville de Strasbourg, annonce l’élu qui espère malgré tout voir la mise en place de “deux ou trois sites supplémentaires d’éco-pâturage d’ici la fin du mandat.”
Bravo Lucas !