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« Jim Curious » : la BD en 3D éditée à Strasbourg qui séduit le monde entier

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Mais qui est Jim Curious ? Un petit scaphandrier plongé dans un univers graphique proche de la gravure, nageant parmi les poissons, ou touchant de près les toucans. Un héros explorateur tout en rondeur et douceur qui a séduit les plus petits aux plus grands dans deux tomes, dont un sorti en 2019, et récompensé début d’année, « Prix du livre Grand Est ». Traduit et exporté dans une vingtaine de pays, depuis 2012, c’est un succès d’éditeur, qui prend ses marques à Strasbourg. Rencontre avec son auteur, Matthias Picard, et ses éditeurs, la maison strasbourgeoise des éditions 2024.




Petit poisson deviendra grand : il était une fois Jim Curious et les éditions 2024

Avant d’être un succès de librairie, Jim Curious est avant tout un projet de fin d’études de son auteur. Originaire du Grand Est – Reims, plus précisément –, Matthias Picard passe par les Arts Déco de Strasbourg, entre 2004 et 2007 (sous la direction de Guillaume Dégé), ce qu’on appelle aujourd’hui la HEAR – Haute-école des Arts du Rhin. Il y côtoie alors Olivier Bron qui, accompagné de Simon Liberman, fonde peu après leur sortie commune d’études, les éditions 2024. Un début d’histoire commune, et un succès, qui a profité au premier, comme aux seconds : à l’artiste, alors tout juste diplômé, comme à ses éditeurs et leur toute jeune maison strasbourgeoise. Aujourd’hui bien implantée à la Coop et dans le milieu de l’édition bédé, elle fêtait ses dix ans, l’an dernier, après avoir signé plus d’un succès, ces dernières années.


À la genèse, on retrouve Jim Curious, créé en parallèle d’un autre projet tout aussi fructueux : Jeanine aux éditions L’association. Matthias explique les avoir pensés en parallèle l’un de l’autre, dans une sorte d’équilibre nécessaire, entre un univers très réel (Jeanine étant un portrait de sa voisine, une vieille prostituée strasbourgeoise qu’il a rencontré ici), et celui, davantage onirique, de Jim Curious : voyage au cœur de l’océan, paru en 2012.

© Matthias Picard




Un défi d’impression

Mais l’histoire de Jim, c’est aussi celle d’une prise de risque de la part de 2024. L’idée des débuts de la maison était de pouvoir éditer « les copains », confie Matthias. Ils y ont vu du potentiel, avec l’envie d’en faire « un beau livre, un livre d’images, d’aventures, qui ne soit pas seulement ancré sur le réel […] comme pouvaient l’être [leurs] pères qui avaient révolutionné la bédé, dans les années 90-2000 ».

Il cite en exemple, un autre livre sorti aux éditions 2024 : Les Derniers Dinosaures, de Donatien Mary et Dider de Calan (paru en 2010), fait en linogravure et gravure sur bois. « À chaque fois, ce sont des défis d’impression. […] Jim Curious en est [aussi] un. » Il évoque la difficulté que cela peut être d’imprimer de tels ouvrages, et applaudit l’envie de renouveau de 2024 dans le milieu de l’édition. Dans le cas de Jim Curious, le rendu 3D.

Simon Liberman, de son côté, souligne que depuis 2012, date de sortie du premier, aucun éditeur ne semble avoir cherché à copier la technique ou le style développé par Matthias Picard. Devant le succès rencontré par les deux ouvrages, ils s’attendaient à voir une quantité de livres 3D rejoindre les rayons jeunesse des librairies. Et puis, au final, Jim reste seul et unique en son genre. Malgré la profusion de l’offre jeunesse, il se démarque encore à ce jour.

Tome 1 et 2 de Jim Curious de Matthias Picard
© Matthias Picard



Le grand plongeon dans la 3D

Parlons-en de la 3D… Matthias la découvre en complète autonomie, souhaitant explorer, dans ses études, ce procédé un peu oublié. « J’ai eu ce souvenir de cette technique de lunettes 3D. Je n’avais pas de lunettes sous la main, aucune référence […] mais j’avais ce désir de retrouver ces images de ma mémoire, cette sensation ».

En retrouvant des visuels, il comprend rapidement comment construire son image, même s’il lui fallut du temps avant de maîtriser la technique. Il ajoute que la 3D « donne à voir une dimension supplémentaire dans la page. [C’est] bien différent du cinéma, [car] on a une feuille de papier entre les mains, […] une sensation que l’on n’a pas au cinéma, et qui est plus touchante et qui donne encore plus de sens à l’objet livre, quand on tourne les pages et que l’on sent que cette page a plus de profondeur […]. Quelque chose de l’ordre de l’émerveillement, et de la sensation. ». Il prend ainsi pour exemple ces poissons que l’on pourrait presque saisir du bout des doigts.

© Matthias Picard



Parce que Jim Curious, c’est une plongée dans un univers riche, truffé de détails et qui invite au voyage. C’est d’ailleurs lors d’une exposition sur son deuxième tome (Jim Curious : voyage à travers la jungle, paru en 2019) lors de l’inauguration de la Coop en septembre 2019, que je découvre sur des pans à taille humaine, un extrait des aventures de Jim. Comme le petit héros, passé à travers un miroir suivre une libellule jusque dans la jungle, les spectateurs/lecteurs se laissaient perdre, lunettes sur le nez, dans les profondeurs tropicales de Matthias. Enfants comme adultes, les visiteurs s’alternaient avec envie à l’idée de se faire absorber par ce fol univers graphique, et cette expérience immersive unique.

Jim Curious et la petite libellule qu’il suit à travers le miroir, dans le tome 2 © Matthias Picard
L’exposition à la Coop
© Alex Flores




De Jules Verne à Jim Curious

Côté technique, l’illustrateur a retrouvé l’esprit de « ces images hypnotiques des aventures de Jules Verne par Riou, ou de Gustave Doré », en les « effleur[ant] graphiquement », avec l’effet gravure de ses dessins. Il s’agit en fait, pour Matthias, d’encre noire apposée sur des planches plastiques de rhodoïd, sur lesquelles il gratte pour faire doucement apparaître le blanc.

© Matthias Picard
© Matthias Picard



À une époque où la photographie faisait ses premiers pas et le cinéma pointait doucement le bout de sa caméra, les artistes avant lui, tentaient de faire voyager les lecteurs seulement avec des images en noir et blanc. En jouant des profondeurs, des détails, ils créaient de « la magie, de l’onirisme ». Quelque chose qui continue de « fasciner » Matthias Picard, bien que ce ne soit plus, aujourd’hui, des procédés très modernes. Pas étonnant, donc, de retrouver son personnage illustré comme un scaphandrier. « Une inspiration très XIXème », couplée à celle de Tintin, qu’on retrouve aussi engoncé dans un scaphandre dans l’une de ses nombreuses aventures. L’envie était de créer une figure « plus sympa, avec une vraie présence, incarnée par son scaphandre plutôt que par son visage ».

Un personnage entravé par son costume, pour qui « ce n’est pas facile de se déplacer mais [qui] le fait. Dans l’eau [ndlr : le tome 1], ou dans la jungle [ndlr : le tome 2], où ça l’est moins. […] Un scaphandre qui est aussi une protection, une carapace. » Des choses auxquelles Matthias a réfléchi par la suite, n’ayant pas tout anticipé à la création. Il se voit lui-même comme un « explorateur », qui ne maîtrise pas tout. Une exploration personnelle, sur « les sensations, la narration, le rapport d’une image à une autre […] », lui-même, en tant que dessinateur.

© Matthias Picard




« Et puis finalement, le succès »

Tout en images mais sans texte, l’ouvrage a ironiquement profité de cette autre prise de risque de l’auteur et de ses éditeurs : « Si tu proposes un livre en noir et blanc, muet, à un éditeur… […] Rien ne prédisait que ça allait fonctionner. Je l’ai fait par envie de le voir exister. […] Et puis finalement, le succès ».

Simon Liberman, l’un de ses éditeurs, confirme : la première édition fut tirée à 4000 exemplaires, un départ assez classique ; mais il a été réédité immédiatement à 4000 de plus, se doutant de son probable succès. Mais il a fallu rapidement en imprimer bien davantage, jusqu’à être publié à l’étranger, dans pas loin d’une vingtaine de pays. On peut citer une partie de l’Asie avec Taïwan, la Chine, la Corée du Sud, quelques pays d’Amérique du Sud et d’Europe, la Russie, les États-Unis… Le succès tient en grande partie dans le sujet et son universalité, couplé au « muet » qui le rend d’autant plus accessible. Matthias parle de ce « pouvoir-là du dessin, […] de communiquer sans frontières, [qui est] génial », et qui lui a permis de rencontrer des lecteurs chinois, mexicains, roumains, etc.

La figure de Jim Curious, à l’international © Matthias Picard
Jim Curious apparaît même entre les mains de la petite Amanda de Mikhaël Hers (2018)
© Capture d’écran de la Page YouTube Arte Cinéma



L’envie d’en faire un autre fut immédiate. « Continuer les recherches avec la 3D, des choses pas faites ». L’idée d’aborder la jungle vint rapidement, mais le projet avait besoin de mûrir, et en parallèle, M – Matthieu Chedid –, est venu l’aborder pour une mission d’illustration qui l’occupa un temps. Et ce n’est qu’à partir de 2017, que Jim Curious revint dans les carnets de son dessinateur, pour une parution deux ans plus tard.

Matthias souligne que « 2024 n’est pas un éditeur comme les autres, qu’ils ne [lui] ont jamais mis la pression », même si la stratégie aurait pu être d’enchaîner les ouvrages après le premier succès, dans l’idée d’une série, l’artiste insiste sur sa liberté de créer, de faire d’autres choses. Il ajoute qu’avec davantage de temps, et un « recul graphique », il a pu continuer à explorer la technique et aller plus loin dans les détails. « Il y a des pages, des endroits, où il y a encore plus de défis […] même si le lecteur ne s’en rend pas compte ». Et le résultat a payé : après sept ans, le public et la critique ont été au rendez-vous, et il a même été nommé Prix littéraire du Grand Est, Catégorie Illustration : BD et roman graphique. Chapeau, l’artiste. Dans un monde qui court après la productivité, voici une belle leçon de patience, au service de la qualité.



Explorations et expositions futures

Matthias évoque l’envie d’emmener Jim Curious dans de nouvelles aventures… Pour patienter avant un tome 3, forcément déjà très attendu par ses lecteurs, du côté de l’illustrateur : d’autres projets dans les tiroirs. …Des tirages d’affiches, de la micro-édition, des collabs, des expérimentations, etc. Sur Strasbourg, le public pourra bientôt découvrir une fresque coopérative réalisée à la Coop, toujours avec 2024, sur les vitrines des nouvelles réserves des Musées de la Ville de Strasbourg. Et toujours dans le Grand Est, il a dessiné les visuels des bières Galibot, originaires de Forbach.

Pour la maison d’édition, des belles sorties prévues cette année. On peut citer le tome 4 de Tulipe, de Sophie Guerrive, ou Des vivants, de Simon Roussin. Deux artistes phares de 2024, également sortis de l’usine à talents de la HEAR, et chacun primé. Le club des amis de la première a reçu le Prix (Fauve) Jeunesse 8-12 ans à Angoulême, également en 2021, quant au second, le Prix du livre Grand Est de l’édition précédente, avec Xibalba. La maison d’édition strasbourgeoise enchaîne les succès, et choisit bien ses poulains.

© Matthias Picard



Du côté de Jim Curious, son actu dépend de celles des restrictions sanitaires ; cependant, on peut déjà annoncer une nouvelle exposition qui s’installera dans quelques mois à quelques minutes de Strasbourg ! D’abord programmée pour l’an dernier, repoussée au printemps, celle-ci devrait prendre place à l’automne, au sein des Halles du Scilt, à Schiltigheim. Un parcours qui se voudra immersif, dans une expo à entrée libre. Prévoyez donc d’en prendre plein les mirettes, petits comme grands. Un voyage au centre de…. l’univers de Jim Curious. En avant, les curieux !


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Fanny Soriano

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