La Ville de Strasbourg a beaucoup communiqué sur le Plan Canopée, visant à planter 10 000 arbres en 10 ans. Mais quelles essences d’arbres sont plantées ? Y a-t-il une logique derrière ces choix ? Suzanne Brolly, adjointe à la maire, nous a expliqué plus précisément la démarche. Sur les 966 arbres plantés cet hiver, on trouve 153 espèces différentes, sélectionnées notamment pour leur pouvoir rafraîchissant, leur intégration dans la biodiversité locale et leur adaptabilité au réchauffement climatique.
Dès 2017, la Ville de Lyon lançait son Plan Canopée, consistant à réfléchir et à augmenter la place de l’arbre dans le territoire urbain. Le 31 aout 2020, la nouvelle mairie verte de Strasbourg votait un projet similaire : planter 10 000 arbres d’ici 2030, soit 38 hectares, l’équivalent de 38 fois le parc du Contades. Vue d’en haut, la capitale alsacienne aura alors 30% de surface couverte par des arbres.
“Nos services ont mis en terre 966 arbres cet hiver, lors de la première campagne de plantation. L’objectif de 700 est donc largement dépassé”, expose Suzanne Brolly, adjointe à la maire en charge de la Ville résiliente. Le nombre de nouveaux arbres a même fait l’objet d’une campagne d’affichage publicitaire. On peut les reconnaître par les structures en bois qui les maintiennent. Mais quelle logique derrière ces plantations ?
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Introduire des arbres est un sujet très consensuel. Quasiment toutes les mouvances politiques semblent s’accorder sur ce point. Lors de sa campagne pour les municipales, Jean-Philippe Vetter, candidat LR dont la liste a fusionné avec celle d’Alain Fontanel (LREM) pour le second tour, comptait planter 500 000 arbres en 10 ans. “Je ne vais pas m’opposer à la plantation d’arbres, c’est clair. S’il y a une telle différence de chiffre entre notre projet et celui de la mairie actuelle, c’est parce que le territoire concerné n’est pas le même. De notre côté, nous parlions de tout le territoire métropolitain, pas juste de la Ville de Strasbourg”, précise t-il.
153 espèces différentes plantées cet hiver
Le Plan Canopée strasbourgeois, c’est un budget d’environ “5 millions d’euros par an”, d’après Suzanne Brolly. Elle détaille : “Le Plan Canopée concerne le territoire de la Ville de Strasbourg, où il est urgent de revégétaliser pour lutter contre la chaleur. Il s’agira de conserver les arbres existants, d’en planter 1 000 supplémentaires par an, de faire de la recherche sur les essences d’arbres et d’inciter, par de la pédagogie, la plantation d’arbres sur le parc privé.”
Selon les données de la mairie, sur les 966 arbres plantés cette année, on compte 153 essences différentes. Les individus ont entre 10 et 15 ans, ce qui implique très peu de pertes, contrairement aux plantations de jeunes pousses. D’après Suzanne Brolly, “ces essences sont choisies en fonction des services qu’elles rendent aux humains et aux autres espèces.”
“On sait que les tilleuls, les micocouliers et les platanes apportent de la fraîcheur”
Le pouvoir rafraîchissant est l’un des critères les plus importants pour la mairie, qui se fonde sur les études du laboratoire ICube, structure portée par le CNRS et l’Université de Strasbourg. Grâce à des mesures de température sous les arbres, “on sait que les tilleuls, les micocouliers, et les platanes apportent de la fraîcheur”, explique Suzanne Brolly. La Ville co-finance aussi la thèse de Nathalia Philipps à l’ICube, qui travaille sur le sujet de la contribution de la végétation contre l’îlot de chaleur strasbourgeois.
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Pour l’instant, certaines espèces prédominent dans Strasbourg : 13% des arbres sont des platanes, 18% sont des tilleuls, seuls 2% sont des chênes d’après la municipalité. “L’idée, c’est de faire en sorte qu’il n’y ait plus que quelques espèces qui prédominent, mais de très nombreuses essences. La diversité est aussi la meilleure manière de lutter contre les ravageurs”, assure Suzanne Brolly.
Des arbres locaux comme des tilleuls, des peupliers ou des aulnes ont été plantés. Comme ils s’inscrivent dans la biodiversité alsacienne, ils sont adaptés aux insectes et aux oiseaux locaux. “On tient aussi compte du réchauffement climatique et de la résistance nécessaire à la sécheresse. Donc des essences plus exotiques, comme le micocoulier, que l’on trouve plutôt dans les régions méditerranéennes habituellement, ont été plantées”, indique l’adjointe à la maire.
Quels emplacements pour les nouveaux arbres ?
Le plan de végétalisation se veut homogène dans tous les quartiers. Le quartier Gare, le Neudorf ou la Meinau, zones très minérales, sont donc prioritaires. Et même au sein de chaque quartier, la présence d’arbres doit être bien répartie. Cet hiver, les services de la Ville ont planté dans les cours d’écoles, dans les rues, dans des parcs ou sur certaines places, comme celle de l’Hippodrome au Port du Rhin.
Denis, rencontré assis sur un banc de la place, est un habitué. Il se dit très convaincu par les plantations d’arbres, “indispensables au vu de la chaleur qui risque d’augmenter de plus en plus en été”. Il pointe du doigt d’autres zones aux alentours “qui sont encore dénuées de végétations”.
L’opposition dénonce “une action de communication”
Sur le site Strasbourg ça pousse, les Strasbourgeois peuvent proposer des emplacements de plantation d’arbre. 150 demandes ont été enregistrées. “On essayera de répondre au mieux aux attentes des habitants”, assure Suzanne Brolly. Mais planter des arbres dans une ville, ce n’est pas une mince affaire, comme en témoigne l’élue : “Concrètement, nous allons faire des plantations à peu près partout où ça sera possible. Rue après rue nous analysons la potentialité de planter des arbres, en conciliant les autres paramètres comme les trottoirs adaptés aux personnes à mobilité réduite, les besoins en stationnement des riverains, les réseaux électriques enterrés, etc…”
Pour Jean-Philippe Vetter, les plantations d’arbres ne doivent pas être “un simple outil de communication qui cache une politique de bétonisation”. Il pointe du doigt notamment “une dizaine de projets immobiliers dans le quartier de la Robertsau”, et rappelle que lors de sa campagne, il proposait d’imposer “un moratoire pour chaque construction contestée”. Suzanne Brolly rétorque que les politiques d’aménagement du territoire sont basées sur l’écologie et la solidarité. Elle “comprend que certains projets immobiliers puissent toucher des habitants”, mais indique “qu’un gel des constructions entrainerait des insuffisances concernant l’offre en logements, notamment en logements sociaux”.