Ces derniers jours, les températures glaciales ont laissé place au grand soleil. Et comme toujours lorsque le soleil pointe le bout de son nez, les Strasbourgeoises et les Strasbourgeois aussi. Peut-être même plus encore dans cette période covidée. Les joggeurs retrouvaient leurs foulées, les parcs étaient à nouveau bondés et on a retrouvé le plaisir de faire du sport en extérieur. Seul petit problème : à être trop nombreux à vouloir travailler nos muscles plus si saillants en sortir de plusieurs mois de confinement physique, les équipements sportifs ont commencé à manquer, soudain plus vraiment adaptés au nombre de Strasbourgeoises et Strasbourgeois motivés. Alors en ces temps de beaux jours et pour donner de l’impulsion à un retour de l’activité physique, qui s’est faite plus rare durant les différents confinements, pourquoi est ce que la Ville n’augmenterait pas ses équipements sportifs pour que plus de monde puisse faire du sport en extérieur ?
Le contexte
Le début de notre réflexion sur le sujet a commencé en rapport à un post sur le groupe Facebook que l’on ne présente plus : Étudiants de Strasbourg. Un des membres, Julien Oliveira, dresse un constat que « comparé à d’autres villes, voire villages, notre ville a un nombre très restreint de plateaux sportifs, alors que nous détenons pourtant un grand nombre d’espaces verts ». Mettant en avant le fait qu’aujourd’hui, la pratique sportive en extérieur est la seule qu’il nous reste, il propose que la Ville fasse mieux sur le sujet et demande comment il pourrait faire entendre sa voix plus amplement par les collectivités.
Très vite, son post attire de nombreuses suggestions et commentaires. Dès lors, on a voulu en savoir un peu plus pour saisir les enjeux de l’activité physique et du sport en extérieur dans notre ville.
Premier constat : Strasbourg semble être en retard sur les équipements sportifs
Joint par téléphone, Julien Oliveira dresse le même constat que dans son post Facebook. Le jeune homme, étudiant en Marketing du sport à l’Université de Strasbourg, s’est intéressé à la question, forcé par le Covid : « Je suis arbitre de foot au niveau fédéral et donc, avec l’impossibilité de pratiquer en ce moment, je me suis répercuté vers les activités de sport extérieur. J’ai voulu m’orienter vers des agrès extérieurs, dans des zones urbaines et dans des parcs de la ville, et je me suis rendu compte que ce sont des infrastructures qui manquaient. »
Dès lors, Strasbourg semble être en retard par rapport à d’autres villes : « À Reims et à Paris, on retrouve ces agrès sur soit des campus universitaires comme à Paris soit comme des parcs urbains à Reims. » Ce constat est partagé par Ayman Dahane, doctorant à l’Université de Strasbourg, dont le sujet de thèse porte sur les équipements de street-workout – pratique sportive en extérieure alliant musculation et figures gymniques, ndlr – et le sport dans les quartiers populaires : « Pour moi clairement, il y a un manque cruel d’équipements par rapport à d’autres villes. »
Un manque d’équipements sportifs spécialisés
Un constat qui s’avère dur envers Strasbourg, qui a su innover dans plusieurs domaines. Elle est en effet pionnière dans celui du sport santé, et l’offre de sport gratuit en extérieur dans la ville est tout de même élevée, avec les Vitaboucle, des parcours d’activité physiques qui permettent de découvrir Strasbourg en faisant du sport, et les agrès sportifs. Ces avancées ne sont d’ailleurs pas remises en question ; ce qui l’est, c’est plutôt le manque d’équipements spécialisés. Ayman Dahane confirme : « Le problème à Strasbourg, c’est que presque tous les équipements sont davantage adaptés au sport santé qu’au street-workout. Les équipements sportifs dans les parcs sont quand même limités pour passer au niveau supérieur. Et dès qu’il y a quelque-chose d’intéressant, il y a beaucoup de monde dessus. »
Alors que si on écoute Ayman Dahane et Julien Oliveira, la demande concernant de tels agrès est forte : « Il y a une forte demande et les gens cherchent désespérément dans la ville ce genre de spots, qui n’existent pas vraiment, à part le parc de l’Elsau ou d’autres plus cachés. Après cette pratique commence à intéresser de plus en plus de monde, et même les décideurs. Avec les salles qui sont fermées, là il fait beau, tu fais le tour de la ville tu en vois des pratiquants » m’explique le premier. Quant au second, il insiste sur l’opportunité qu’aurait Strasbourg de se positionner sur le créneau du sport en extérieur, en anticipation : « Avec la crise actuelle, les gens ont envie de faire du sport en extérieur, c’est une demande qui est là et qui va être plus forte. Du coup, je me suis dit qu’il y avait la place et l’opportunité, avec tout ce qui se passe, de commencer un projet ambitieux. Pour avoir une société qui puisse avoir accès à des agrès pour tous. Strasbourg a là une chance de se positionner en amont ».
Exploiter l’existant, plutôt que d’inventer de nouvelles choses
Et justement, que pense la Ville de cette histoire d’équipements sportifs ? Joint par téléphone, Owusu Tufuor, adjoint à la maire en charge des sports, met logiquement en avant le réel patrimoine sportif de Strasbourg, avec notamment les parcours Vitaboucle : « À Strasbourg, on fait moins de deux kilomètres pour satisfaire ses besoins sportifs. En ces temps de crise, je pense et je trouve qu’il y a de quoi faire pour satisfaire ces besoins-là. Au Parc de la citadelle, il y a le Vitaboucle où les gens peuvent s’exercer, faire de la musculation. Pareil pour le parc du Heyritz ou l’Orangerie. » Et d’ajouter : « Les gens veulent toujours tout au pied de leur immeuble, il faut que les gens se déplacent. Il existe plusieurs endroits où l’on peut faire de la musculation. » Mais avec la fermeture des salles de sport, les adeptes de renforcement musculaire et de musculation plus poussée peuvent vite se retrouver démunis.
Malgré une apparente incompréhension concernant les demandes d’équipements techniques, Owusu Tufuor a néanmoins plusieurs pistes pour travailler sur l’amélioration du sport en libre accès à Strasbourg. « Je suis en train de travailler sur le fait d’avoir des coachs sportifs sur les spots que j’ai cités pour qu’ils puissent donner des conseils sur la bonne pratique. Mais aussi sur comment faire pour que la population salariée puisse entre midi et deux faire du sport et retourner travailler après. On réfléchit sur des vestiaires, des cabines où on peut laisser ses affaires. » Dans ces nombreuses et intéressantes réflexions, dont les éléments sortiront dans le deuxième semestre de cette année, Owusu Tufuor précise que « les étudiants de STAPS et d’autres chercheurs vont être impliqués. »
Plutôt que de créer, la politique de la Ville sera donc d’utiliser à meilleur escient ce qui existe déjà. Une sobriété qui est une des thématiques globales prônées par la municipalité écologiste. Owusu Tufuor résume ainsi : « Strasbourg est maintenant saturée : donc soit on crée des équipements et on aura moins d’espaces verts. Soit on utilise l’existant, mais autrement. La politique sportive aujourd’hui c’est d’utiliser l’existant et d’ici un an apporter des réponses à ces éléments-là. Pour que d’ici deux/trois ans on ait des réponses et des alternatives pour que des gens ne soient plus obligés de s’inscrire dans des clubs pour faire du sport. »
Quelques propositions néanmoins
Ayman Dahane précise que la motivation des décideurs dépend l’utilité avérée qu’aurait un équipement supplémentaire :« Vu que ce sont des dépenses publiques, pour faire un parc, la Ville va donner de l’argent. Et donc ils vont être vigilants sur le fait que le parc serve à quelque chose. C’est toujours cette même question qui revient. » Mais si les Strasbourgeois se mobilisent en faveur d’un projet, la Ville sera naturellement plus ouverte à la proposition : « Dès que des habitants, un centre social, ou quelque chose comme ça qui viennent soutenir le projet, ça change tout. » Un état d’esprit qui convient plutôt bien avec ce que tente de mettre en place la municipalité écologiste concernant la participation citoyenne.
De son côté, et même si la Ville décide de privilégier une approche visant à mieux exploiter le bâti, Julien Oliveira a une idée bien précise de l’endroit où pourrait se développer une vraie aire d’équipements sportifs en extérieur. L’endroit en question ? Le terre-plein central du campus universitaire : « Je me disais même qu’il y avait opportunité, sur le terre-plein central, d’installer des équipements sportifs et un agrès sportif à disposition pour pratiquer, notamment lors des pauses entre midi et deux. Un plateau sportif assez complet avec des chaises romaines, escalier, banc d’abdos. Pas juste deux barres de fer pour les tractions. » Une proposition qui allie modernité et la volonté de la Ville de mieux utiliser les équipements sportifs. À réfléchir.
Avec le retour progressif des beaux jours et l’incertitude concernant la réouverture des salles de sport, il est normal que des questions et des envies de plus d’équipements sportifs se fassent entendre. On a de la chance à Strasbourg de pouvoir bénéficier de beaucoup de parcs, possédant chacun des agrès sportifs ou des parcours Vitaboucle. Un patrimoine que compte mieux utiliser la municipalité écologiste, sans néanmoins pousser l’inventivité plus loin. Alors sportifs et amateurs d’activité physique de tout Strasbourg, si vous voulez monter un projet et faire entendre votre voix, unissez-vous. Il y a de quoi faire, pour rendre encore plus forte la place de Strasbourg au niveau du sport en libre accès extérieur.