Rappelle-toi l’été 2019 : le temps était bon, le ciel était bleu… On s’offrait des allers-retours sur un coup de tête, de Monaco à Basta Cosi, de Juan les Pins à la rua Madureira. Route nationale 7, entrevue voyage. Souviens-toi du soleil et de l’eau sur la plage de nos rêves, 28 degrés à l’ombre, les amis, les copains, l’amour, l’amour, l’amour. Je sentais la chaleur, tes lèvres au goût de fruit sauvage, mes mains qui brûlaient ta peau. Les nuits étaient longues, les jours étaient chauds. Un bel été que je n’oublierai jamais. Entrevue séduction. Puis vint le printemps 2020 et cette annonce sans concessions : “En un mot comme en mille, la fête est finie”. J’ai l’impression que le changement a eu lieu en une nuit, nos vies se sont amenuisées, on traverse une période comme on en a jamais vécue. Souviens-toi il y a un an, sortir le soir, c’était la fête, c’était l’évasion. Entrevue : une époque. Mais les choses dans la vie, ça se passe toujours pour une raison, le bonheur est fragile. Nous vivons dans l’oubli de nos métamorphoses et aujourd’hui, on voudrait ne plus penser, fermer les yeux et puis danser. Je reste persuadée qu’on est dans un mauvais cycle, et que de ce cycle on va sortir. Entrevue : l’optimisme. Puis quand la nuit viendra tout illuminer, dans ce monde en joie, tous iront danser. Une vie c’est bien trop court pour ne pas en profiter. Que c’est joli le soleil de nuit. Son tamisé. Au final, nous n’avons rien à faire, que d’être heureux. À bon entendeur, we love to love.
Où vous trouvez-vous en ce moment ?
Coco : On s’est isolés en Espagne, à Majorque pour 15 jours. On travaille, mais on travaille au soleil. On avait peur d’être confinés en France donc on a fui.
En cette période compliquée notamment pour le monde de la culture, comment allez vous ?
Coco : C’est très compliqué, mais on essaye de relativiser, parce qu’il y a des personnes pour qui ça l’est encore plus : on parle tous les jours des patrons de boîtes, de bars, restaurants, pour qui la situation est catastrophique. Nous, on s’attendait à avoir une belle année 2020, on a perdu pas loin de 80 dates. Maintenant, on se rassure en se disant que c’est un mal pour un bien, parce que ça nous a permis de concrétiser pas mal de projets. On se disait encore hier soir que si il n’y avait pas eu ce confinement et ce Covid, l’album 2 n’aurait jamais été prêt aussi tôt. On a eu une année difficile, mais on essaye de voir le verre à moitié plein.
Justement, vous venez de sortir le clip “I love to love”, remix du titre phare de Tina Charles qui annonce la sortie de votre second album. Pourquoi avoir choisi ce titre en particulier, qu’est-ce qu’il vous inspire ?
Arnaud : On a commencé à réfléchir à ce second album en mars dernier lors du premier confinement. On a vu toute notre tournée s’annuler petit à petit, les festivals s’annuler les uns après les autres, et ce qui nous manquait le plus à ce moment-là, c’était de faire la fête. On avait envie de tourner une page et de s’orienter dans ce second album sur des morceaux un peu plus dansants, un peu plus disco, funk. On s’est penchés sur des morceaux dans cette veine là et le morceau “I love to love” nous est apparu comme une évidence à tous les trois. On savait qu’on était en contact potentiel avec les ayants droits, ce qui a facilité la chose. C’est le premier titre qu’on a finalisé sur l’album.
Dans ce clip, vous mettez en scène le fameux soir du 14 mars, celui où Édouard Philippe annonce officiellement que tous les bars, boîtes de nuit et restaurants seront fermés à partir de minuit pour une durée indéterminée. Vous souvenez-vous de ce que vous faisiez au moment de cette annonce et de ce que vous avez ressenti ?
Pierre : On faisait une petite soirée, un apéro à l’appartement à Paris, on était à quelques jours de partir au Liban. C’était la première fois qu’Édouard Philippe prenait la parole, ça nous est tombé dessus, on ne réalisait pas encore l’ampleur que ça allait prendre. Au départ, on s’est dit que maximum un mois de dates allait sauter. On ne s’attendait pas à être, quasiment, un an après, là où on en est aujourd’hui.
Dans le clip “I love to love” on découvre le personnage de Sarah qui s’apprête à passer une soirée dans une boîte de nuit bondée. Mais brutalement à minuit, elle bascule dans une sorte de dimension parallèle, dans laquelle la foule a disparu. Le lieu est désert. Pour vous qui étiez en pleine tournée en 2020, l’annonce du 14 mars représente un basculement aussi net ?
Coco : Dans le clip, on retrouve un côté surréaliste. Il y a la foule et en l’espace d’une seconde, tout le monde disparaît, il n’y a plus personne. Pour notre part, Pierre a bien résumé en disant qu’au moment de l’annonce d’Édouard Philippe on ne s’attendait pas du tout à ce que ça dure aussi longtemps. Je me souviens qu’à l’époque, je m’étais dit que le confinement au final ce n’était pas plus mal, que j’allais passer trois semaines avec mes parents. Il y avait un côté un peu aventure, pas vraiment drôle mais en tout cas on était très, très loin de s’imaginer que ça allait durer et qu’il y aurait autant de rebondissements, les variants et j’en passe. Ce qui est vraiment brutal dans tout ça, c’est la durée je trouve, et le manque de visibilité.
Pierre : Oui, l’incertitude. On fait des confinements, la courbe ne baisse pas, on arrête les confinements, la courbe baisse, ça regrimpe, il n’y a aucune logique en fait. Les tournées sont reportées, les dates sont recalées une première fois, une deuxième, une troisième fois, on essaye de tenir un cap, c’est tellement difficile dans ce contexte qu’on avance un peu à tâtons.
Dans votre clip, on voit Sarah commencer à s’approprier les lieux déserts et à danser de plus en plus frénétiquement, dans une sorte d’euphorie. Ce clip c’est un appel à la fête ? Au retour de la fête en tout cas ?
Coco : Oui à la fête et au lâcher prise surtout. Car on est dans une période de contrôle. Il faut faire attention à tout : au masque, au gel, aux distances. Ce clip c’est un lâcher prise où l’espace de 3 minutes trente, Sarah s’éclate et elle est juste elle même. Il y a un côté liberté. Ce n’était pas forcément facile à jouer mais Anaïde, l’actrice, l’a super bien fait. On voit cet abandon de soi au fur et à mesure des trois minutes trente jusqu’à l’explosion à la fin. C’est ça qu’on a essayé de véhiculer avec le réalisateur.
Vous avez collaboré avec Antoine de Caunes pour la voix off et la comédienne Anaïde Rozam dans le rôle de Sarah. Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler avec eux ?
Arnaud : On a eu la chance de faire un partenariat avec France Inter cette année. Tous les quinze jours, on leur réalisait des productions originales en récupérant des vocaux de leurs invités et en faisant une petite chanson exclusive à l’instar de notre mixtape, diffusée ensuite sur leur radio. On a été amené à parler à Antoine de Caunes assez régulièrement et ça nous a paru assez évident de lui proposer de prêter sa voix pour notre clip. On trouvait que ça collait super bien. Quant à Anaïde Rozam, c’est une comédienne qu’on aime beaucoup tous les trois, et en en discutant c’est un nom qui est revenu.
Coco : On l’a contactée pour lui proposer le projet, elle était hyper partante, ça a été assez simple. C’est une fille adorable et elle connaissait très bien le réalisateur aussi, ils avaient déjà fait un court-métrage ensemble, ça a aidé.
Votre premier album “Aller-Retour” mettait à l’honneur des titres des années 60-70. Avec “I love to love” comme introduction au second, on peut deviner que votre nouvel album sera plus ciblé sur la période année 70-80 ?
Arnaud : Exactement. La face A de notre second album est un peu dans la continuité du premier album, et la face B est composée de reprises de morceaux un peu plus récents : années 80. C’est beaucoup plus dansant.
Coco : Il y a tellement de sons, de musiques et de richesses proposés à chaque époque, que pour réussir à faire quelque chose d’un peu cohérent, il a fallu qu’on se cantonne à une certaine période. Pour l’album “Aller- Retour”, on s’était arrêté assez facilement sur les années 60-70 parce qu’on avait eu un premier coup de cœur, sur plusieurs chansons qui dataient de cette période-là. On aime aussi des chansons des années 50 ou plus récentes mais on ne voulait pas s’éparpiller. Là, on s’ouvre petit à petit.
Aller-Retour était un format hybride qui rassemblait l’essence même de Bon Entendeur, c’est-à-dire des remix de chansons françaises de l’époque et des productions originales réalisées à partir d’entrevues avec de grandes personnalités françaises. Ce sera le cas sur ce second album également ?
Arnaud : Il y aura des invités aussi oui. Il y a quelques belles surprises. On est très contents.
Pierre : On a de beaux invités. Ça fait de beaux morceaux, et d’ailleurs petite différence par rapport au premier album, on y trouvera moins d’interviews mais plus de chansons en collaboration avec des artistes. Et dès mercredi d’ailleurs, tu auras un aperçu d’une des entrevues qu’il y aura sur notre nouvel album.
Oui je sais déjà ce qui sort demain (rires)
Arnaud : Tu sais tout en fait. Ah ! Ce que tu ne sais pas c’est que l’intro de cette entrevue, est un extrait d’un morceau que tu retrouveras dans l’album. Tu verras demain.
Et pour le titre du second album, je n’ai pas droit à une exclu, c’est une surprise ?
Arnaud : Tu le sauras bientôt.
Vous avez laissé entendre qu’il y avait un indice à ce propos dans le clip “I love to love“.
Arnaud : Exactement, le titre du nouvel album est quelque part dans le clip. Il pourrait s’appeler BMW par exemple. (rires)
J’ai lu les commentaires sur Youtube et beaucoup de personnes pensent qu’il s’agit d’ “Encore un peu” le nom du parfum qui apparaît au début du clip.
Arnaud : On peut déjà te dire que ce n’est pas ça.
Coco : Arrête de dire que c’est ça ou que ce n’est pas ça sinon elle va trouver tout de suite.
Au niveau de vos entrevues on sait d’ores et déjà qu’on retrouvera Mc Solaar. Comment s’est passée votre rencontre ?
Arnaud : Notre rencontre s’est très bien passée, c’est un artiste qui a bercé nos jeunesses avec des morceaux comme “Le nouveau western” ou “Obsolète”… Ça fait toujours drôle de rencontrer un artiste qu’on a tant écouté. Il est super intéressant.
Quand avez-vous prévu de sortir l’album ?
Arnaud : On aimerait bien le sortir aux alentours de la fin du printemps et du début de l’été.
Pouvoir faire une tournée après la sortie de l’album ce serait bien …
Pierre : Ça risque d’être compromis. Quoique début de l’été avec le vaccin on pourra peut-être faire quelques petites salles. On verra.
Après un premier album certifié disque d’or, vous n’avez pas trop la pression pour celui ci ?
Arnaud : Franchement non, ce n’est pas une fin en soi, même si évidemment on veut toucher du monde. L’idée de base c’est de faire la musique qui nous plaît, et évidemment on aimerait que ça plaise au plus grand nombre.
Coco : Là, avant le disque d’or, notre volonté c’est surtout de pouvoir retrouver les gens. Rendez-nous les salles ! Ce sera déjà pas mal.
Il y a un an et demi, je vous avais interviewés lors d’un festival et je vous avais demandé de donner un titre à la période que vous viviez à ce moment précis.
Bon Entendeur : (rires) Et qu’est-ce qu’on avait répondu ?
Vous m’aviez répondu “La fatigue” et “On est dans de beaux draps”. Notamment parce que vous enchainiez les dates à ce moment-là. Aujourd’hui, quel titre donneriez vous à la période que vous vivez ?
Arnaud : (rires) “On est dans de beaux draps”. C’est le cas mais différemment.
Pierre : “L’énergie”. Moins de dates, donc plus de temps pour me retrouver, faire des choses que j’aime, mieux manger, mieux dormir. Je suis en pleine forme depuis un an.
Coco : Moi je dirais “l’envie”. Parce qu’on a envie que ça reprenne quand même.
Pierre : “L’impatience” peut-être.
Arnaud : Désolé, on est pas rigolos.
Votre clip “I love to love”, débute par une annonce à la radio qui dit : “En un mot comme en mille la fête est finie”. Que répondez-vous à cela ?
Pierre : Il faut garder espoir. La fête n’est jamais finie. C’est juste une question de patience.
Arnaud : La fête est finie mais pour l’instant. Ça reviendra.
Cet album a été conçu différemment du fait que vous ayez été en confinement ?
Arnaud : Oui il a été beaucoup conçu avec Dropbox. (rires)
Pierre : La volonté qu’on a eu, d’exprimer quelque chose de dynamique, de véhiculer de l’énergie est liée je pense à un manque de concerts, à un manque du public, à un manque de sorties, peut-être que ça se ressent dans la Face Nuit dont on te parlait tout à l’heure.
Quels sont vos projets pour la suite, terminer cet album et si la situation ne s’arrange pas, vous enchaînez avec un troisième (rires) ?
Arnaud : Non, on va peut-être demander un stage chez Pokaa.
Pierre : On viendra une semaine, on ne t’embête pas.
Coco : Plus sérieusement, on en est à se demander si on va pouvoir sortir notre album en juin, parce que si la situation reste la même, la question de le sortir se pose. Si on sort l’album, mais qu’on ne peut pas ensuite aller rencontrer les gens, et le proposer en dj set, en show, c’est hyper frustrant. Donc je t’avoue que c’est une grosse incertitude, on ne sait pas. Et apparemment beaucoup d’autres artistes se posent la même question.
Le problème aussi, avec l’impossibilité de faire une tournée, c’est le risque que l’album passe inaperçu. Faire une vidéo sur Internet ou communiquer via la presse n’a rien à voir avec le fait de réaliser une tournée et d’aller à la rencontre de son public.
Pierre : Exactement. Là, il doit y avoir un nombre incalculable d’albums qui attendent que le Covid se calme pour sortir et à mon avis si cet été on a une accalmie comme l’année dernière, on va être inondés par des albums dans tous les sens. C’est un challenge de sortir le nôtre au même moment, mais à la fois c’est extra cette découverte énorme de musique.
Quoi qu’il arrive, je pense que les gens ont tellement hâte que tout reprenne, que dès que ce sera possible, le public sera là.
Coco : Je le pense aussi. Il y aura une grosse consommation de concerts, de musique au sens large. Je ne suis pas inquiet pour ça.
>> Propos recueillis par Emma Schneider <<
Un grand merci à Bon Entendeur et à leur équipe