Le projet de loi bioéthique, inscrit par le gouvernement, va ouvrir la PMA (Assistance médicale à la procréation) aux couples de femmes et aux femmes seules. À Strasbourg comme partout en France, des opposants appelaient à se rassembler ce week-end. Des féministes et des antifascistes ont organisé un contre-rassemblement en faveur de la PMA pour tous, et contre les groupuscules violents d’extrême droite présents parmi les opposants à la loi.
L’ambiance est lunaire ce 31 janvier, devant le Parlement européen à Strasbourg. La Manif Pour Tous Alsace, créée en 2012 pour protester contre le mariage entre personnes du même sexe, appelle à un rassemblement à 15h contre le projet de loi bioéthique, qui vise à ouvrir la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules. Des organisations antifascistes et féministes ont organisé un contre-rassemblement, non déclaré en préfecture, qui doit commencer à 14h30. Céline (le prénom a été modifié) y participe :
“On demande la PMA pour tout le monde, y compris les personnes transgenres, ce qui manque au projet de loi. Là, on manifeste surtout contre la Manif Pour Tous, une organisation totalement antiféministe, homophobe, transphobe, soutenue par des mouvements fascistes violents.”
Un service d’ordre menaçant et des néonazis avec La Manif Pour Tous
Dés 14h20, à l’arrivée des contre-manifestantes, un groupe de 25 personnes se regroupe et tente de les intimider. Les forces de l’ordre bloquent les féministes et les antifascistes au niveau de l’arrêt de tram Parlement Européen et contrôlent leur identité. Une altercation aurait eu lieu entre des pro et des anti-PMA d’après plusieurs témoins. Le groupe de 25 personnes rejoint ensuite le service d’ordre du rassemblement de La Manif Pour Tous. En tout, cette “équipe de sécurité” sera composée d’une trentaine de personnes, “issues des jeunes de La Manif Pour Tous”, d’après un porte-parole du mouvement interrogé sur le sujet. Ces derniers disent avoir “la consigne de ne pas répondre à nos questions”. Selon des antifascistes, “certains font partie de l’Action Française”, un groupe royaliste au discours ultra nationaliste et anti-immigration.
Vers 15h10, un groupe d’une quinzaine d’hommes rejoint les anti-PMA après avoir été bloqués un moment par la police aux abords du rassemblement. Certains figurent aussi sur une photo publiée le même jour sur la page Facebook Ouest Casual, qui sert de relais aux Strasbourg Offenders, des hooligans néonazis.
“Pour qui ils se prennent à se mêler de nos vies ?!”
En tout, les manifestants contre la PMA sont une centaine, en comprenant le service d’ordre. Beaucoup de familles, avec enfants, sont arrivées. Les prises de parole commencent à 15h15. “Un enfant doit pouvoir sentir qu’il est issu de l’amour d’une mère et d’un père”, clame un homme, micro en main. Un autre homme continue : “Les médecins avorteurs ne se sont pas arrêtés pendant le confinement, comme si c’était essentiel.” Et la présidente de La Manif Pour Tous Alsace de poursuivre :
“Les médecins, sages-femmes et infirmières qui ne sont pas à la botte de l’État doivent pouvoir dire non à l’avortement, et à la PMA sans père, qui sont des pratiques qui ne respectent pas la vie et les enfants.”
“Pour qui ils se prennent à se mêler de nos vies ces gens ?!”, s’énerve une contre-manifestante. À cinquante mètres de La Manif Pour Tous, elles – majoritairement des femmes – sont maintenant une centaine au contre-rassemblement et crient des slogans qui couvrent les discours : “Siamo tutti antifascisti (Nous sommes tous antifascistes en italien, ndlr)”,”Nous sommes fortes, nous sommes fières, et féministes et radicales et en colère”, “Tout le monde déteste les Fachos”.
Vers 15h25, des CRS forment un cordon, s’avancent vers les contre-manifestantes et les obligent à s’éloigner.
Le ministre espère que le texte passera “avant l’été”
Aux alentours de 15h40, repoussées à environ 150 mètres, une partie des contre-manifestantes décident de partir en “cortège sauvage” dans les rues de Strasbourg. Les discours de La Manif Pour Tous continuent jusqu’à 16h, jusqu’à ce que l’un des organisateurs déclare la fin du rassemblement.
Les militantes féministes et antifascistes se dispersent vers 16h40, non loin du Palais universitaire. Le projet de loi bioéthique doit être étudié en deuxième lecture au Sénat à partir du 2 février. Malgré une mobilisation de la droite contre le texte, celui-ci est pour l’instant passé grâce aux votes de la gauche et d’une partie des marcheurs. Olivier Véran, le ministre de la Santé, espère que le texte sera adopté de façon définitive avant l’été 2021.