Il y a 20 ans, l’entreprise Stocamine a placé 44 000 tonnes de déchets industriels dans une ancienne mine de potasse, à Wittelsheim, sous la nappe phréatique rhénane, qui alimente les Alsaciens en eau. Le 18 janvier, la ministre de la Transition Écologique a décidé un confinement définitif de ces déchets, qui pollueront donc de manière inéluctable, un jour, la réserve d’eau souterraine.
Depuis presque 20 ans, les élus locaux demandent de sortir 44 000 tonnes de déchets industriels ultimes placés par Stocamine dans une ancienne mine, à Wittelsheim, dans le Haut-Rhin. La ministre de la Transition Écologique n’est pas du même avis. Dans un communiqué diffusé le 18 janvier, Barbara Pompili expose sa décision de “lancer la réalisation du confinement.” Elle souhaite que du béton soit coulé pour enfouir définitivement ces déchets placés à 550 mètres de profondeur. Pour elle, les bénéfices du déstockage, l’option opposée au confinement, ne sont pas prouvés et l’opération est difficile.
Pourtant ce site se trouve en dessous de la nappe phréatique rhénane, une réserve d’eau potable qui alimente la population de Bâle à Francfort, en passant par l’Alsace. Une enquête publique datée de 2016 assure que sans déstockage, la pollution de la nappe est inéluctable. Même avec un confinement peu perméable, l’eau finira par s’infiltrer et par emmener avec elle des composés toxiques dans la nappe. L’incertitude sur le délai et l’ampleur du phénomène demeure. En actant l’enfouissement, la ministre assume que l’eau sera polluée un jour. Elle évoque la dilution de la pollution en la comparant à “une goutte d’eau dans une piscine olympique.”
Associations et collectifs écologistes plaident pour le déstockage
Les associations et collectifs écologistes locaux, qui craignent de leur côté une pollution sévère de la nappe, militent pour le déstockage. Il est de plus en plus difficile de tout sortir, car les parois des cavités s’affaissent avec le temps. Les écologistes demandent au moins un déstockage partiel, le plus complet possible. Alsace Nature conspue la décision dans un communiqué : “Nous ne sommes pas ici pour marchander, mais pour demander à l’État le déstockage maximal sur le site de Stocamine et le déstockage total et l’assainissement de tous les dépôts ayant ou pouvant avoir à moyen ou à long terme un impact sur notre ressource en eau ! Ce n’est pas une question de moyens, mais une question de volonté politique. Même si la destination des déchets est une vraie question, nous préférons 1000 fois des déchets stockés en surface ou subsurface à la situation actuelle.”
Dans les années 90, le gouvernement assurait que ce projet ne présentait “aucun risque pour l’environnement.” En 1999, Stocamine, une filiale de la société des Mines de potasse d’Alsace, détenue par l’État, a donc initié l’enfouissement de déchets contenant du mercure, de l’arsenic, du cyanure ou encore de l’amiante. Mais en 2002, trois ans plus tard, un incendie sur le site mettait fin à cette activité.
“L’État a failli !”
Selon les rapporteurs d’une mission d’information parlementaire menée en 2018, les conditions dans lesquelles le projet a été présenté aux populations et aux élus locaux sont de nature à rompre le lien de confiance avec l’État. Les annonces du gouvernement se sont avérées fausses avec le temps. D’après Alsace Nature, “l’État a failli :
“Stocamine devait être un progrès, un stockage sécurisé, contrôlé et réversible. L’État s’était engagé et avait affirmé par la voix d’un ingénieur des Mines que l’incendie, l’inondation et les affaissements des galeries étaient impossibles et que de toute façon il serait toujours possible de récupérer les produits en cas de problème. Nous connaissons la suite…”
Selon des mineurs, le déstockage est possible
Barbara Pompili peut-elle encore changer d’avis ? Tout n’est peut-être pas scellé. Le gouvernement Macron a fait plusieurs volte-face au sujet de Stocamine. Nicolas Hulot, ancien ministre de la Transition Écologique, avait évoqué le déstockage total avant sa démission. François de Rugy, son successeur, annonçait ensuite le confinement total en janvier 2019, avant de se raviser et d’annoncer une étude de faisabilité du déstockage suite à la fronde des élus locaux.
De son côté, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), estimait dans une expertise publiée en janvier 2019 que le déstockage des déchets était possible mais nécessitait une préparation du personnel, un équipement adapté et une réorganisation du travail sur le site. Jean-Pierre Hecht, ancien mineur et délégué CFDT des Mines de potasse d’Alsace estime que le déstockage est “tout à fait envisageable.” Devant la caméra d’Alsace Nature, il ironisait en février 2019 sur le fait que “les humains parlent d’aller sur mars, mais ne savent pas gérer un problème à 500 mètres sous-terre.”