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Cinéma dans le noir : on a pris des nouvelles de nos salles strasbourgeoises

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Les salles de cinémas sont à l’arrêt et leurs équipes dans l’attente des futures annonces gouvernementales. Si leur confinement est rythmé par de nombreuses interrogations, toutes sont à pied d’œuvre pour préparer le cinéma de demain et maintenir le lien avec les Strasbourgeois. On a été prendre quelques nouvelles des salles du centre-ville, plongées dans le noir.

Samedi 14 mars, les cinémas de l’hexagone ont subitement, pour ne pas dire brutalement, cessé leur activité : « On a appris du jour au lendemain la fermeture le samedi, dans les médias, on n’avait pas été avertis au préalable. À minuit, on a annulé tous les films », raconte Eva Letzgus, cogérante du cinéma Vox, en centre-ville.

Depuis, les équipes patientent et s’interrogent. « Nous sommes dans l’attente », commente Faruk Gunaltay, directeur et programmateur du cinéma Odyssée. Avec en premier lieu la question de la date de réouverture au public. Pour ça, les professionnels du milieu attendent avec impatience le 2 juin, date des prochaines annonces gouvernementales. Même si, ils en ont conscience, l’ouverture ne se fera pas en un jour : « On sait qu’il faudra compter au moins quatre semaines après l’annonce du gouvernement. Simplement déjà pour qu’il y ait des films de programmés », explique Flore Tournois, directrice d’exploitation au cinéma Star.

Soirée Cité de la Peur au Cinéma Star organisée par le FEFFS et Pokaa (27 juin 2019)

Une réouverture qui s’anticipe

L’autre principale interrogation est celle des conditions de la réouverture : « On ne sait pas, par exemple, s’il y aura le droit d’occuper un fauteuil sur deux, sur trois ou sur quatre », constate Faruk Gunaltay.

En attendant d’être fixés, les exploitants des salles se préparent :« On a des réunions avec la fédération nationale des cinémas français (FNCF). Une commission a été créée pour définir les mesures sanitaires et penser un parcours sécurisé du spectateur depuis son entrée dans le cinéma, jusqu’à son arrivée en salle , en passant par les toilettes, etc. », détaille Eva Letzgus.

À l’Odyssée, on prend de l’avance : « Nous avons deux impératifs absolus : la sécurité sanitaire du public et celle des personnels travaillant dans les salles. On a commandé des visières pour le personnel au contact du public et des bornes de gel hydroalcooliques pour mettre à l’entrée des salles. » Au guichet, les vitres historiques permettront une protection supplémentaire.

Au cinéma Star en revanche, il faudra réinstaller des plaques de plexiglas : «  On était contents de les avoir enlevées, ça va être un peu un retour en arrière. L’ouverture des comptoirs était une véritable évolution dans l’accueil des clients. Ça avait installé un nouveau souffle dans les rapports et quelque chose de plus égalitaire. On espère trouver une solution qui ne sera pas permanente », déplore la directrice d’exploitation.

Des aménagements qui n’inquiètent pas pour autant les gérants : « Il ne faut pas oublier que les cinémas seront parmi les derniers établissements à rouvrir. On va pouvoir bénéficier de l’expérience de tous les commerçants », rassure Eva Letzgus.

Un public attendu

Si les cinémas sont prêts et visiblement pressés d’accueillir de nouveau le public, ce dernier sera-t-il au rendez-vous ? « On sait qu’il faudra un certain temps. On ne sait pas comment les gens vont réagir. Ils seront sûrement tiraillés entre l’envie de revenir et la crainte », anticipe le directeur et programmateur de l’Odyssée.

© Pokaa

Regagner la confiance, mais aussi susciter de nouveau l’envie de se rendre dans les salles. « Avec la fédération, on travaille sur une campagne de communication nationale, avec des spots sur TF1, M6 ou encore Canal +, offertes par ces chaînes pour relancer les cinémas, un très beau geste ! », se réjouit Eva Letzgus. Et d’ajouter : « On invite les Strasbourgeois à renouer avec la magie du cinéma, des émotions sur grand écran, en ressentant les rires et les pleurs de son voisin. Des choses précieuses dont on a pas pu profiter pendant deux mois. Les plateformes ont eu du succès pendant le confinement mais on a craint de la même façon avec l’arrivée de la télévision puis de Netflix. Au final, les gens regardent simplement plus de films sur différents médias. »

Les exploitants restent optimistes. «  On a des signaux encourageants et on reçoit des marques d’affection des spectateurs. Ils nous témoignent l’envie de venir. Pendant le confinement on s’est posé beaucoup de questions sur ce qui était pour nous essentiel, ce qui avait du sens dans notre vie. Et les gens nous partagent le fait que le cinéma est un endroit qui leur fait du bien, qui a sa place dans leur vie. », raconte Flore Tournois, du Cinéma Star. « Peut-être aussi que ceux qui ne partiront pas en vacances chercheront à s’évader sur grand écran. »

La crainte d’une reprise lente de la programmation

Qu’auront alors à voir les cinéphiles, lorsque qu’ils retrouveront leurs fauteuils douillets, tandis que le secteur mondial est à l’arrêt ?

« Même si on espère ouvrir la première quinzaine de juillet, encore faut-il que les distributeurs proposent des films et ne soient pas frileux en se disant qu’il n’y aura personne et décalent les sorties à novembre. Même si on pense qu’il y a une certaine solidarité et que les distributeurs vont jouer le jeu », espère Eva Letzgus, cogérante du Vox.

© Maria Fernandes / Pokaa

Même interrogation du côté de l’Odyssée : « Du point de vue de la programmation, on ne sait pas dans quel état on va retrouver les distributeurs. Notamment comment les petits distributeurs auront surmonter ça. », s’interroge Faruk Gunaltay, qui reconnaît malgré tout : « Nous avons un avantage à l’Odyssée, nous sommes éditeurs de programmes cinématographiques et nous ne sommes pas tributaires du calendrier de sortie des films ».

Quoi qu’il en soit la réouverture sera progressive, et l’impact financier non-négligeable. « Pour l’instant, on vit sur les réserves, mais elles fondent plutôt rapidement. La réouverture va entraîner un déficit encore plus grand que pendant la période de fermeture », prévoit Faruk Gunaltay. Des prévisions confirmées par Eva Letzgus : « la fréquentation sera en baisse mais les charges elles seront à 100 % : il faut éclairer le cinéma, le climatiser… Pour le Vox, il faudrait qu’on soit à environ 80% de la fréquentation habituelle. » Difficile à envisager si la fréquentation des salles est limitée. « On va peut-être pouvoir maintenir quelques salariés en activité partielle, ou réduire le nombre de séances. Ce sont des choses qu’on envisage», poursuit la cogérante du cinéma du centre-ville, rénové juste avant le confinement.

Les salles de cinémas vivent aussi des animations, des événements organisés dans leur établissement ainsi que des séances pour les scolaires. « Sans ces événements porteurs, ce sera une reprise fragile », annonce Flore Tournois, pour qui, le début d’année était pourtant prometteur.

Soirée “Cité de le Peur” organisée dans les cinémas Star
© David Leveque / Pokaa

Alors les exploitants comptent aussi sur les collectivités territoriales : « Avec les cinémas du centre-ville nous avons eu un échange avec Madame Trautmann de l’Eurométropole et Madame Kohler de la Ville. Avec la région Grand Est, ils réfléchissent à comment soutenir les salles lors de cette reprise », témoigne Eva Letzgus.

En attendant, l’importance de maintenir le lien

En attendant, les cinémas strasbourgeois, chacun à leur manière, tentent de maintenir le lien avec leurs spectateurs. Sur le site internet de l’Odysée, cinéma géré par une association à but non-lucratif, trois séries de vidéos ont ainsi vu le jour : « Les suggestions cinéphiles de l’Odysée », «  La chronique de l’Odyssée » et « Les conversations de l’Odysée », permettant aux cinéphiles de voyager entre archives, réflexions sur le septième art et interviews.

Entretenir l’amour du cinéma c’est aussi ce qu’a cherché à faire le Vox. « On a animé les réseaux sociaux pour maintenir l’envie d’aller en salle, en partageant l’actualité des films avec des images des plateaux à l’arrêt, mais aussi des coulisses du cinéma et des effets spéciaux. ».

Sur les réseaux sociaux du Cinéma Star, c’est avant tout en donnant des nouvelles du personnel qu’on a tenté de garder le contact : « On a posté des photos de ce que faisait l’équipe pendant le confinement, parce qu’une salle, c’est avant tout des gens qui y travaillent. C’était l’occasion de montrer ces off là», témoigne la directrice d’exploitation du cinéma.

Et pour occuper ces journées confinées déjà bien remplies, le Vox et L’Odyssée ont décidé de se lancer dans une nouvelle aventure : organiser des séances gratuites de cinéma en drive dans certains quartiers de Strasbourg. « Pour ceux qui ont particulièrement souffert du confinement, où il y a une densité de population importante. On pense aussi aux gens qui ne vont pas partir en vacances. Le principe serait, comme dans les années 70, de venir avec sa voiture et profiter d’un écran géant », décrit Eva Letzgus. Les deux cinémas, en partenariat avec la Ville travaillent actuellement à leur mise en place et communiqueront toutes les informations nécessaires quand le projet verra le jour.


Les Cinémas Star
Site internet / Page Facebook

L’Odyssée :
Site internet / Page Facebook

Le cinéma Vox
Site internet / Page Facebook


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