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Strasbourg : Sueur et tremblements

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42 degrés. Je respire comme un labrador, la langue toute dehors à la recherche d’un courant d’air ou d’une gamelle d’eau pour me rafraîchir. Strasbourg tourne au ralenti. Un slow motion à vitesse réelle sur le béton brûlant du centre-ville où même les ombres se mettent à l’ombre. Les claquettes-chaussettes côtoient des t-shirts retroussés jusqu’aux épaules et les libellules en lunettes de soleil flottent d’une terrasse à une autre comme des limaces en soins palliatifs.

La ville change de physionomie, prenant le rythme végétatif d’un minuscule village sarde en début d’après-midi. Les volets se ferment et les habitants se cloîtrent dans leurs appartements comme des taupes, brumisateur dans une main, Carola verte dans l’autre. Les plus courageux parcourent les rues ensoleillées, vêtus de casquettes, chapeaux ou d’ombrelles, comme ces touristes japonais à l’élégance d’un autre siècle, qui tentent de prononcer les mots « Flammenkusche » et « Baeckeoffe » à la table du Meiselocker.

Dans les parcs, c’est Woodstock. Bikinis – Mini-enceintes – Pastèques.

De quoi tenir encore quelques heures sous un arbre, un brin d’herbe dans la bouche. Janis Joplin sirote un panaché sur un banc décoloré pendant que Jimmy Hendrix, torse nu, des abdos Tétris, jongle avec trois cailloux qui traversent les nuages à tour de rôle. Les jambes épilées s’allongent au rythme de bâillements lascifs. La couverture des DNA fait office de pare-soleil. Les vampires pâlots s’aspergent de crème solaire pendant que les bambins dansent la vie au milieu d’une fontaine sous l’œil attentif de leurs parents. Claps dans l’eau. Couches mouillées. Rires infinis.

« Léa attention, ne jette pas ton Mr. Freeze sur le monsieur ».

Les regards se cherchent. La bretelle d’un soutien-gorge. Un dos à la cambrure parfaite se dévoile. Des lèvres glossées à la cerise. Des cheveux roux caressant une galaxie de grains de beauté. La constellation du désir, invisible aux lunettes astronomiques. Les yeux jouent au chat et à la souris. Un regard furtif. Une relance incertaine. Poker sensuel. Du bluff. Du morse avec les pupilles. Un tango de gestes inconscients pour cacher le tremblement de cœur entre cet inconnu aux yeux bleus et cette mystérieuse déesse qui bouquine en salopette. 8,5 sur l’échelle de Loveur. Elle se mordille la lèvre et se ronge l’ongle du pouce. Il joue nerveusement avec ses mains. Elle se gratte le nez. Moments de pudeur volés faisant exploser les pétales d’une marguerite en éclats.

C’est la même parade que les paons du Baggersee. Colorée. Majestueuse. Solaire.

Là-bas, le lac est aussi chargé qu’une autoroute en plein mois d’août. Des bouchons sur le sable brûlant pour trouver quelques centimètres carrés où poser sa serviette Perrier. Illkirch prend des allures de Saint-Tropez, les bateaux pneumatiques-licornes faisant office de yachts. Un pack de Kronenbourg en guise de tabouret pendant qu’Oxmo Puccino balance son spleen poétique à travers un smartphone. Les étoiles de mer vagabondent en shorts de bain, une clope à la bouche.

Nous naissons tous fous avec une vie pour guérir,

Tant qu’une belle vérité reste à conquérir,

Trouver l’idée qui marche deux cent ans,

L’impression de le faire en plaisantant,

Accueillis comme des clowns pas drôles,

A la profonde parole des puits de pétrole,

Avant que la fortune soit subite,

Tous les génies étaient stupides,

Couvez le feu dans la glace qu’on s’y réunisse;

Des fois, excusez nous la réussite,

Ceux qui n’aiment pas n’ont qu’à le faire d’abord,

Allez mettre plus de dix personnes d’accord.

Pas de complexes. La liberté de laisser sa peau s’exprimer. Les bourrelets font des doigts d’honneur aux tablettes de chocolat. Les nombrils s’exhibent fièrement suite à une consommation excessive de cordons bleus au munster. Les poils tourbillonnent sous les aisselles moites, sur les épaules ou dans le dos de Chewbacca qui s’assument. R2D2 se passe du monoï sur le torse afin de ressembler à Dark Vador avant la fin de l’été. La sueur coule sur les corps caramélisés. Les langues lèchent des cornets menthe-chocolat et les plus gourmands trempent des frites dans une mare gluante de ketchup. Sur le gazon, c’est Clairefontaine. Pas de maillot mais un ballon de foot qui passe de jambes en jambes afin de rivaliser avec le beach-volley à une dizaine de mètres de là. Les coqs bombent le torse pendant que les dindes prépubères gloussent à chaque point marqué.

Le point d’eau devient un joyeux bordel où toutes les communautés cohabitent sans haine. Ici, pas de cimetières profanés ou de mosquées taguées.

Peu importe d’où tu viens, ce que tu gagnes ou ce que tu manges, c’est une île pour Robinson Crusoe qui se parlent et s’écoutent. Le sourire est une langue internationale.

Les chiens mouillés nagent à côté d’aventuriers en culottes courtes prêts à tout pour ramasser un coquillage dans la vase. Un râteau, une pelle, un seau Spiderman. C’est la télévision des illuminés sans redevance. Plus loin, un pêcheur alcoolisé accroche sa ligne dans la branche d’un noisetier sous le regard moqueur d’un couple qui joue au docteur derrière un buisson. Elle a envie qu’il la prenne, là, tout de suite contre le tronc. C’est le parfum des chips qui font des doigts qui glissent, des Pouss Pouss au citron chimique, des melons juteux qui dégoulinent sur le menton, des glacières d’Ali Baba regorgeant d’œufs durs, de salades de tomates ou de taboulé . Un troc s’installe naturellement. Une Corne de gazelle contre des Monster Munch. Un Pepito contre un Makroud.

Le Beach Food festival.

Lorsque le soleil décide de rentrer chez lui et que les moustiques s’apprêtent à visiter des mollets appétissants, les barbecues s’installent dans un campement improvisé. Le bois fume légèrement et les merguez pimentées chantent sur des grilles noircies.Les saucisses blanches éclatent comme des fruits trop mûrs. Le halloumi fond sur un poivron grillé. Le pain distribué à l’arrache vole dans des mains pas très propres.Les apôtres bavent.

Judas n’a pas ramené de mayonnaise, il sera condamné à l’oxymore: douce violence de regarder les autres manger. La moutarde tartinée sur une face. De la sauce hawaïenne sur l’autre. De la harissa pour les plus téméraires ou pour ceux voulant s’immuniser contre le tétanos. Une chicha asthmatique tousse dans un brouillard estival. Essence de pêche, de fraise ou d’ananas. Vulnérables mangeurs de saucisses souriant autour des braises.

Le dimanche est un jour magique où la mélancolie de la semaine se transforme en larmes de joie.

L’alchimiste lance sa pièce de deux euros. Pile pour les tracas. Face pour l’insouciance. Le cercle doré s’envole, tourne dans le airs et retombe sur la pelouse. Le visage lumineux de Simone Veil observe le ciel avec sérénité. Aujourd’hui, rien ne peut arriver dans cet oasis où les chameaux sont des chihuahuas et les palmiers des marronniers. Même Momo sourie, lui qui fronce les sourcils en permanence, soucieux d’exister, s’excusant presque d’être là et de se sentir vivant. Il a le feu dans la tète ce soir Momo. Il parle beaucoup, comme pour rattraper tous ces moments silencieux à mater les marches froides de son immeuble, attendant une réponse divine de l’une d’entre elles. Pourquoi son daron est parti quand il avait huit ans ? Pourquoi il transpire dès qu’il parle à la voisine du second, celle qu’il surnomme Marge à cause de ses cils interminables et d’une voix rocailleuse de buveuse de whisky.

Les vannes fusent comme des mitraillettes un 31 décembre. Ces gamins de plus d’un mètre quatre-vingt-dix embrassent toujours leurs mères avant d’aller faire les boîtes d’intérim. Ils sont jugés par la société sans avoir d’avocats. L’habit ne fait pas le padawan. Parfois les mauvaises herbes sont plus majestueuses qu’un rosier taillé au sécateur.

Le brasier s’emballe. Un début de feu de la Saint-Jean urbain. Une chipolata se suicide au milieu des braises. Momo n’a rien pu faire avec sa pince improvisée en carton. Pas de défibrillateur à proximité, c’est là qu’il regrette d’avoir sécher les cours de secourisme à la Croix Rouge. Comment fait-on un massage cardiaque à un bout de barbaque ? Il toussote, les yeux rouges. Il a de l’empathie pour cette grillade anonyme. RIP. Les autres se foutent de sa gueule. C’est un shoot de sérotonine.

“Tu veux qu’on l’enterre sous un arbre et que je fasse venir les flics pour demander une autopsie?”

C’est leurs façons de lui montrer qu’ils l’aiment et qu’en cas d’embrouilles, ils seront prêts à froisser quelques os juste pour qu’il puisse prendre la fuite.

“On est vraiment une belle de bande de bâtards” qu’il dit, un bout d’incisive en moins.

Tout le monde se marre sans savoir pourquoi, comme dans une kermesse d’école où les mères vendent de la tarte aux myrtilles ou du gâteau au chocolat pour financer le voyage des gamins à Londres.

L’école de la vie. Celle de grands enfants qui deviennent des adultes dans la sueur et les tremblements.

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Commentaires (10)

  1. C’est quoi cet article de m****, si j’avais voulu lire un roman à l’eau de rose, jaurais acheté un dces livres avec une nana à poil sur la couverture vendu en kiosk à la gare

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